Mode sombre

D’accord, le titre sonne comme une blague. Y a Bachelot d’abord et puis Bruno Racine qu’on enterre ensuite. Mais non, c’est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Et en plus, c’est l’artiste-plasticien dolois Aurélien Benoist qui le confirme. Le rapport Racine contient de bonnes propositions et enjoint l’État d’agir pour que les artistes-auteurs obtiennent enfin un véritable statut. Aurélien n’a pas la réputation d’envoyer des fleurs gratuitement mais là, sous mes yeux, il a reconnu que ce rapport contient des propositions vraiment intéressantes.

A côté de son métier d’artiste-plasticien, Aurélien est l’un des deux représentants du Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs (CAAP) de France-Comté. C’est une organisation syndicale nationale qui ne bénéficie toutefois pas du financement des syndicats institutionnels et qui défend les intérêts moraux et matériels des artistes-auteurs et des artistes-autrices (c’est dit une fois mais on n’y reviendra pas) quel que soit leur domaine de création artistique : œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques. Aurélien me signale qu’il tient à y associer des activités connexes comme les traducteurs ou les guides-conférenciers qui passent souvent sous les radars de la reconnaissance administrative.

Pour la faire brève, les artistes-auteurs cotisent mais n’ont pas de représentants officiels du fait notamment qu’il n’existe pas pour eux d’élections professionnelles qui permettraient d’avoir des porte-parole bien identifiés face aux pouvoirs publics. 

La relative invisibilité des artistes-auteurs est peut-être sur le point de disparaitre. Bon, pas très heureux comme formule… Avec la crise et les occupations de lieux de culture, on a commencé à entendre parler de ces quelque 270 000 professionnels de la création artistique qui ne sont pas des intermittents du spectacle vivant et ne répondent pas aux mêmes critères horaires que ces derniers pour des raisons qu’on peut assez facilement comprendre : le processus créatif est difficilement quantifiable au niveau du temps de travail. Mais les artistes sont des êtres de chair comme les autres et non des elfes qui vivent de l’air du temps. Aurélien Benoist a une jolie formule à ce sujet : « On souffre clairement d’une image romantique de l’artiste. » Car non seulement ces gens mangent, se reproduisent et élèvent leurs enfants mais ils ont aussi besoin de payer des loyers et d’acheter du matériel. 

Les artistes-auteurs ont pu jusqu’à bénéficier d’un fond de solidarité mais la situation va se tendre sous peu et les lieux de diffusion culturelle, les salons, les festivals ne rouvrent qu’au compte-goutte. Et bien sûr pas d’année blanche pour les auteurs.

En dehors des difficultés liées à la crise éco-sanitaire, les artistes-auteurs auraient besoin de pouvoir faire valoir leurs droits. Ils ne sont pas juridiquement totalement démunis mais les textes sont rarement appliqués et les exemples de déboires des auteurs sont légions. Le plus gros, c’est justement ce rapport plutôt bien ficelé qui échoie dans les mains de la Ministre qui finalement n’en fait rien du tout. La précarité des artistes-auteurs n’est, semble-t-il, pas à son agenda. On se demande bien quand il le sera. Pour l’heure, pendant qu’elle touche son traitement ministériel qui est sans doute bien moindre que ce qu’elle empochait comme chroniqueuse-autrice, les vrais créateurs restent sur la touche et dans l’inquiétude. Les aides touchent à leur fin et la relance se fait attendre.

En off, Aurélien Benoist rêve d’un système qui lui permettrait de vivre sans avoir à se préoccuper des fin de mois. Pas un gros salaire mais une allocation qui lui offrirait la possibilité d’avoir l’esprit libre pour créer, organiser le festival D’Encre et de Papier et ouvrir son atelier à différents publics. Vous pensez bien que je lui ai parlé du salaire à la qualification de Bernard Friot et d’une sortie possible du marché de l’art qui laisse trop d’artistes sur le carreau pour en hisser d’autres sur des ponts d’or. Il n’a pas dit non.


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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