Dans l’avalanche de brocards malveillants et de soutiens coûte-que-coûte, Jean-Luc Mélenchon y est allé d’un tweet moralisateur.
Ça commence mal: « Insoumis, ne… ». Mélenchon nous avait pourtant laissés avec notre conscience le soir du premier tour des présidentielles. J’avais aimé qu’il nous prenne pour des adultes souverains. En gros, c’était: « Faites comme vous le sentez! » Mais là, on ne peut tout de même pas le sentir puisque c’est Griveaux. Les Gilets Jaunes n’ont pas défoncé son portail de porte-parole gouverlamentable tout à fait par hasard.
Mais ce n’est pas le sujet du jour. Je vous renvoie au charmant petit billet de Jeanne Moll dans Libres Commères: On s’en branle…
Non, ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est la position morale et directive de Mélenchon qui se présente ainsi comme au-dessus de tout ça. Je pense qu’il aurait dû rester, non pas au-dessus, mais en dehors de tout ça.
Premièrement, intimer aux Insoumis de ne pas se mêler à la curée, c’est les prendre pour des chiens en puissance, des irresponsables et des salauds potentiels. Bref, Mélenchon marque un manque de confiance dans ses propres partisans. Quand on est insoumis, on s’en remet à sa propre raison d’une part. Et si d’autre part, c’est dégueulasse d’enfoncer Griveaux, les Insoumis ne vont peut-être pas se vautrer de leur propre chef dans la fange avec les pourceaux du web et les calomniateurs.
Deuxièmement, les images intimes ne sont pas si intimes que ça. Griveaux se filme la bite et envoie la vidéo à une correspondante consentante. Personnellement, je ne vois ni le problème ni l’intérêt d’une telle démarche. Mais je garde mon jugement pour un cercle nettement plus privé. Griveaux trompe sa femme. Et alors? On ne lapide plus personne pour ça en France. S’il a une maitresse et des liaisons extra-conjugales, c’est la famille Griveaux que ça regarde. Pas nous! Et si on le fait encore en politique, c’est bien la faute à des moralistes d’opérette comme Griveaux. Et c’est sur ce point que l’attaque Piotr Pavlenski, le russe par qui le scandale arrive. De Griveaux, il a déclaré à Libération jeudi dernier: « C’est quelqu’un qui s’appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu’il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire. » Pavlenski n’attaque donc pas Griveaux sur ses pratiques sexuelles mais sur la contradiction entre ce qu’il voudrait cacher et ce qu’il affiche. J’ai un peu cherché mais rien trouvé de très probant sur le « puritanisme familial » de Griveaux. Mais je suis preneur! Si Griveaux s’est fait le chantre des valeurs conjugales traditionnelles, qu’on le mette devant ses contradictions me semble totalement souhaitable.
Cela dit, se retirer de la campagne municipale parisienne pour protéger sa famille, c’est idiot: si mal il y a, il est déjà fait. Ses proches sont déjà plus qu’informés sur sa captation pignolesque. Comme ma copine Jeanne l’a déjà fait, il aurait pu dire: « On s’en branle… » et passer à la suite. Mais non! Il a choisi d’éviter une défaite cuisante dans les urnes avant même d’avoir achevé une campagne nullissime et hors sol qui nous fait trouver Villani réaliste. C’est pas très glorieux!
Si les hommes politiques doivent donner l’exemple, on ne peut pas leur demander d’être irréprochables non plus. Il faut simplement exposer au public les contradictions susceptibles d’influencer son choix. Si tel ou tel va aux putes, c’est son problème. Si on l’apprend, c’est encore son problème. Si Madame l’élue fait ses courses au sex shop du coin, c’est son problème et ça ne devient le nôtre que si on est très tatillon sur la question. Ce genre de révélations à scandales n’a d’impact que parce que notre société de faux-culs est malade de sa pudibonderie. Chacun prend son pied comme il veut et si ça se sait, il suffit d’assumer. « J’ai eu une relation sexuelle de six semaines avec une chambre à air de tracteur et on s’est quittés bons amis pour des questions d’agenda personnels. » Bon et alors!? ça ne vous empêchera pas d’être un bon maire.
Le cas DSK est beaucoup plus délicat puisqu’il s’agit de maltraitance des partenaires. Et dans ce cas-là, on peut se féliciter qu’il n’ait pas enculé la France dans la foulée.
Quand Mélenchon écrit que « tous les coups ne sont pas permis », il la joue loyale, s’attend peut-être à ce qu’on salue sa magnanimité. Mais je le trouve carrément hypocrite et ringard. Le « naufrage voyeuriste de la vie publique du pays »? On dirait du Mitterrand dans le texte. « Livrer aux chiens l'honneur d'un homme ». Encore faut-il placer son honneur où il faut!
L’injure? On s’en tape parce qu’elle n’est pas fondée. La calomnie? On y fait front par un démenti et on démonte la dénonciation. Au pire, on attaque en diffamation: l’accusateur doit alors apporter les preuves de ce qu’il avance, ce qui, il faut le reconnaitre, est délicat dans le cas des lanceurs d’alertes qui couvrent leurs fesses et préfèrent l’anonymat par peur des représailles. On les comprend.
Griveaux échappe à tous ces cas de figure puisqu’il reconnait implicitement la véracité des faits imputés. Il n’y avait donc rien de si odieux puisque que, même si on est dans le domaine privé, tout est vrai. C’est faire circuler de fausses informations qui portent atteinte à l’honneur et à l’intégrité qui serait odieux. Tous les coups ne sont donc pas permis mais Mélenchon vise à côté. Il cible les atteintes à la vie privée mais c’est bien un truc de bourgeois, la préservation à tout prix de la vie privée parce qu’elle entre trop souvent en contradiction avec les convictions affichées et que ça dérange les apparences chez les gens biens. Qu’est-ce que ça peut bien nous foutre que chez les Griveaux, ça va pas fort sous la couette? Ou que le Benjamin, c’est un queutard… tiflette! Oups, excusez-moi, ça m’a échappé! Tant qu’il ne nous emmerde pas avec des lois contre l’adultère, les seins nus sur la plage ou la partouze entre amis, il fait ce qu’il veut de son corps à condition de rester dans les clous au niveau des moeurs. Ni contrainte (encore moins de violence) sur ses partenaires ni subornation de mineurs sexuels. Le reste est une affaire de grandes personnes. Griveaux n’est pas le premier à faire circuler des sex tapes ni à se faire épingler. En soi, c’est pas répréhensible. C’est même bénin mais sa tronche de premier de la classe, d’enfant de choeur, de gendre idéal et de papa modèle en prend pour son grade. Sa carrière de tartuffe payé par nos impôts aussi, je l’espère.
Griveaux est un faux-cul et une couille molle. Il n’avait qu’à assumer ses frasques. C’est bien fait pour sa gueule. Quant à Mélenchon, il aurait mieux fait de se taire.
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À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès