Culture

Aux Mesnils, il y a trop de noirs…

Publié le 19/10/2024 à 07:57 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 04m20s

Représentant près de 13% de la population doloise, le quartier des Mesnils est un haut lieu de fantasmes et constitue un enjeu politique majeur pour la ville. Les étrangers représentent 34% des habitants de ce quartier (sans compter ceux qui sont logés par les hébergeurs d’urgence qui ne sont pas répertoriés par le Grand Dole) qui compte une cinquantaine de nationalités différentes. Le maire de la ville ne s’en cache pas, et suit la ligne directrice menée par Macron et ses sbires, c’est- à-dire les trois axes prioritaires : sécurité, éducation et prévention et ce, au nom de l’intégration et de l’assimilation d’une partie de la jeunesse.

L’assimilation (action de rendre semblable et même identique à quelqu’un ou quelque chose), voilà peut-être le problème qui créé le racisme en perpétuelle augmentation des résidants de ce quartier à l’égard des personnes d’origine immigrée. Alors qu’à la fin des années 80, le « droit à la différence » commençait à s’élever contre la norme majoritaire, et on l’espérait, allait enfin permettre aux individus ou à une communauté d’individus de jouir d’une identité spécifique, la montée du Front national et les lois immigration successives n’ont eu de cesse de rendre la question de l’identité nationale des plus confuses. Les accusations de communautarismes vont désormais bon train. Derrière « la mise en œuvre des valeurs de la République à l’intérieur de ce quartier » se cache un culturalisme franco-français exclusif et une non-reconnaissance de la différence qui ne se dévoile pas ouvertement.

Pour casser ce communautarisme, des plans d’urbanisme sont échafaudés. A Dole, nous avons vécu, cette dernière année, l’évacuation et l’expulsion d‘une tour du quartier des Mesnils Pasteur abritant des populations issues de parcours récents de migration. Le programme de rénovation urbaine continue la gentrification de ce quartier populaire.

Ainsi, M. Gagnoux considèrerait-il qu’il y a trop de migrants dans notre ville ?

Confrontés constamment à des discours politiques racistes, identitaires, nationalistes, qui ne respectent en rien les valeurs de fraternité, d’accueil inconditionnel, de vivre ensemble, les acteurs sociaux travaillant aux Mesnils décrivent aujourd’hui un racisme croissant. 

Il sévit et se vit entre les populations arrivées à Dole il y a déjà trois générations et les nouvelles (originaires d’Afrique Subsaharienne, d’Afghanistan, de Tchétchénie, d’Albanie,…), les premiers oubliant parfois, tout un pan de leur parcours ou tout du moins, celui de leurs ancêtres. Cet étranger qui peut paraître « étrange » à d’autres étrangers.

Ces tensions se vivent dans l’utilisation de l’espace public, par exemple pour accéder au terrain de foot…

Par cette lobotomisation progressive, une partie de la population a mis sous silence son histoire, sa terre natale, son nom de famille, sa langue maternelle, sa culture.

Ses descendants, pour beaucoup, méconnaissent ou ignorent leurs origines, les raisons de leur présence en France et en viennent à dénigrer les personnes qui ont suivi le même parcours que leurs ancêtres mais des dizaines d’années plus tard. Pourtant, ces histoires personnelles rejoignent toutes la grande histoire de France et notamment, ses politiques coloniales qu’elle a pu mener des siècles durant. Ces histoires pourraient nous permettre de mieux comprendre l’histoire d’autres pays, d’autres peuples et peut-être, de regarder avec un nouvel œil les conflits qui se perpétuent ailleurs dans le monde, comme le conflit israélo-palestinien. 

Ce sont ces constats et ces réflexions qui ont poussé un collectif à s’interroger sur l’histoire de ces déracinés et sur l’accueil réservé par les Français (en particulier à Dole). Qu’est ce qui a été transmis des parcours migratoires de leurs ancêtres ? Quelles sont les raisons qui les ont poussés à quitter leur pays (recherche d’une vie meilleure, fuir la guerre, la famine, répondre à un besoin de main d’œuvre) ? Ne serait-il pas nécessaire de rappeler ces histoires qui ont contribué à écrire l’histoire populaire doloise d’aujourd’hui ?

La création de l’association Histoires Plurielles Dole Jura trouve donc tout son sens. Cette association a pour but de « collecter, d’archiver, de valoriser des témoignages, afin de mettre en récit la mémoire coloniale du Grand Dole et plus largement du Jura, dans une démarche d’éducation populaire ».

Particulièrement intéressé-e-s par l’histoire commune entre la France et l’Algérie, ces apprentis farfouilleurs, enquêteuses… par un rigoureux travail de recherche, partent à la quête d’archives écrites, d’articles de presse, de documents officiels, de photos… qui permettront de mettre en lumière une tranche de l’histoire migratoire doloise, mais aussi, des transformations urbaines de la ville à partir des années 50. Les membres de l’association souhaitent, par ailleurs, recueillir la mémoire vivante de témoins arrivés dans les années 50 – 60 ou de leurs proches. Le travail ainsi mené a su trouver un écho auprès d’une catégorie de la population qui attend avec impatience les fruits récoltés pour enfin comprendre leur histoire.

Fille, fils et petit-fils d’anciens appelés d’Algérie, petits-fils de membre du FLN, du MNA, historien, ethnothérapeute, descendant-e de rapatriés d’Algérie, militant anticolonialiste, militant pour la paix… voilà la diversité des membres fondateurs de cette association.

Plus globalement, les questions qui se posent à ce collectif pour nourrir l’action citoyenne face à la montée des extrêmes droites sont :

- Comment mieux accueillir les populations fragilisées qui arrivent sur notre territoire ?

- Comment créer un réseau de solidarités locales ?

- Comment lutter contre le développement des idéologies fascistes et contre toutes les formes de xénophobies ?

- Comment dévoiler la logique de capture d’un pays et de sa culture (Algérie par exemple)?

Ces questions vous parlent ? Vous souhaitez rejoindre l’équipe ? Alors, vous êtes les bienvenus !

Contact : histoiresplurielles@protonmail.com

HPDJ




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La Rédac'

Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...


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