Mode sombre

Le 4 mars 2020, le gouvernement décidait la fermeture des salles de 5000 places, qui n'ont jamais rouvertes depuis, symbolisant l'abandon de tout un secteur. Pour célébrer ce triste anniversaire, une mobilisation nationale des professionnels du spectacle vivant et de l'enseignement artistique a eu lieu le 4 mars 2021. Depuis, le théâtre de l'Odéon à Paris est occupé et ce mouvement a fait des petits... Le 16 mars à 19h45, ce sont 60 lieux culturels qui étaient occupés en France.

Pour de nombreux professionnel·le·s, c'est un an sans travail, des revenus qui s'effondrent, des situations sociales dramatiques pour certain·e·s, la fin des droits des intermittent·e·s qui approche au fur et à mesure que les possibilités de réouverture s'éloignent et que les festivals de l'été s'annulent...

Prof de piano, habitant Dole mais travaillant en Côte d'Or, je ne me voyais pas rester les bras ballants à contempler mes pairs se battre pour moi, et quand Dijon s'est réveillé le 15 mars…! j'ai volé à leur rescousse !

À l'appel du CIP Bourgogne et du SFA Bourgogne CGT spectacle, tous les jours à 14h00, se tiennent des "agoras"! Un espace s'offre ainsi à tous ceux qui veulent exprimer des revendications, témoigner, construire ensemble au sujet de la culture. Un élan nouveau est en train de naître dans ces lieux occupés, techniciens, artistes, enseignants,  intermittents, des gens qui se parlaient peu finalement avant, se mettent à vivre ensemble et à saisir ces temps incertains, comme des temps de rebond et de reconstruction communs.

En ce qui concerne les enseignants artistes (musiciens, danseurs, circassiens, plasticiens, comédiens...) puisque c'est mon domaine, nous subissons cette crise de façon directe et indirecte par l'intermédiaire de nos élèves : les effectifs de nos écoles et conservatoires sont en chute libre, ce qui est dramatique pour les petites classes et les contrats précaires.

Les décrets tombent au compte-goutte sans concertation, ni connaissance de nos métiers, nous sommes avertis du jour au lendemain des fermetures de classes de danse ou de chant, sans aucune cohérence d’un endroit à l’autre. 

Les concours pour les professeurs contractuels sont une nouvelle fois repoussés à ??? on ne sait quand ??? Sans aucune perspective pour nos collègues en contrats précaires dont raffolent de plus en plus les collectivités. 

Cette crise révèle un peu plus l’absurdité de nos statuts bâtards, un grand “fourre-tout”, à cheval, sur la fonction publique territoriale, le ministère de la culture, et en lien avec l’Education Nationale.

Nos élèves majeurs hors cycle pré-professionnels ou horaires aménagés ne sont pas admis dans nos locaux depuis le mois de novembre : imaginez la situation des pratiques et des orchestres amateurs qui sont eux aussi des passeurs de culture vivante dans les territoires ruraux. 

Nous devons ainsi mixer nos cours entre du “distanciel”, du “présentiel”, changer nos horaires d’une semaine à l’autre, voire d’un jour à l’autre, bidouiller avec du matériel perso souvent peu performant, car aucune prime informatique n’a été versée aux enseignants artistes comme cela a pu être le cas à l’Education Nationale, mais comme nous, nous  sommes “passionnés”, “gentils”…! On garde le cap, on se dépatouille avec nos propres moyens pour maintenir le moindre lien avec nos élèves. Et on s’épuise, on les épuise, derrière nos écrans ! 

On s’assèche de ne pas voir de spectacles, de ne pas aller au musée, au cinéma. Notre  veille culturelle, qui fait partie de nos missions, qui nous inspire, qui nourrit notre soif de transmettre est empêchée ! Elle s’éteint !!! 

Plus que d’enseigner un art, nous formons aussi les spectateurs et les auditeurs de demain, nous voulons leur ouvrir les yeux et les oreilles. Nous empêcher aujourd'hui de le faire, c’est amputer notre métier d’une grande part de sa valeur. 

AU SECOURS !!!

Frédérique Chevallier


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