LE CONDENSATEUR #1: L'énergie quésako ?
LE CONDENSATEUR #1 : L'énergie quésako ?
« Le Condensateur » est une série de capsules écrites, de synthèses de synthèses, ayant pour principale préoccupation la vulgarisation de thèmes scientifiques en relation directe avec les enjeux écologiques de notre temps. La source principale de ce format sont les cours dispensés par Jean-Marc Jancovici, ingénieur polytechnicien, à l’École des Mines de Paris. Certains passages sont explicitement des citations.
Alors l'énergie kécécè? C'est pas une facture à la fin du mois, c'est pas quelque chose qui s'achète. Et oui Monsieur! Ici on parle de science! Alors exit les raisonnements fumeux d'économistes. C'est pas avec ça qu'on va atteindre l'essentiel du sujet.
T'es pas content que je dise ça? Tu trouves ça peut être un peu vexant ? Alors petite digression pour t'expliquer pourquoi : en termes strictement économiques, l'énergie est un objet marchand et l'on regarde ce qu'il coûte rapporté à ce que l'on gagne. En somme pour un pays, on regarde la partie du PIB servant à l'achat de l'ensemble des énergies (pétrole, gaz, charbon...), c'est à dire quelques pourcents, et l'objet « énergie » en économie sera alors traité de manière marginale. Bon on y a déjà passé trop de temps. Janco tu me fumes ça en deux lignes?
« Ce raisonnement est aussi pertinent que celui-ci: Si je considère que mon cerveau ne représente que 2% de mon poids total, je peux le supprimer, je ne perdrais que 2% de mon efficacité. »
Merci.
La démonstration sera donc plutôt la suivante : les 95 à 98% du PIB qui ne sont pas de l'achat d'énergie dépendent entièrement des 3 à 5% d'achats d'énergie.
Une réponse autrement plus commune est étrangement plus proche de la réalité : lorsque l'on se sent « remplis d'énergie », nous nous sentons en capacité de maîtriser notre destin, de nous mettre en mouvement. Dans notre sujet, utiliser de l'énergie est ce qui définit précisément notre capacité à maîtriser notre environnement.
L'énergie, c'est ce qui quantifie le changement d'état d'un système. Autrement dit, plus le monde qui nous entoure change, plus il y a d'énergie qui est entrée en jeu. Et son corollaire, plus il y a d'énergie qui entre en jeu, plus le monde se transforme.
Ça a l'air chiant dit comme ça... En fait c'est tout con, si tu prends un objet destiné à changer la température (chauffer ou refroidir), il va utiliser ou restituer de l'énergie (radiateurs, climatisations...). Pareil pour les objets qui modifient la vitesse (voitures, camions, avions...), un changement de vitesse est un changement d'état d'un système. Tout cela engage de l'énergie et l'énergie n'est rien d'autre que ce qui quantifie la transformation du monde qui nous entoure. Passons.
L'Homme est en transition énergétique depuis sa naissance, depuis 500 000 ans.
« La transition énergétique est un état permanent des hommes puisque à chaque fois que nous trouvons une nouvelle manière d'utiliser une source d'énergie, nous le faisons. Ainsi, ce qui caractérise l'ère « moderne », ce n'est pas l'utilisation de sources d'énergies nouvelles (sauf pour le nucléaire et le photovoltaïque) mais le changement de grandeur dans leur usage. Nous l'avons fait de manière très radicale et en l'espace de très peu de temps.»
Et hop ! Un élément de langage en moins !
Pour la faire courte, au départ l'Homme ne pouvait utiliser que son énergie corporelle (prodiguée par l'alimentation) et ce jusqu'à la domestication du feu, première source d'énergie extra corporelle. Puis, dans l'Antiquité, le bipède s'est mis à domestiquer toutes les énergies renouvelables (bois, vent, hydraulique, traction animale...) et de manière très minimale des énergies fossiles (le pétrole est découvert en -3000 av.J.C par les Sumériens). La Révolution Industrielle a été la période de la domestication des énergies fossiles.
