Politique
Lunettes, grille de lecture et hacking social
Publié le 25/03/2024 à 19:22
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Écrit par Robot Meyrat |
Temps de lecture : 05m43s
Quel est le point commun entre une paire de lunettes et une grille de lecture ?
Elles permettent de mieux voir.
Elles permettent de mieux voir.
Vendredi 19 janvier 2024, je me suis rendu à la Bobine pour assister à la projection de la quatrième partie des autoritaires : « Autorité et Soumission ». Je m'attendais à une fiction, alors qu'il s'agissait d'un doc, mais en tous points cela a été une heureuse surprise. Une pièce de plus du puzzle est venue s'ajouter aux recherches de Stanley Milgram sur le sujet. C’est le test de l’échelle Right-Wing Authoritarian. Et sans spoiler, même si j’étais un poil sceptique à l'introduction des personnages cagoulés qui portaient des lunettes, arrivé à la fin, je disposais d'une grille de lecture qui me semble très efficace. Plutôt qu'en faire une critique plus détaillée, je t'invite à le voir en passant par le site de hacking social.
Pour avoir participé à des projections de films engagés sur un lieu anarcho-social de Montréal, je sais qu’il est difficile de faire un débat après, alors que c’est une des principales raisons qui motivent ces soirées. Non seulement le long débat qui a suivi était dense, mais surtout chacun et chacune ont pu s'exprimer. Merci à l'écoute particulière de l’organisateur sur ce point. On peut supposer que l'inquiétude sérieuse sur la montée des extrêmes droites appelle un fort besoin d'échanges sur le sujet. Nous avons cherché à trouver des solutions. Certains des points les plus marquants des personnalités R.W.A sont revenus. Par exemple, la compartimentation, façon tiroir, qui leur permet de conserver une conclusion, même si les arguments sont faux. Ou encore le fléchissement conformiste, qui les poussent à suivre en partie une évolution globale au niveau de la société, sauf qu’il suffit d’un positionnement contraire d’un leader ou de certains évènements pour que le curseur repasse aux positions les plus extrêmes. Ce qui est ressorti du débat, hélas, n'est pas forcément très positif.
Entre autres, en confrontant nos expériences de communication avec des profils R.W.A ou des fondamentalistes religieux, non seulement cela semble difficile, voire inutile, de les amener à reconsidérer leurs opinions. Et en analysant le Travail Pratique qui a clôturé la soirée, en me basant sur la tendance des personnes athées qui, à part quelques pour cent, pour la plupart souhaitent que leurs enfants fassent leurs propres choix, tandis que pour les fondamentalistes c'est l'opposé, j’ai remarqué que la même chose se produit lors d'une tentative de communication, celui qui est plutôt à gauche, va être moins motivé pour convaincre celui qui est à droite. Après c’est peut-être juste lié à ma volonté de faire de la place pour l' « autre ». En tout cas il semble plus facile de jouer sur l’environnement qui favorise cette orientation des personnalités, en évitant qu’elles sentent leurs valeurs et/ou leur confort en danger. J’ai proposé que l’on résolve la crise climatique pour les rassurer... Au final, en termes de stratégie, l'humour et la pensée non binaire semblent des outils efficaces, vu que le dénominateur commun, entre les profils R.W.A, avec un score d’Orientation de la Domination Sociale élevé, et les fondamentalistes, est le dogmatisme : défendre la norme et leurs autorités sans tolérer qu’elles soient critiquées.
