Mode sombre

 

Attention si tu souffres d'épilepsie, ce Vidéo Art Clip comporte des flashs extrêmement répétitifs.
Il est présenté comme une ASMR (
Autonomous Sensory Meridian Response) ayant pour but d'induire un état de transe similaire au LSD, pourtant, c'est de la publicité mensongère, en réalité, il se rapproche plus d'un mauvais trip sous kétamine.



Les vagues de signaux visuels ont été réalisés en improvisant sur un générateur de fréquences électriques couplé à un petit moniteur. Une grande partie de la musique a été générée en même temps.
Cette création a été réalisée pour participer à la compilation de cartes postales* sonores du netlabel le Camembert Electrique.
Deux morceaux ont été ensuite extraits du Vidéo Art Clip, le premier évoque le gouffre de Padirac et le second comporte le texte suivant qui accompagne un diaporama volontairement anti-esthétique de Collonges-la-Rouge. "Phonographies" une des précédentes compilations libres est une très bonne porte d'entrée pour découvrir l'art du Field Recording. D'ailleurs, tu peux retrouver à la fin de cet article "Drowning in Noise" enregistrée à Pesmes qui a été réalisé pour celle-ci.

Chers êtres semblables et différents... à la fois.
 
Eté  2022. Nous avions glissé dans une coulée végétale, faite d'arbres penchés qui nous regardaient passer tels que si nous étions des touristes dans un tube d'aqua-parc. Tandis qu'autour de nous la végétation souffrait le martyre, les incendies ravageaient des dizaines de milliers d'hectares de forêt. Le cataclysme climatique n'en était pourtant qu'à ses balbutiements. Les experts affirmaient que dans quelques années nous nous souviendrions de cet été avec regrets.
Les radiations de la lointaine centrale Zaporijjia parvenaient jusqu'à l'écran, brouillant ma musique intérieure pour lui donner ce grésilli si caractéristique du noise. Nous tournions autour de Turenne dans une randonnée sans eau, comme voulant inconsciemment montrer à nos chairs la marque du manque prochain. Je m'essayais aux nouvelles formes de narrations, abandonnant définitivement les formats surfaits, l'attirail étriqué des livres, nouvelles, recueils de poèmes... Paradoxalement, j'empruntais une technique venue de l'aube des temps, le crachi des hommes de Cro-Magnon, projetant mes impressions avec ma bouche directement sur ma main faisant office de pochoir.
Une variant plus naturel du street art... Quand est-ce que la libre expression deviendra enfin une épidémie ?

Sur les écrans d'une plateforme de streaming "have a good trip" vantait la culture psychédélique et me rappelait qu'ici dans l'hexagone, le label mort-né que j'animais était le pionnier de la musique psycho-active.
J'étais las de faire semblant de créer des musiques accessibles, alors qu'il n'y avait plus de récepteurs ou jamais eu de récepteurs, autres que les arpenteurs de l'inaccessible.
Les découvreurs de l'impossible, ceux qui, comme toi, boit à la source qui n'a pas encore été polluée par la société du spectacle.

Comble de l'ironie, durant cette marche, pas un instant, je n'avais eu en tête les flashs du diaporama qui était venu s'intercaler au milieu du flux visuel. Réduisant à néant la beauté de son épure. Seule concession au concept de carte postale, mais en forme de pied nez, l'incrustation du tir de masse photographique dont le village de Collonges-la-Rouge avait été le théâtre lors de mon passage estival. Réponse cryptique, à la suite d'une projection commentée à la Bobine, à l'intérêt d'un spectateur pour cette discipline honnie par tout photographe qui se respecte.

Par contre, j'étais hanté par l'étrange mélange sur la fréquence 104.1 de deux radios. De l'union monstrueuse de ces sources sonores jaillissait un programme hybride en tout point remarquable.

Si je voulais (encore) parler, écrire (encore) un article, c'est ce que je ferais, je ne chercherais pas à m'intéresser à quoi que ce soit d'autre que de dévoiler le fond de mes pensées les plus secrètes.
Exhiber ma fréquence intime, traduire une forme d'humour transgressif, un regard singulièrement décalé, juste avec l'espoir fou... Que cela puisse résonner en toi ?
Et ainsi me convaincre que je ne suis pas seul à rêver d'une autre vie...  

Une main d'enfant tendue dans le vide pour entrer en contact.

Et comme j'aime chambouler ma raison.
Peut-être aussi, à la façon d'un trip de LSD, remettre en cause ce qui me parait immuable :
Et si mon éternel présent ; auquel je me raccroche comme tout un chacun en quête de permanence
; n'était qu'un tour de mon esprit pour éteindre mes peurs. Pour que je puisse moi aussi évoluer librement, il me faudrait abandonner la norme brisée à mes pieds comme un mauvais souvenir.

Nous sommes multiples, carrefours de courants contraires... et complémentaires.

L'autre qui se croit libre la baise en secret du bout des lèvres.

Fort heureusement, la bave du fantôme d'Isidore Isou le garde à bonne distance de toute tentative grossière d'illustration.

Quant à moi, je n'ai plus besoin de m'exprimer.
De même, celui qui veut tout comprendre ne comprendra jamais rien.
Celui qui veut tout dire n'a vraiment rien à dire.

Parfois, je laisse (encore) des fragments d'un voyage sans commencement ni fin.
Et c'est tout.

À la façon du prisonnier qui jette à travers ses barreaux des bouteilles à la mer pour qu'un jour, sur le rivage, il en trouve une et puisse se souvenir, qu'il n'est pas le premier à faire ce chemin.

Impression fugitive d'un instant partagé sans destinataire précis.

Sincères Salutations Sonores


.... finalement de notre passage, il ne reste que des traces dans une caverne ou sur la vaste toile mondiale, celui qui aurait pu les décoder est parti, il en a fait usage pour changer sa vie ou s'en est détourné pour sombrer dans l'oubli.

* Rien à voir avec l'album "Carte Postale" de Pirate Tapes (qui n'a rien à voir avec celui de Cabrel) qui est une des dernières sorties du netlabel Murmure Intemporel, avant une pause à durée indéterminée, en partie faute d'intérêt du public, sans doute plus pour la musique en général, que les expérimentations musicales en particulier. Il faisait partie des rares à rester fidèle
à l'origine du terme netlabel, qui définissait des labels diffusant uniquement de la musique gratuite. La culture libre n'existe que si elle a un public qui l'a fait vivre en la partageant. C'est un peu comme pour le bio, cela demande de réfléchir vers quel modèle de société l'on souhaite se diriger et d'agir en fonction.




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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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