L'énergie est gouvernée par des lois que nous humains ne pouvons pas changer. Nous ne pouvons que les comprendre. Ainsi d'une part donc, l'énergie quantifie la transformation de l'environnement et d'autre part le principe de conservation stipule que la quantité d'énergie d'un système isolé (comme le système solaire ou ton slip) ne peut varier.
A cause de cette loi de conservation, quand on l'applique aux humains, « utiliser » de l'énergie c'est en pratique extraire de l'énergie de l'environnement et la transformer avec un convertisseur (ex : se nourrir puis se mouvoir). Nous ne pouvons rien faire d'autre qu'extraire de l'environnement une énergie qui existe déjà. Ainsi, pour utiliser « plus puissant que son corps» il faut un autre convertisseur et l'énergie qui l'alimente. Nous nous sommes alors mis à utiliser toute les énergies renouvelables possibles (vent, eau...), incluant d'autres organismes vivants (animaux de trait).
« L'énergie renouvelable était notre quotidien il y a quelque siècles. Un monde d'un milliard d'habitants, avec une espérance de vie à la naissance de 30 à 40 ans et les 2/3 de la population travaillant au champ est viable en 100% énergies renouvelables (ENR), nous témoigne l'Histoire. »
Il y a alors deux siècles, nous avons commencé à utiliser des convertisseurs qui eux ne sont pas renouvelables, en l’occurrence des machines faites de métal que nous approvisionnons alors avec ce que l'on appelle des combustibles fossiles (pétrole, gaz...).
« Aujourd'hui, parler énergie c'est parler de machines : la quantité croissante d'énergies que nous utilisons n'est rien d'autre que la manière d'augmenter - à due proportion - un énorme exosquelette mécanique que nous créons. Ce nombre de machines est le monde dans lequel nous vivons. Nous sommes Iron Man pour de vrai.»
Besoin d'une image?
Lorsque j'enfile mon froc le matin, les quelques secondes que je mets à m'en flanquer auront mobilisé des milliers de machines sans que je m'en sois rendu compte. A commencer par une avant garde de machines agricoles - si mes guêtres sont en textile naturel comme le coton ou le lin - qui aura semé, traité, récolté. Si je porte des frusques en fibres textiles synthétiques (nylon...), je les dois au branle bas des plateformes pétrolières, des vapocraqueurs et des raffineries. Il aura fallu ensuite utiliser la cohorte des machines à tisser (accompagnées d'enfants si possible) et si mes fripes sont teintes, nous aurons du alors mobiliser la garde prétorienne des machines de l'industrie chimique. Toutes ces étapes intermédiaires sont liées entre elles par une chaîne logistique mobilisant camions, trains, tankers et avions. Sans compter les boites dans lesquelles on aura installé les raffineries, les usines chimiques... Et aussi les centrales électriques qui alimentent toute une partie de tous ces processus...
En gros ça fait un PAQUET de machines! Et ceci pour quelque chose de tout à fait anodin comme... bah... enfiler un tricot. Une armée de monstres métalliques shootés au pétrole pour mon p***** de TRICOT!
Et évidemment ça marche presque pour tous les objets du quotidien.
Dans la prochaine capsule, il sera question du compte de l'énergie. En attendant, je vous invite à consulter le site internet de Jean-Marc Jancovici, jancovici.com , et pour les plus accrochés, le cours vidéo suivant Cours 1 - L'énergie - .
E.B.A
À propos de l'auteur(e) :
Elie Ben-Ahmed
Faux écologiste admis aux Gilets Jaunes sur liste d'attente, souffre d'hyperphagie informationnelle causant souvent des troubles de paraphrasite aigue. CAP "Technicien de Maintenance de l'Ascenseur Social - Option Scooter en Y" en cours.
Volontaire en sévices civiques
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