Alors que le débat avait pris fin, en voulant expliquer certains des éléments à un ami, qui avait, hélas, choisi de ne pas regarder le film, je me suis trouvé embarqué dans un véritable Travail Pratique. Quelque temps avant, il m’avait dit qu’il se sentait un peu gêné de ne pas partager les idées, plutôt à gauche, du lieu. Je m’étais efforcé de le rassurer, en expliquant qu’au contraire, c'était extrêmement important de venir, afin d’apporter de la contradiction et ainsi éviter l’entre soi. Sauf, que je ne pensais pas que son curseur était si placé à droite. Enfin bon, donc je me suis retrouvé rapidement avec l'élément de langage bien cliché « que l’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». J’avais beau réfuter en détaillant mon point de vue anticolonialiste concernant les réfugiés économiques (à savoir que la richesse de ce pays venait en partie du pillage des ressources d’autres pays et qu’il avait souvent détruit en même temps l’économie locale traditionnelle). Eco-responsable concernant les réfugiés climatiques, je citais les 10 tonnes de CO2 par habitant, là où la plupart des autres pays en relâchent la moitié. Je suis aussi pour le respect du droit d’asile, surtout sachant que la France est le 3ème exportateur mondial d’armes. Ensuite, j’ai eu droit au couplet sur la fraude sociale. J’ai bien tenté d’expliquer que même si cela existait, c’était sans commune mesure avec la fraude fiscale des riches. Pour essayer de lui montrer que nous partagions quand même des points communs, je me suis basé sur mon expérience du Québec. Là-bas, même si l’immigration économique est très réglementée, l’accueil des demandeurs d’asile est d’une qualité exceptionnelle. Alors pourquoi pas une loi sur l’immigration ? Mais c’est comme pour la retraite, encore faudrait-t-il qu’elle ne serve pas juste des fins politiciennes. Et surtout pas en incluant des mesures anticonstitutionnelles.
Quand j’ai expliqué qu’une des revendications des opposants à cette loi était la régularisation de fait des travailleurs sans papiers, mon ami a même refusé de croire que ce type de travailleurs existait ! J’ai aussi essayé d’expliquer qu’à l’époque actuelle, on est pour la plupart plus ou moins des descendants d’immigrés et que c’est cette diversité qui fait la richesse de la culture française. Nous étions d’accord sur le fait que les ghettos sont un obstacle à l’intégration, que les politiciens sont responsables de leur création. Je donnais l’exemple aussi de ma compagne, qui avait essayé il y a quelques années d’aider une famille syrienne avec des enfants en bas âge, qui faisait du stop à un feu de la Z.U.P de Dole. Elle avait contacté l’association locale d’aide aux migrants, pour qu’ils ne dorment pas à la rue. Ils allaient en Allemagne et ne souhaitaient pas rester en France en raison des conditions d’accueil. Elle avait appris alors que la plupart des migrants allaient dans les grandes villes, qui étaient saturées, alors qu’il y avait beaucoup de places d’accueil dans les petites et moyennes villes. J’allais jusqu’à souligner que si je me basais uniquement sur mon expérience d’ado dolois, j’aurais pu devenir raciste, si j’avais fait l’erreur de la généraliser. Forcément, j’ai eu alors droit à l’argument que c’était effectivement généralisé. Pour preuve : le nombre de personnes racialisées en prison. Je ne pensais même pas à supputer l’impact du délit de faciès, j’étais un peu trop fatigué, je demandais juste s’il connaissait la société carcérale de Foucault et l’expérience de Stanford... Et malgré que je me sentais comme un athlète des J.O à la fin d’un triathlon, j’appréciais qu’il ait essayé de dialoguer avec moi, malgré ses divergences.
À la fin du T.P, la seule véritable convergence était sur le « tous pourris ». Hélas, c’est ce qui correspond au « dégagisme » qui a mis Milei au pouvoir en Argentine et c'est la voie royale pour l’extrême droite. Durant le débat, quelqu’un avait rappelé, que lors des premiers 11% de Le Pen, la première personne ayant voté pour lui qu’il avait réussi à trouver l’avait fait pour « tester avec le seul candidat qu'on n’avait pas essayé ».
Merci à Martin Gore pour son illustration de l'article.
Merci à Martin Gore pour son illustration de l'article.
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À propos de l'auteur(e) :
Robot Meyrat
Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.
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