Mode sombre

Feuilleton à l'eau de rose où il sera question d'hyperlaxisme social et de fistule idéologique -
Episode 3

On y est. Dans le gras de la nuit ; dans son milieu tout suintant d'étoiles et de dégueulis d'ivrognes. Il doit être 3 heures 02. Je dis ça, mais on s'en fout. L'heure, je la dis pour vous. Je ne sais pas pourquoi les gens, surtout les braves, les comme-il-faut, ils veulent toujours savoir l'heure qu'il était quand leur con de voisin s'est fait sauter le caisson. Ou l'heure de quand ils sont nés, tiens. Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Vous avez bien fini par lui fracturer la tirelire à votre mère, non ? L'important, c'est que vous ayez atteint l'air libre et que vos poumons se soient accordéonisés d'un coup, d'un vrai, pis que vous ayez gueulé votre indignation encore toute amniotée comme un bon français que vous êtes. Donc on est là. Dans le T2 bis à loyer modéré. Le gaucho vient de s'évanouir aux pieds de sa belle à cause d'une sombre histoire ketchupéenne qui lui avait choufleurisé l'éthique. Il est là, il gémit dans son semi-coma agité de choucroute trumpiste et de frites-sodomiseuses-de- tiers-monde. Dès fois, il y a Michelle Obama qui traverse son rêve en tenue de sport fuschia avec une carotte à la main. Et cette grande lady made in la maison blanche qui veut faire dégonfler le cul bouffi de nuggets des gamins des banlieues craignos en plantant des potagers bio sur leurs lopins à deal, ben, ça lui donne encore plus de sueur au Rodéo. Rapport à l'enfance ; ça lui rappelle le camel toe dégueulasse de Véronique et Davina et ça, faudrait qu'il en parle à son psy (post-it pour son inconscient) parce que depuis il est justaucorpsfluotophobe et ça lui donne bien du souci dans sa vie au quotidien. Elle, Jumelette, regarde la grande carcasse échouée sur le lino. C'est presque instinctif – comme si ça télécommandait ses os - elle a envie de sortir son téléphone pour filmer les bloblotements du cul du pauvre homme qui convulse et les balancer sur instagram. Dans son imagination débordante d'artiste (vous comprenez, Jumelette a toujours rêvé d'être architecte d'intérieur mais comme son géniteur a pas voulu, ben, elle se contente de regarder Déco en secret et en chialant comme un veau.), elle y voit une méduse. Puis, un gâteau allemand gélifié. Et pis encore après, la nana, la Jumelette, se rend compte que ce spectacle-là, cette couenne éleectrisée sous le jean de son prétendant, ça lui chauffe le poêlon comme il faut. Ouais. Ca lui épluche la goyave, ça lui frise la rainure, ça lui lustre la laitue, ça lui fait grésiller le lumignon, lui fait frire l'escalope, lui met le bazar au fumoir, lui bobsleighise la piste de ski et fait couler la sève dans son string en polyester qui lui cause parfois des irritations, à son pauvre bonbon qui préférerait un serre-tête en coton équitable. Alors elle fourre sa main dans sa culotte et elle se met à pianoter dedans. Frénétiquement. Rythmiquement, on est loin de Debussy, c'est plus Rammsteinien, sa variation onanistique à la petite, si vous voyez ce que je veux dire. Soudain, elle se souvient qu'elle a un god-ceinture dans son Birkin et cette souvenance-là, ça lui éclaire les neurones autant qu'à Macron après qu' il a pris sa vitamine D et son bol de coke au petit-déjeuner. Elle se dit que, peut-être, elle pourrait l'enfiler. Rien qu'un peu pour voir. Le god-ceinture, pas le gauchiste évanoui, hein, on en est pas encore là. Alors elle se lève, l'enjambe et saisit l'objet concombrement funeste. Mais voilà t'y pas qu'une main ferme lui attrape la cheville et les font tomber, elle et son zigouigoui huilé comme un manchon KFC. C'est lui, c'est Rodéo ; l'homme est réveillé. En une fraction de seconde, leurs regards se ventousent l'orbite. Et ils se comprennent comme on se comprend quand on sait qu'on va bientôt réunifier l'androgyne (niquer pour ceux qu'ont pas lu Platon). Lui, il grille tout en un éclair. Qu'elle s'est déjà cuisiné le lardon en mode apéritif solo, et même qu'elle a eu envie de lui dindonniser le cul avec un cap, que dis-je une péninsule, que même Cyrano il en aurait coulé un bronze dans ses braies tellement qu'il en aurait eu peur, de la circonférence de l'engin. Elle aussi, elle a compris. Qu'il avait compris. Tous les deux, au même instant, ils sont traversés. Pas par le god- ceinture. Eh non, pas encore cette fois-là. Mais par la fatalité du destin. N'y-a-t-il pas tragédie plus rejouée et répétée et rebattue que la droite qui veut fourrer la gauche si fort et si loin qu'elle lui en

ferait dégobiller son avocado-toast aux graines germées, et vice-versa ? Les deux jeunes gens ne sont pas dupes : ce soir, ils sont allégories, frères ennemis, épées levées à la face de l'autre. Alors, les larmes aux yeux et morve au nez, ils s'empoignent les mains, les malaxent, les serrent. O crispation ! O êtres de douleur ! O brebis égarées sur le grand terrain vague politique ! Au beau milieu de cette scène lacrymale qu'arriverait même à faire verser sa larmichette à un pervers narcissique, ils trouvent la force de se demander simultanément :

- On baise quand même ?

Car la vie, mesdames et messieurs, est toujours plus forte que tout. La vie, et la trique. Surtout celle de DSK. Amen. Alors enfin, leurs deux corps blancs se jetent l'un sur l'autre. Et presque affectueusement depuis le coin de la pièce où il a roulé, le god-ceinture les observe du coin de cet oeil de cyclope qu'il n'a pas. Il sait que, tel le FN planqué entre deux tours de piste de campagne présidentielle, il rentrera bientôt dans leur danse misérable et grotesque et ça, ça lui donne une potatoe's d'enfer.


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À propos de l'auteur(e) :

Alexandra Lucchesi

En 2006 et après des études littéraires, Alexandra Lucchesi participe à la création de la compagnie de théâtre l'Oiseau Monde au sein de laquelle elle met en scène  ses propres textes. En parallèle, elle poursuit ses explorations protéiformes en écrivant des contes, des chansons, des romans. Son univers, architecturé autour d'une langue gourmande et poétique, se veut être toujours au service de la vie, sa foulée, son relief teinté d'ombre et de lumière.


Auteure et metteur en scène

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