Quelques éléments sur l’élection ultra rapide de Robert Francis Prévost, natif de Chicago, plébiscité, si on ose cet oxymore, par l’assemblée de cardinaux, et devenu le Pape Léon XIV.

1) Ce n’est pas un inconnu pour la Curie romaine : Robert Francis Prévost, qui a une formation de mathématicien, avait été nommé par son prédécesseur préfet, c'est-à-dire président, du puissant ”dicastère des évêques”. Un organisme qui regroupe l'ensemble des institutions administratives du Saint-Siège, est compétent en particulier sur tout ce qui concerne les évêques, nominations comprises. Le futur Léon XIV était, en quelque sorte, un super DRH de l’Église.

2) C’est le premier pape né aux US où l’Église est riche, une donnée importante sachant que, chaque année, le Saint Siège perd entre 50 et 70 millions d’euros. « L’Archidiocèse de Los Angeles a déjà versé 740millions de dollars à des victimes d’abus sexuels et en doit encore 880 pour un total qui dépassera 1,5 milliards de dollars… Une chose est certaine : les États-Unis étaient déjà le principal donateur de l’Église. L’élection du pape Léon XIV ne devrait pas changer cette tendance » (d'après le Figaro). D’autant, voir la suite, que se référer à Léon XIII, c’est flatter les donateurs dans le sens du poil ! 

3) Son nom est son programme, auraient déclaré plusieurs de ses collègues cardinaux. Mais qui était donc Léon XIII qui a régné de 1878 à 1903 ?

On retient de lui qu’en pleine révolution industrielle, dans une période sociale explosive qui a vu naitre le socialisme, il a publié en 1891, l’encyclique RERUM NOVARUM,  ”des choses nouvelles” en français, texte fondateur de la « Doctrine Sociale de l’Eglise » (DSE). Extrait de l’introduction : « … Les ouvriers ont conçu une opinion plus haute d'eux-mêmes et ont contracté entre eux une union plus intime. Tous ces faits, sans parler de la corruption des mœurs, ont eu pour résultat un redoutable conflit. » Puis… 

Alinéa 3. La thèse socialiste. Ses torts. Les socialistes,…, poussent à la haine jalouse des pauvres contre ceux qui possèdent…

Alinéa 7.  La propriété privée n’est pas contradictoire avec le fait que Dieu a donné la terre en commun aux hommes.

Alinéa 14. Les hommes doivent accepter les différences et l’inégalité de leurs conditions respectives, en particulier concernant le travail.

Alinéa 15. Les deux classes ne sont pas ennemies, mais complémentaires. Riches et pauvres. Capital et travail.

Alinéa 16.3. Parmi ces devoirs, voici ceux qui regardent le pauvre et l’ouvrier. Il doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s’est engagé par contrat libre et conforme à l’équité. Il ne doit point léser son patron, ni dans ses biens ni dans sa personne. Ses revendications mêmes doivent être exemptes de violences et ne jamais revêtir la forme de sédition.

Tout le reste est à l’avenant et mérite une lecture complète. 

La DSE frappe par son matérialisme. L’Église rentre de plain-pied dans la lutte des classes, se reconnait en tant que groupe de pression politique défenseur de l’ordre établi. La DES, alors que Marx a qualifié les religions d'opium du peuple, c’est une profession de foi contre la dangereuse tentation du socialisme ! Elle aura un succès certain : C’est sur cette doctrine qu’a été fondée en 1919 la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) devenue en 1964 Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), catalogué syndicat réformiste :  Pour exemple, la revue  ”Capital”, vient de publier «  La retraite par capitalisation n'est pas un «tabou» pour la patronne de la CFDT Marylise Léon ! ».   Et la DSE continue d’être publiée et revendiquée. Par exemple, sur le site du Collège des Bernardins : «  Pour mieux connaitre la DSE, la conférence des évêques de France a publié en 2014, deux petits livres très faciles d’accès pour davantage connaître la pensée sociale de l’Église, « Notre Bien commun », en deux tomes. » 

On comprend que se réclamer de Léon XIII en 2025 n’est pas anodin. Le Pape, arborant de nouveau ”la mozette satinée et le pallium brodé” a déclaré le 10 mai que Léon XIII avait «« abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle » et qu’aujourd’hui, l’Église devait offrir « son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail ». On peut compter sur la Curie romaine et leur chef pour publier une nouvelle encyclique qui nous expliquera comment Dieu juge l’IA, qu’il faut limiter ses excès sans renverser la classe qui l’utilise pour nous opprimer ! D.B.

Texte approuvé par la section de Dole de la Libre pensée le 27 mai 2025