LE CONDENSATEUR #2: Compter l'énergie, la folie des grandeurs...

Publié le 20/01/2020 à 20:48 | Écrit par Elie Ben-Ahmed | Temps de lecture : 03m44s

« Le Condensateur » est une série de capsules écrites ayant pour principale préoccupation la vulgarisation de thèmes scientifiques en relation directe avec les enjeux écologiques de notre temps. La source principale de ce format sont les cours dispensés par Jean-Marc Jancovici, ingénieur polytechnicien, à l'école d'ingénieurs MinesParisTech. Certains passages sont explicitement des citations.

Aujourd'hui ça va être un peu lourd. J’espère que vous avez pas trop bouffé à midi. Pour éviter une indigestion, ça va vous demander un petit effort. Mais rassurez-vous, rien de bien compliqué.

CON-CEN-TRA-TION ! On y va.

Plusieurs unités de mesures s'offrent à nous pour compter l'énergie. Dans nos capsules nous utiliserons principalement le kWh, unité la plus compréhensible pour nous les franchouillards (50 000 kWh utilisés en moyenne par an, directement et indirectement pour un français). Par ailleurs, nous serons amenés à utiliser fréquemment deux autres unités : la tonne équivalent pétrole (TEP) et l'équivalent esclave (EE).

Pour l'instant, focus sur l'équivalent esclave. Un peu morbide comme unité non ? Un tantinet trash ! C'est bien une idée d'ingénieur frustré ça encore... Alors kécécè ?

Si un homme moyen décide dans une journée de réaliser 6,3 fois l'ascension de la Tour Eiffel (environ 300m de hauteur), il réalise un parcours de 2000m de dénivelé. Ce faisant, il utilise ses jambes dans l'exercice. L'énergie mécanique restituée avec un effort de cette nature est un petit ½ kWh sur une journée. Pas ouf. Et si cet homme fournit cet effort un jour sur deux , à la fin de l'année, ses jambes auront fourni environ 100 kWh d'énergie mécanique. Vraiment pas ouf. Retenons donc ceci : un équivalent esclave c'est 100 kWh d'énergie mécanique.

En fait, cette unité a été pensée pour rendre les ordres de grandeurs plus compréhensibles pour nous les pécores. Et ça marche bien !

Si on fait brûler 1L d'essence, nous obtenons 10 kWh d'énergie thermique. En passant ce litre par un convertisseur mécanique (moteur à explosion...) nous obtenons 2 à 4 kWh d'énergie mécanique. C'est à dire que dans 1L d'essence , il y a la même capacité de travail que dans 10 à 100 jours de travail physique d'un être humain. Le français moyen consomme environ 1000 litres par an.

T'imagines ça? Lorsque ta voiture consomme 1L d'essence, ça développe autant que la puissance physique de 10 à 100 êtres humains ! Et c'est pas fini. Si tu prends toute l'énergie que tu consommes dans l'année, cela équivaut au travail de 400 à 500 esclaves bipèdes 24h/24h, juste pour ta petite trogne. Nous ferions rougir les pharaons ! Les rois les plus puissants auraient levé des armées pour avoir accès à un tel niveau de confort.

 

           Quelques ordres de grandeurs concernant les usages énergétiques courant en journées de travail d'un esclave humain:

          Une année d'éclairage d'un logement = 450 kWh = 800 jours esclaves

          Électroménager complet = 2602 kWh = 5000 jours esclaves

          Ordinateur + écran plat = 5500 kWh = 7000 jours esclaves

          Un vol transatlantique en seconde classe = 6000 kWh = 10 000 jours esclaves

          15 000 kilomètres en voiture = 15 000 kWh = 25 000 à 50 000 jours esclaves

          Chauffage annuel d'un logement de 100m2 = 18 000 kWh = plus de 30 000 jours esclaves

 

          Quelques autres équivalences

         Un homme au travail produit 10 à 100W

         Un tracteur = 60 kW = 600 hommes au travail

         Un camion = 400 kW = 4000 hommes au travail

         Un avion = 100 MW = 1 000 000 d'hommes au travail

 

Une des choses à retenir ici est la suivante : le différentiel entre notre corps et une machine est gigantesque. Rendez-vous compte ! Un laminoir industriel est aussi puissant que tout les grecs réunis pour taper sur des tôles avec des marteaux. Grâce à la puissance de nos bécanes, nous pouvons aujourd'hui construire une maison pour le coût de quelques années de salaires, chose qui était tout à fait impensable pour un homme du XIXème siècle, par exemple.

Peut-être pensais-tu que la fin de l'esclavage avait à voir avec un grand changement de paradigme humaniste ? Au risque de te décevoir, la réponse est non.

En terme de fric, la différence de prix entre un kW d'énergie mécanique produit par un homme et un kW d'énergie mécanique produit par une machine est gigantesque. Un homme est environ 5000 fois plus cher. L'homme au travail coûte de quelques centaines à quelques milliers d'euros là où la machine au travail, elle, ne coûtera – après son achat – que quelques dizaines de centimes. L'énergie coûte moins chère et c'est pour cela que nos sociétés mécanisent tout ce qu'elles peuvent.

Vous comprenez ! Un travailleur c'est chiant ! Ça se met en grève, c'est pas rationnel, ça a des sentiments quoi. Et un esclave c'est pareil, voir encore plus chiant : faut aller le chercher contre sa volonté, l'acheter, s'en protéger, l'empêcher de s'enfuir, le nourrir, le loger... En bref, des sociétés ayant accès à l'énergie n'ont plus d'incitations à esclavager des populations entières, elles ont trouvé beaucoup plus efficace pour faire le même travail.

La libération des esclaves, c'est les machines, c'est l'énergie, c'est le pétrole.

E.B.A

Dans notre prochaine capsule nous nous intéresserons à l'évolution de l'utilisation des énergies . En l'attente, je vous invite à consulter le site internet de Jean-Marc Jancovici https://jancovici.com/ et pour les plus accrochés le cours vidéo suivant https://youtu.be/xgy0rW0oaFI .




À propos de l'auteur(e) :

Elie Ben-Ahmed

Faux écologiste admis aux Gilets Jaunes sur liste d'attente, souffre d'hyperphagie informationnelle causant souvent des troubles de paraphrasite aigue. CAP "Technicien de Maintenance de l'Ascenseur Social - Option Scooter en Y" en cours.


Volontaire en sévices civiques

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