ACÉPHALE

Mode sombre

L'Acéphale regroupe le minotaure, Dionysos, Œdipe. C'est une incarnation du surhomme nietzschéen. "Il n'est pas un homme, il n'est pas non plus un dieu, il n'est pas moi, mais il est plus moi que moi".

Acéphale a reconnu le lien intime de l'érotisme et de la mort et il a pu grâce à cela tuer le père, tuer dieu, il s'est coupé la tête pour avoir accès à une lucidité supérieure et obtenir une croyance.

Cette citation d’ANTEPOP pourrait suffire comme unique présentation de cet album, pourtant j’aimerais détailler un peu sa création et ses sous-jacents.

Est-ce le hasard qui a remis Georges Bataille sur mon chemin ?
Il y a des années, j'avais interprété l'Anus Solaire charmé par sa dimension transgressive, sans pour autant poursuivre plus avant l'exploration de son œuvre. Puis lors de l'édition 2016 de Back To The Trees, j'ai découvert l'existence de la revue Acéphale grâce à une conférence de Laurent Devèze.



Ce qui m’a le plus enthousiasmé, sous les atours de cet étrange culte, c’est la dimension de retour à la nature relativement similaire au Walden de Henry David Thoreau. La poésie est un outil sensible de connexion à l’univers et à l’ère du cloisonnement des écrans faire ce rappel me semble pertinent. Également, depuis la création du site dédié à la revue « Le Grand Jeu »  c'est un peu mon dada d’exhumer les revues poétiques qui ont vu le jour au fil du temps dans l'hexagone. Ainsi après la revue « Discontinuité » cela faisait sens que PIRATE Tapes présente quelques extraits de la revue « Acéphale » accompagnés d'autres poèmes de Georges Bataille.

A l’origine, en raison de très nombreuses affinités, je souhaitais réaliser un album en collaboration avec ANTEPOP pour le netlabel le Camembert Électrique. D’où les titres reprenant le procédé de fabrication de la cancoillotte, histoire de ne pas se prendre trop au sérieux et ainsi jouir d’une plus grande liberté créative. Un premier morceau a été extrait de cette session d’improvisation et a été complété par un field recording, afin de participer à la compilation Phonographies. Ce procédé s’est donc imposé comme une évidence pour le développement des autres morceaux de l’album. C’est d’ailleurs le seul morceau qui n’a pas été complété par des poèmes. Curieusement, au départ, nous avions enregistré des poèmes d’Apollinaire, ce n’est que par la suite que les chemins de l’intuition nous ont amené à leurs préférer ceux de Georges Bataille. Les vers de l’inédit Acéphale m’ont beaucoup questionné, au point que j’hésite à l’inclure, mais j’ai préféré ne pas le censurer et laisser la liberté à chacun d’en faire sa propre interprétation. Il est peut-être intéressant de souhaiter être en phase avec le temps présent, en apportant de l’espoir et de la sérénité, quand ses qualités font cruellement défaut au monde dans lequel on vit. Mais ce serait méconnaître la simple nature de révélateur de l’art, que de chercher à le polariser. Il me semble vital de préserver les rugosités, les errances de la pensée, tout ce qui, pour moi, fait sens dans les écrits de Bataille est justement de se confronter aux monstruosités, pour questionner notre part d’ombre et percevoir notre nature profonde, non duelle. Pour moi, en chacun est l’univers, tout le bien comme tout le mal, ce sont nos choix qui nous oriente, nos actes qui nous définissent. D’où l’importance de la présence des monstres dans la fiction. La fiction, comme le subconscient, non seulement, permet de les contenir, mais est également un espace qui permet de les étudier sans risque réel, à la façon d’une boite virtuelle qui permet de tester un exécutable potentiellement dangereux. Ce n’est pas en aseptisant le passé, en pratiquant la censure, en occultant les traces de l’obscurantisme que l’on peut s’en protéger*. C’est au contraire en nous permettant de faire l’expérience de se confronter à ce qui nous dérange et donc de nous former en connaissance de cause, que l’on peut développer un esprit critique, qui rende possible un futur, qui ne reproduise pas les erreurs du passé.
Quant à l’Acéphale, si mon hétéronyme Ed End a la même signification, ce n’est pas pour rien et cela explique qu’il m’a été difficile de ne pas m’immiscer plus que je ne l’aurais voulu dans la partie ANTEPOP de cet album. Qui est donc en réalité, plus une participation "antepop ante-pirate tapes". Est-ce que si l’on perd la tête, ce n’est pas en partie pour essayer de mieux connaître les autres  ?

* Histoire d’être bien clair, je précise qu’autant je trouve dangereux de réécrire la fiction passée, autant je trouve nécessaire d’intervenir dans l’espace public, car dans ce cas, il s’agit de mettre un terme à la glorification de monstres. Après ma vision créative serait plutôt que de détruire une statue de Colbert, de mettre face à lui celle d’un esclave qui brise ses chaînes.

Cet album est offert en téléchargement gratuit ici en mp3 et Wav&Flac ici à toute personne qui a terminé de lire cette présentation. Bonne écoute, mais gare à vos esgourdes, ce n'est pas de la musique facile, cet album est un enfant terrible.

 

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