Un laisser-passer qui passe mal

A la violence de la situation sociale, répond la violence des mots. Libres Commères accueille avec plaisir ce petit coup de gueule bien tourné, à mi-chemin entre le courrier des lecteurs et le petit poème en prose.

La rédaction

Les pontes du saint capital en stand-by paniquent pour leurs stocks à écouler. Ainsi, derrière la mise en activité partielle des salariés pour se conformer aux règles nouvelles – dont celle cauchemardesque de l’interdiction de se déplacer si ce n’est pas vital, et qui nous concerne tous, on dissimule le travail : exit les risques d’accidents et les charges sans couverture contractuelle. Car : « Vous êtes au chômage, Tournesol », dit-elle, l’asservi ici déguisé en volontaire brave. On dissimule le travail sous ce prétexte. Et comme l’indiscipline est sous contrôle et par souci de bien faire, gare aux contrevenants : donc nos chères pontes bienveillantes nous suggèrent, incitent, encouragent, par écrit, à mentir par écrit, comme si c’était légal, valable et licite, smiley souriant jaune à l’appui, bref nous exhortent à mentir aux forces de l’ordre pour couvrir leurs propres pertes, au mépris des nôtres et de toute la licéité du geste, en cochant pour motif sur notre Ausweis la mention de déplacement pour des achats de première nécessité. Détournement d’objectif, ce procédé possède sa définition pénale article 223-15-2. : abus de l’état d’ignorance à caractère frauduleux. Avec circonstances aggravantes, Madame ! Passible d’emprisonnement et d’amende à six chiffres, y a-t-il pour vous ce soir de quoi réfléchir ? Ce n’était peut-être pas le moment d’ouvrir les vannes et de vomir toute la merde dont j’ai été gavé. Haché dans ma chair, je préfère m’écarter de la propagande. Mais non, je ne suis pas d’humeur contente, et ils savent en faire de même, et bien pire quand l’argent manque, ou juste quand le pouvoir d’humilier les démange. C’est bien triste à dire mais ceux-là sont les mêmes que les Allemands en 40.

Professeur Tryphon Tournesol