Chanvre avec vue

Publié le 25/09/2024 à 19:27 | Écrit par Robot Meyrat | Temps de lecture : 04m49s

Qui, après avoir fumé la fleur qui fait des fleurs au cerveau, n'a pas rêvé de découvrir quel genre de paradis serait devenu l'Hexagone, si cette merveilleuse substance était (re)devenue légale ? On n’est pas loin de la panacée, quant on sait, qu’en dehors des nombreuses qualités du chanvre pour un usage médical et récréatif, sa fibre est aussi très intéressante pour le textile, même son écorce est utilisée pour le paillage. Contrairement au coton, il ne nécessite que très peu d’eau pour sa culture et pas de traitement insecticide.
Alors qu’est-ce qui fait peur au législateur, que l’on devienne tous de dangereux éco-hippies ? Honnêtement, tout individu disposant d'un cerveau et en faisant usage, ne peut qu'être choqué par l'hypocrisie de la prohibition et ses conséquences néfastes. Est-ce nécessaire de rappeler qu’elle permet la prospérité des narco-trafiquants par le biais des dealers, qu'elle encourage l’usage de drogues qui ne sont pas aussi douces que le cannabis, qu’elle stigmatise et criminalise les usagers, en particulier certaines communautés, aggravant les inégalités sociales ? Même si, en théorie, depuis 2015, les simples usagers écopent juste d'une amende et ne vont pas en prison, ils sont quand même considérés comme trafiquants dans le cas de culture personnel de cannabis. On peut ajouter le sexy de l'interdit, qui crée un désir fort pour ce produit chez l'ado, à la longue liste des raisons de le dépénaliser.
Alors pourquoi deux poids deux mesures ? Sans doute à cause de l'influence de deux des plus grands dealers légaux. On applaudit bien fort le lobby du vin et le lobby pharmaceutique. Je ne suis pas certain qu'ils finiraient par s'effondrer, même s'ils devaient faire face à une concurrence moins dangereuse et moins onéreuse. Si le consommateur était raisonnable, la publicité n'existerait pas. Mais allez expliquer à leurs actionnaires, qu'ils devraient diminuer leurs bénéfices par souci de santé publique. Ce serait aussi stérile que de parler écologie avec le patron de Total. Et même le troisième du podium pourrait être inquiété, car le cannabis peut aussi se fumer pur, avec une dépendance physiologique bien plus faible que pour la nicotine. Quant à la dépendance psychologique, cela m’étonnerait qu’elle soit aussi forte que celle liée à l’usage des téléphones portables… De toute façon, la réalité, c’est la course à la molécule non interdite, en ce moment n’importe qui peut acheter du HHCPO sur internet en profitant du flou légal pour planer. En avril dernier, j’ai été choqué de voir qu’une initiation aux vins était proposée par la MJC de Dole et le vin fourni. C’est la goutte de trop qui m’a poussé à écrire, pour rappeler que depuis l’appel du 18 juin 1976, réitéré en 1993 par le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique, nous sommes de plus en plus nombreux à espérer un retour à la raison et souhaiter la dépénalisation de la drogue désormais la plus consommée en France. 5 millions de français qui se sentiraient bien soulagés de sortir de l’illégalité et cesser d’être soumis à l’arbitraire des autorités. C’est aussi parce que je revenais juste d’un voyage en bus à Amsterdam.
Pour quelqu’un passionné par la culture psychédélique, c’est assez paradoxal d’avoir été pour la première fois de ma vie dans un coffee shop, mais de ne pas avoir fumé. Le cannabis ne réussit pas à tout le monde, il est même fortement déconseillé à certains profils fragiles psychologiquement. Pour faire simple, on va dire que pour un profil très schizoïde, qui est comme tombé dans la marmite, le côté récréatif est non seulement très superflu, mais en plus, c’est un coup à s’emmêler sérieusement les pinceaux. Après, mon problème c'est surtout le THC, en fait, il est fort possible que le CBD soit un bon auxiliaire pour calmer mes angoisses. Reste la question la plus délicate : légaliser ou dépénaliser ?
Entre 1912 et 1954, la France organisait carrément la vente du cannabis au Maroc. Seulement, il n'y a pas besoin de chercher loin pour voir que ce commerce, qui était une des principales ressources des colonies, dans les mains de l'État peut devenir dangereux. En Indochine, c'est la régie française qui avait le monopole de la production et de la vente de l’opium et elle a poussé les colonisés à en consommer massivement.
 Il n'en reste pas moins qu'un des avantages les plus intéressants de la légalisation est de permettre de contrôler la qualité des substances. Exit la résine de shit très souvent coupée avec des médicaments, la beuh alourdie avec du verre ou dont le taux de THC est bien trop élevé. Ainsi que de rendre possible une véritable prévention des conduites à risque. Et surtout de permettre à la police de se consacrer à des missions moins insensées, ainsi que de vider les prisons qui en ont bien besoin.
Dans l’hexagone, la solution des "socials clubs" espagnols serait une option intéressante. Personnellement, j'opterais volontiers pour les exemples allemands et canadiens : autoriser la culture de 3 ou 4 pieds chez soi, ce serait un sacré pas en avant vers une société où la nature retrouve sa place, mais ce n’est que mon opinion, je ne suis pas un expert, pour en savoir plus il faudrait consulter le professeur Amine Benyamina. A la fin de la série documentaire Cannabis sortie en avril, face à l'attitude éclairée du premier ministre canadien, Mathieu Kassovitz espère que le gouvernement français prenne exemple sur cette réussite. Sauf que c'est oublier l'état de corruption généralisée de la France, où toutes les hautes sphères sont exemptées de suivre les lois qui sont appliquées au simple citoyen. Sans compter la grosse blague de la justice, les amendes n’étant pas proportionnelles aux revenus. Et où la principale préoccupation des dirigeants en matière de drogue doit être de ne pas faire tomber les filières qui leur apportent leur cocaïne à bon marché. Sans compter que les réseaux du marché noir sont peut-être bien pratiques pour le trafic d’armes. Alors oui, c’est pas gagné pour que ça change, mais ne serait ce que si on voulait vraiment diminuer la violence faite aux femmes, la dépénalisation du cannabis permettrait de limiter sensiblement les violences liées à l'alcool et à la cocaïne : ça vaut le coup d’essayer. 




À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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