Mode sombre

C’est le Printemps des Poètes ! Ah, le joli mois de mars qui s’annonce ! Le gouvernement a profité de l’année bissextile et d’un samedi pour annoncer le 49,3 qui est à la Vème république ce que Mars est à la guerre : un coup de barre sur la tronche de l’adversaire. Là au moins, c’est net. Finies les enculades mouchetées du palais Bourbon ! On est dans le dur !

Mais qu’est-ce qui a donc pris à ce ministre de la culture dont le nom n’est pas encore entré dans mes circuits neuronaux d’accepter de prendre le courage pour thème de ce ènième mois de la poésie ? C’est à croire que ce préposé au divertissement de masse s’est crû investi d’une mission soudaine mais pressante : trouver un thème qui redonne du sens à une manifestation dont tout le monde se beurre le coquillard.

Encore de la mauvaise foi ! me direz-vous, avec une certaine aigreur ! ajouteront ceux qui pensent que la culture, c’est le dernier rempart contre la barbarie pour ceux qui sirotent un doigt de Reverdy en fixant du Soulages. En fait, ce qui m’emmerde dans le Printemps des Poètes, comme dans la Journée des Femmes, c’est le côté période : un mois pour les premiers, 24 heures pour les secondes. Alors que la poésie et les femmes, je vis avec et tous les jours. Je ne me sens pas une âme de militant particulière à leur endroit. D’autres s’en chargent mieux que moi. Libres Commères ne serait d’ailleurs pas contre deux ou trois tribunes publiables le 8 mars à ce sujet. Les cocottes, à vos plumes !

Et pour en revenir à la poésie, le mois s’annonce Lorca ! Federico Garcia Lorca. Grand poète espagnol, intellectuel antifranquiste, militant de la première heure face à la barbarie, il sera fusillé un mois à peine après le début de la guerre civile en 36. Alexandre Picard de la Compagnie le Nez en l’Air ne s’y est pas trompé en le choisissant comme héros de sa troisième Figure insoumise. C’est à la médiathèque de l’Hôtel-Dieu, le vendredi 20 mars à 19 heures, c’est gratuit (c’est donc nous qui paye !), c’est du théâtre de poche avec marionnettes, pas très long et vraiment accessible, alors on téléphone pour réserver (03 84 69 01 50), on blinde la salle, ça permettra de se serrer les coudes car si j’ai l’air de déconner, ça n’empêche pas le 49,3 de fondre sur la France. Y aurait comme une odeur d’état de siège et de pleins pouvoirs que je ne serais pas plus surpris que ça ! Il sera intéressant à ce sujet de suivre les réactions de nos élus : Danièle Brûlebois avait annoncé la couleur de LaRem. Attendons de voir ce que Jean-Marie Sermier nous réserve comme esquive. J’ai oublié la troisième jurassienne mais tout cela compte bien évidemment pour du beurre.

Lordon l’avait bien dit : le capitalisme ne rendra pas les clefs gentiment. Macron et ses sbires sont programmés pour tout dézinguer et mettre les décombres sur le marché (santé, éducation, industrie, énergie, transports…). Ceux qui croyaient encore au parlementarisme ont leur réponse : la ploutocratie s’assoit dessus quand ça l’arrange comme elle fait sortir ses nervis quand on la dérange. Autrement dit, les capitalistes ne tolèrent la démocratie que lorsqu’elle sert leur appétit. Les amendements à répétition de la France insoumise, ça va un temps ! On passe maintenant aux choses sérieuses.

Les voraces ne sont pas des enfants de chœur. Le gouvernement n’a pas fait de cadeaux aux Gilets jaunes ni aux grévistes. C’est pas quelques naufragés de la gauche parlementaire qui vont faire la loi ! Et puis, y avait quelques milliers d’amendements en trop tout de même…

Il va donc nous falloir du courage parce qu’on va en chier. Pas tellement plus pour la plupart d’entre nous mais peut-être que nos amis les poêteux vont descendre de leurs nuages, arrêter de se voiler les fesses et bien se dire qu’on est en train de se la faire mettre profond. Le temps n’est plus à la culture, au cirque et à la poésie. Le temps est au courage, celui qui est fait du sang et des larmes, ce que promettait Churchill aux Anglais face aux Nazis. J’entends déjà les gazelles effarouchées : oh la la, pas d’amalgame ! Et puis quoi encore ? Contrairement aux apparences, c’est pas moi qui ai dépassé le point Godwin le premier !


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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