Hop hop hop hôpital
Vendredi soir, à l’heure où la France entière boit l’apéro pour fêter l’arrivée du week-end, je me suis rendu à l’assemblée générale du Comité de défense des Hôpitaux publics de Dole, qu’on désignera dorénavant par Comité pour éviter la crise d’asthme. Ce n’est pas que je n’ai rien à faire de ma vie mais parce que le Progrès m’y envoyait en mission. Le secrétaire de l’asso Christian Parent m’a d’ailleurs accueilli en me demandant si je venais en tant que correspondant ou en tant que citoyen. J’ai avoué que je ne faisais pas toujours la part des choses et hop, j’ai renouvelé mon adhésion pour un an. Le Comité m’a offert il y a quelques années le rôle de ma vie : médecin urgentiste à la mode de Molière, un grand moment dans l’histoire du théâtre dolois. Bref, je me trouve une place salle Edgar Faure pour prendre une photo sans avoir à me lever, je branche le magnéto et je m’apprête à m’assoupir un peu. Mais non, j’ai tout écouté. La co-présidente Laurence Bernier nous a dressé dans son bilan moral un tableau assez morose de la situation qui se dégrade à l’échelon national alors qu’au local, il flotte comme un sfumato communicationnel, faute de données clairement présentées de la part de la direction de l’hôpital Pasteur et le CHS de Saint-Ylie ne sera pas en reste : il faut juste donner un peu de temps à son nouveau directeur pour répandre un peu de brouillard médiatique. Tout en m’indiquant que le Comité avait de grosses difficultés à obtenir des données précises, Christian Parent me faisait remarquer que l’article du Progrès du 14 février était remarquablement chiffré : personnellement, j’y avais plutôt vu une méthode technocratique d’enfumage. Mais bon, Toutoune a sans doute eu une très mauvaise influence sur moi et sur le jugement que je porte sur Gilles Chaffange, le bureaucrate patelin à la tête de Pasteur. En parlant de Toutoune, notre lanceur d’alerte favori était là, arrivé en retard et discrètement. Il est retiré des brancards mais il farfouille toujours. Lui aussi a salué l’exceptionnelle qualité de la désinformation institutionnelle. « Ils font croire que tout va bien alors que tout va mal dans cet hôpital. » Celui-ci recherche 13 infirmières, « officiellement, c’est du jamais vu » et d’après quelques indiscrétions, il en manquerait 17. « Où c’est qu’on va aller? » Le service de dyalise s’agrandit mais les patients ne sont pas encore autonomes à ce qu’on sache. Sans personnel, les places supplémentaires resteront vides. Toutoune affiche le même pessimisme pour le CHS de Saint-Ylie qui, selon lui et ses sources, meurt doucement avec 10 ans de décalage sur l’hôpital général. Ce discours alarmiste a toutefois reçu un bémol par le biais d’une voix autorisée : « Michel, Michel, il faut aussi laisser le temps pour que les choses se fassent… le nouveau directeur du CHS lors des voeux de janvier s’est engagé à réouvrir l’unité des Acacias qui a été fermée pendant longtemps par manque de médecins. » On suivra donc les évolutions administratives de Stéphane Filipovitch, pianiste de formation, passé ensuite par Sciences Po Toulouse et surtout par le Celsa, le centre d‘études littéraires et scientifiques appliquées. Putain ! Ça en jette et j’ai donc été jeté un oeil sur le site de cette grande école : « Le CELSA, École des hautes études en sciences de l’information et communication, composante de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, a pour mission de former les étudiantes et les étudiants aux métiers du journalisme, de la communication, du marketing, des médias, des ressources humaines et de la recherche. Elle accueille aussi des professionnels en reprise d’étude ou transition professionnelle. Membre de la Conférence des grandes écoles (CGE), le CELSA accompagne depuis 1957 les évolutions de la communication et des médias, avec le souci de promouvoir des valeurs tels que l’engagement, la responsabilité et la créativité. » Cet éloquent viatique permet sans aucun doute à Stéphane Filipovitch de devenir responsable du développement culturel au Conseil régional du Nord Pas de Calais, puis dans différentes collectivités territoriales du coin jusqu’à ce que notre homme tente le concours de directeur d’hôpital et sorte diplômé de l’École des hautes études en santé publique en 2022. Avec le CHG de Fourmies dans les jambes, Stéphane Filipovitch arrive à Dole très en forme et on compte sur lui pour ce qui est de la communication pour son nouvel établissement. Trêve de sérieux, revenons à la rigolade car contrairement à ce que peut laisser penser ce que j’ai écrit jusque là, l’AG s’est déroulée dans une certaine bonne humeur et franchement, je suis content d’y être allé, d’autant que la Mutualité française l’a conclue par un feu d’artifice de potion du «Doctor Feel Good ».
Personne n’ignore plus que derrière la CPAM de Dole, s’élèvera un centre médical (notre document iconographique). Le directeur de la Mutualité française du Jura, Cédric Chazal, en a fait une présentation assez détaillée mais particulièrement enlevée. Je vous passe les détails vu qu’ils devraient être dispo sur le site du Comité. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce projet, c’est l’approche nouvelle du métier de médecin. « Ce que veulent les jeunes aujourd’hui, c’est une médecine d’équipe. Ils veulent du sens au travail. Donner du sens, c’est aussi travailler en équipes. Seul, on a quelque fois du mal à se donner du temps. Les lancements de centres médicaux sont souvent balbutiants, un peu longs, parce qu’il faut arriver à recruter les premiers pour attirer les autres et créer une boucle vertueuse. Au centre de santé de Lons, on fait le plein de généralistes et on a un problème de places : il y en a qui voudrait venir et on ne peut plus les prendre. » L’intérim à l’hôpital concurrence fortement ce type de centre médical à cause des salaires notamment : les sommes mirobolantes que peuvent toucher les toubibs mercenaires sont particulièrement alléchantes. « Alors, c’est sûr, nous avec notre petit truc non lucratif, le fait qu’on dégrade un peu les rémunérations parce qu’on leur met des équipes, ça attire moins évidemment. On finance comme un libéral avec le même prix de l’acte. Mais à partir du moment où on on met en place de la délégation de tâches et du secrétariat et qu’on fait travailler nos médecins 35 heures au lieu de 72, forcément, ça dégrade un peu les rémunérations. » Cédric Chazal insiste à juste titre sur la difficulté à faire comprendre à un jeune praticien qui s’installe les avantages à long terme du salarié qui cotise (notamment pour sa retraite), surtout si l’étudiant en médecine a été biberonné au libéralisme à la maison (là c’est moi qui rajoute). « Une fois qu’on a passé ces problématiques de salaires, je vous rassure, c’est quand même des gens qui gagnent très bien leur vie, souvent quand ils arrivent en centre de santé, ils trouvent beaucoup de sens. Il y a des équipes qui les accompagnent. Voyez, un médecin tout seul ne va pas faire d’éducation thérapeutique, ça va vite le barber, il va falloir remplir un dossier… Chez nous, il y a des équipes administratives qui les accompagnent. On les envoie en formation, ils peuvent coordonner des programmes, on les monte avec eux. » Le centre de Dole devrait donc accueillir une cinquantaine de salariés dont une vingtaine de praticiens et dans l’avenir, ce sera intéressant de suivre ceux qui participeront à ce modèle qui, pour le coco pragmatique que je suis, ne peut aller que dans le bon sens.

À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.