Mode sombre

Cet article est une réponse à un papier du baron Vingtras.

Il semblerait que certaines personnes trouvent nos articles trop élitistes de par leur style parfois trop soutenu, et qu’il faudrait ne pas avoir peur d’être plus directs et même un peu vulgaires. Je tente donc ici un réajustement stylistique. On verra quel en sera l’effet. Allez, je me lance… Hh-hmmm…

Comme d’hab’, les keufs continuent de nous maraver la gueule, et y a tout un tas de connards qui trouvent ça normal ! Là, on a carrément un jeune rebeu de 17 piges qui s’est pris une bastos d’un poulag qui a voulu jouer au cowboy avec son calibre.

Comme d’hab’, les teshmis ont commencé par raconter de la merde en disant que c’était de la légitime défense, que le gars leur avait foncé droit dessus avec sa bagnole, et comme d’hab’ les journalopes ont tout de suite raconté la même chose à la télé. Ben ouais, normal… C’est comme au tribunal : on croit toujours les condés, y peuvent pas mentir, parce que c’est des gentils républicains, toussa… Et leur cul c’est du poulet ! Mais pas de bol pour eux, y a une meuf qui a tout filmé avec son smartphone et qui a mis la vidéo sur les réseaux, et du coup, ça a prouvé que c’était des menteurs.

Y a que les bourges et les péquenauds pour pas voir que ça arrive tout le temps ce genre de trucs, et pas piger pourquoi les jeunes ont la haine. Pour eux c’est qu’un arabe, un mec qui n’a rien à voir avec leur monde, c’est rien qu’un p’tit bicot, un bougnoule de banlieue. C’est pourtant pas dur de capter que les jeunes se reconnaissent dans Nahel. Ils savent très bien que ça aurait pu être eux. C’est marrant, c’est jamais les gosses de riches qui se font fumer par les bleus, pourtant c’est pas les derniers à faire des conneries. Alors que pour les noirs et les arabes, même quand ils font rien de mal, ils peuvent se faire emmerder par les flics. Y a qu’à voir Michel Zekler, par exemple : lui aussi, si on avait pas eu la vidéo, on aurait jamais cru à son histoire.

Y en a qui disent : ouais, mais c’est pas une raison pour tout péter, ça sert à rien, ça a rien à voir avec Nahel, et pis c’est un scandale de cramer les écoles par exemple… Ben ouais mais quand t’as la rage, tu fais un peu n’imp’, c’est pas forcément très intelligent. Mais en même temps comme dit l’aut’ con, si t’y réfléchis un peu, l’école, c’est là que ça commence les galères pour certains. C’est là qu’on commence à te faire comprendre que t’es qu’une merde si t’as pas des bonnes notes, qu’on commence à te classer, à bien te faire rentrer dans le crâne qu’y a ceux qui réussissent et ceux qui sont rien, c’est là qu’on t’apprend à bien fermer ta gueule et à te soumettre à l’ordre et à l’autorité, à accepter ce que tu trouves injuste sans moufter, c’est là que tu commences à être frustré et à piger que le système, c’est bien de la merde. Et c’est pas parce que tu t’écrases pour éviter les emmerdes que t’es pas révolté à l’intérieur de toi.

Y a aussi ceux qui disent que les jeunes sont juste des pillards qui ont pris la mort de Nahel comme un prétexte pour voler des trucs dans les magasins. Pareil, quand la cocotte explose, ça part en couilles dans tous les sens, et y a forcément des mecs qui se disent : c’est open bar, let’s go ! Mais au final, c’est un peu comme le rush quand c’est les soldes, avec les gens qui se battent pour avoir une télé ou des pots de nutella en promo. La consommation, ça rend les gens dingues. Et toute l’année tu vois des pubs et des placements de produits qui te donnent envie d’avoir de la marque et du hi-tech. Là aussi, t’es frustré en permanence parce que tu peux pas te payer tout ce qui te fait envie et t’as l’impression que ta vie serait mieux si tu possédais tout un tas de trucs à la con. En vrai, Nike ils s’en foutent un peu qu’on pille un de leur magasin : et d’une parce que c’est les assurances qui vont payer, et de deux parce que ça prouve que les gens sont accros à leur camelote. Le jour où on s’en balek de leur came, là ils vont commencer à vraiment bader ! Et pis faut quand même voir aussi qu’y a des jeunes qui ont juste volé de la bouffe pour leur daronne ! C’est ouf !

Bon allez, j’arrête là l’exercice, même s’il y aurait encore à dire : le rédac’chef me dit que c’est déjà bien trop long. Franchement, je doute que le style des articles soit un vrai problème. Quand on veut s’intéresser à un sujet, on est capable de surmonter ce genre d’obstacle. Quand on ne veut pas s’y intéresser, peu importe le style, on ne lira pas. Quand on part avec un a priori contraire, on change rarement d’opinion, peu importe le fond et la forme.

En tant que contributeur régulier à Libres Commères, je ne sais même pas pour qui j’écris. Ni même si je serai lu. C’est un peu comme jeter une bouteille à la mer qui ira se perdre parmi les innombrables déchets voguant sur les océans. Je n’ai aucun retour. Si ça se trouve, mes articles sont nazes. Je n’ai aucun moyen de le savoir. C’est chaud de passer des heures sur un article en se disant que ça ne sert peut-être à rien. (Cela dit, ce serait peut-être encore plus dur d’être certain que ça ne sert à rien.)

D’une manière plus générale, il n’y a plus vraiment de débat dans la société. Juste des monologues et des coups de gueule écumant de rage. Pas des réponses argumentées et construites, hein ! Non, juste des tweets vengeurs, des insultes gratuites et de vains anathèmes… (Oups ! Un mot compliqué ! Heureusement que le Wiktionnaire est gratuitement consultable sur le web !)

L’un des objectifs du journal, c’est que n’importe qui puisse exprimer son point de vue. Mais c’est long, chiant, fatigant d’écrire un article. Le rédac’chef n’arrête pas de solliciter des gens, qui lui répondent mollement « Oui, oui… Un de ces jours… », c’est-à-dire jamais. On ne peut pas vraiment écrire sur la vie des gens à la place des gens.

Quant à moi, je continuerai d’écrire ce qui me semble digne d’intérêt dans mon propre style, jusqu’à ce que j’aie enfin la confirmation que je perds mon temps, ou que je finisse par en avoir marre et à laisser tomber. Au plaisir de vous lire…


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À propos de l'auteur(e) :

Uhm

Noir comme la liberté des anarchistes. Rouge comme l’égalité des communistes. Vert comme la fraternité des humanistes. Énervé comme un homme de gauche dans un monde ravagé par le capitalisme. Misanthrope de désespoir.


Un humaniste misanthrope

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