Hypocrites chez Hippocrate

Publié le 12/10/2021 à 18:13 | Écrit par Baron Vingtras | Temps de lecture : 04m41s

Après avoir terminé la série « la Commune», je me demandais quel article je pourrais rédiger ensuite ? Pas mal de sujets me sont venus à l'esprit. Devrais-je écrire sur un thème historique ou à propos du futur? Passé ou Avenir?! Le jour où on m’a proposé d’écrire un papier pour Libres Commères, on m'a bien dit qu'il se pourrait qu'il y ait des articles où nous ne serions pas d'accord. Et c'est déjà arrivé dans l'histoire de Libres Commères sur des sujets « sensibles ». Je crois que le jour de la discorde est arrivé sur un de mes articles. Je vais vous parler du « droit de mourir dans la dignité ».

Enfant, j'ai vécu dans un petit village au fin fond de la Bourgogne. Mes parents habitaient dans le même village que mes grands parents. J'étais régulièrement chez eux. Ils n'avaient pas le titre mais ils portaient le nom de Baron. Ils n'étaient pas cultivateurs mais ils avaient des animaux (poules, lapins, cailles etc). 

Je devais avoir 5 ou 6 ans, mon aïeul m'offrit une chèvre. Nous l'avions appelé Fleur. Mais un jour, elle tomba malade. Mes grands-parents avaient décidé de la soigner. Durant son traitement, elle était dans un lit pour bébé et dans le salon de leur maison. Guéri, elle retourna au pré. J'étais heureux ! Mais elle retomba malade. Mes grands-parents l'emmènent chez le vétérinaire et revinrent sans elle. Ils me dirent qu'ils avaient dû la faire piquer car la souffrance était trop forte et que dans tous les cas elle allait mourir. Les larmes de tristesse du petit garçon que j’étais coulèrent à flot sur mes joues! Mon grand frère essaya de me consoler en me posant cette simple question: « Tu aurais préféré qu'elle continue de souffrir? »

Plus tard, alors que j’étais adolescent, un vieux monsieur déambulait dans le village avec une canne. Il s’appelait Günther. Né dans les années 20, la guerre l'avait fait venir en France. Puis il y était resté et il s’y était intégré. Mais il restait quelques villageois qui continuaient de l’accabler par ce quolibet de « Boche ». Sa petite-fille et moi, ou son arrière-petite-fille, je ne me souviens plus, étions dans la même classe. Un jour, elle fut absente. En rentrant retrouver mes grand parents, j'appris que Günther s'était suicidé. Je compris la raison de l'absence de ma camarade de classe. Durant la conversation, j'appris que Günther avait une maladie et que son crépuscule approchait.

A l'aube de mon ère d'adulte, je fus jeune étudiant dans une association ouvrière où on nous instituait le respect, la cohésion et l'esprit fraternel. Nous étions une petite promotion d'une dizaine de personnes. Un soir d'avril 2009, "Bob" m'appela et m'apprit que l'un de nos compagnons de galère venait de se donner la mort. Il s'appelait Yves.

La raison : une histoire d'amour se terminant  mal? Un projet professionnel qui lui tenait à cœur et qui n’avait pu aboutir ? Nous n'en savons rien !

Pouvons-vous dire que l'histoire de Yves et de Günther sont identiques ? Oui, sur le principe que les deux ont mis fin à leurs jours.

Leurs motivations sont-elles les mêmes? Pas du tout !

Pour moi, ce n'est pas le même suicide. (Même si je pense que, pour l'histoire de Günther, nous ne devrions pas utiliser le terme de suicide). Comment l'expliquer ? J'ai dû prendre le propos de François Galichet, philosophe et militant du suicide assisté, qui différencie ces deux "suicides".

Pour l'histoire de Yves, on peut le considérer comme un suicide Impulsif. C'est-à-dire qu'il n'a pas trouvé de solution pour réussir à surmonter ses problèmes et que la « seule » solution était la mort. Alors qu'il y aurait eu des dizaines d'issues possibles. Mais il a fait le choix de la fin.

Günther, quand à lui, aurait commis un suicide rationnel. Pour éviter de souffrir et/ou de faire souffrir son entourage, il a décidé de mettre fin à ses jours. Sachant que la fin approchait, il ne savait pas dans quel état physique il se serait retrouvé.

Manon Bril, historienne et Youtubeuse, raconte pour Brut la fin de vie de sa mère. Je vous invite à écouter son témoignage. Lors de cette entrevue, elle évoque la lente décadence et la grande souffrance qu'a subie sa mère entre le moment de l'arrêt de la perfusion aux derniers battements de son cœur. Cela a duré 2 jours et 3 nuits. Elle raconte également que les médecins lui ont dit « qu'il était fort probable que sa mère ne soit pas consciente.» Mais elle a vu des signes qui disent le contraire.

Je m'interroge encore : pourquoi s'obstiner à maintenir en vie un être humain dans la souffrance physique et morale alors que nous le faisons pas pour les animaux ?

Pourquoi ne nous donnons-nous pas cette liberté ?

Je vois déjà les détracteurs brandir le serment d’Hippocrate. Comme s’il était au-dessus des Lois. Alors que ce serment n'a aucune valeur juridique mais permet d'avoir une ligne de conduite qui peut être révisée. Oui, dans ce serment il est dit que moi médecin "ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion". Oui, c'est écrit ! Comme il est écrit après "semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif." C'est-à-dire de quoi avorter. Pouvez-vous imaginer l’abrogation de cette loi en 1975? De quelle côté de l’hémicycle auriez-vous été ?

Le droit de mourir dans la dignité est tout aussi important que l'Interruption Volontaire de la Grossesse. Avant la loi du 17 janvier 1975, 300 000 femmes avortaient clandestinement chaque année.

Nous savons que des « suicides » assistés sont pratiqués dans l'ombre de certains foyers français. Aidés soit par des médecins, des infirmiers.ères, par des amies, des membres d'une même famille ou par des inconnus. Nous le savons! Pour celles et ceux qui ont plus de moyens, ils se déplacent en Belgique ou en Suisse. Alain Cocq, gilet jaune dijonnais, atteint d'une maladie incurable, qui avait fait deux grèves de soins et de faim en 2020 est parti en Suisse. Cessons de nous bander les yeux! Regardons la vérité en face! Arrêtons cette hypocrisie!

Vous, les détracteurs, vous imaginez que les gens mettront fin à leur vie pour un oui ou par un non ? Vous pensez donc que les femmes avortent aussi pour un oui ou pour un non? Liberté ne veut pas dire obligation!

Donnons la liberté à chacun de faire son propre choix.




À propos de l'auteur(e) :

Baron Vingtras

Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.


Rentier

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