Connaissez-vous Saïd Bouamama ?
Depuis des mois, j'ai tant appris à l'écouter, que je brûle de partager mon admiration avec mes amis de Libres Commères. Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à l'écouter régulièrement sur YouTube et à le lire. Il est sociologue, chercheur à Lille et spécialisé dans le postcolonialisme et tous les processus de discrimination. Il fait notamment partie de l'équipe d'Investig'action, le site d'information géopolitique fondé en Belgique par Michel Collon qui lui a récemment adjoint TV Palestine, dans le but de faire enfin entendre la voix des Palestiniens, grands exclus des médias officiels. Saïd Bouamama y anime une émission passionnante intitulée Le Monde vu d'en-bas, dans laquelle il analyse au fil des semaines l'actualité politique mondiale du point de vue des classes populaires. Je vous le recommande très vivement car il y donne à comprendre le dessous caché des conflits et des événements politiques internationaux. Comme Michel Collon, il dénonce les innombrables mensonges journalistiques auxquels nous sommes tous soumis quotidiennement du fait de l'asservissement de nos médias aux quelques milliardaires qui les possèdent et les manipulent.
Parmi ses nombreux livres, je souhaiterais aujourd'hui attirer l'attention sur le dernier, Manuel stratégique de la Palestine et du Moyen-Orient. Au cœur des contradictions du monde ( Editions Investig'action, 2024) , qui nourrit en grande partie une conférence tenue récemment aux côtés de Michel Collon et que vous pouvez regarder sur Youtube (Israël-Palestine: comprendre et agir, 7 janvier 2025). Il y décrypte magistralement et très clairement les causes des conflits qui déchirent le Moyen-Orient depuis des décennies et, ajouterai-je, depuis des millénaires (invasions perse, romaine, ottomane, égyptienne, européenne, sioniste...), pour des raisons semblables...
Sa démonstration vise à mettre au jour les manœuvres de dislocation des grands États susceptibles de résister, par leur taille, leur situation géographique ou leurs richesses, à l'empire américain. Ainsi, l'Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, le Congo... ont-ils été disloqués, "balkanisés", voire détruits, comme la Palestine présentement. Ainsi en est-il de la déstabilisation des sphères d'influence russe (Ukraine et Georgie) et, - par la destruction systématique de ses alliés (Hamas, Hezbollah, Houthis du Yémen) -, iranienne. Ainsi, les accords d'Abraham visent-ils à empêcher l'unité des nations arabes qu'il s'agit avant tout de diviser… pour régner !
Saïd Bouamama montre que, sous l'égide des Etats-Unis, le camp occidental œuvre collectivement pour préserver son accès exclusif aux matières premières d'Afrique et d'Asie mineure dont dépend entièrement l'économie capitaliste. Il faut donc, en face de lui, des états affaiblis et donc impuissants à se défendre du pillage. Il faut donc nouer des alliances avec des états comme le Maroc ou l'Arabie saoudite qui fermeront les yeux devant les conflits. Il faut donc surtout un fer de lance, inexpugnable et chargé des basses œuvres, Israël. A celui-là, on pardonnera tout, fût-ce un génocide et d'invraisemblables ingérences guerrières partout alentour, car il faut absolument aux Occidentaux un cheval de Troie au Moyen-Orient pour assurer l'accès au pétrole, au gaz et aux routes commerciales vers l'Océan indien, à commencer par la Mer rouge. Tout ce petit monde a donc intérêt à faire place nette en Palestine. Sans les Palestiniens - qui sont décidément des empêcheurs de tourner en rond ! - et maintenant sans la Syrie de Bachar el Assad, la voie sera enfin libre puisque Israël, la Jordanie et l'Egypte coopèrent pour jouer les gendarmes au profit de l'impérialisme !
Mais Saïd montre aussi que devant ce délire occidental et capitaliste de puissance, le monde est pourtant en train de se réorganiser. Des contrepoids se constituent: BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud), associations africaines contre les agissements postcoloniaux (alliance Niger/Mali/Burkina Faso, et maintenant Tchad, Sénégal, sans parler de l'Algérie...), dichotomie entre les gouvernements de nombreux pays et leur opinion publique (Égypte, Maroc, mais aussi nombreux pays européens)... En 1966, les pays non alignés s'étaient réunis à Cuba pour résister aux conséquences délétères de l'impérialisme occidental (1ère conférence de solidarité tricontinentale). Trois questions brûlantes avaient alors été désignées : la guerre du Vietnam, l'Apartheid et la Palestine. Partout dans le monde, des mouvements populaires protestataires s'étaient levés pour y mettre fin. Or, le Vietnam a été libéré, l'apartheid a été aboli... Il est donc temps qu'une mobilisation de masse fasse enfin cesser le drame palestinien et restaure la dignité de ce peuple martyrisé et héroïque. Il est donc de la responsabilité de chaque citoyen du monde - et Saïd Bouamama y insiste avec force - que de désigner les vraies causes, les vrais coupables et les vraies victimes (des deux camps) de la tragédie et de faire en sorte que les gouvernements occidentaux trouvent davantage d'intérêts à une solution pacifique et respectueuse de tous qu'à la poursuite des massacres et de l'entreprise coloniale.
Le livre est donc un vibrant plaidoyer pour l'action collective à laquelle nous sommes tous individuellement incités. C'est la mobilisation de tous en faveur des valeurs humaines plus que du profit qui a fait bouger en d'autres temps les lignes durcies de la guerre et de la cruauté. Il faut désormais qu'elle s'enrichisse de nos propres actions. Il en va de la responsabilité... de chacun d'entre nous !
Miss’touflet.

À propos de l'auteur(e) :
La Rédac'
Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...