Où il est question d’éducation, de voraces et de Nono
Facebook a vraiment le chic pour m’envoyer des réclames à la con qui ne me donnent pas d’autre envie que de faire un carton sur mon écran, moi qui suis l’essence même du cosmopacifisme et le parangon de la gentillesse incarnée.
A croire que c’est l’algorithme le plus crétin du monde, à moins qu’il ne soit le plus perfide. Et donc je suis récemment tombé sur ça!
J’ai bien failli zapper sans y prendre garde mais je me suis fendu d’une capture d’écran tellement l’horreur du capitalisme m’a finalement jailli à la gueule. On dirait le couvercle d’une boite de Trivial Pursuit mais c’est en fait du Monopoly puissance Trash.
Je passe sur la méthode Montessori: je n’en pense pas grand chose mais ça me semble être un gros fourre-tout pédagogique pour nous faire croire que l’école peut-être autre chose qu’une vaste entreprise de formatage des habitus, histoire de pouvoir vivre ensemble. Les premières choses qu’on apprend à la Maternelle, c’est quand même de ne pas pleurer en laissant ceux qu’on aime le plus au monde au portail, d’accrocher son manteau à la patère à côté de sa gommette, de rentrer sans pousser les autres dans la classe, d’obéir à la maitresse qui n’a même pas l’idée de se gainer de cuir noir et d’attendre la récré pour aller pisser.
Non, plus sérieusement, ce qui me rend fou furieux, c’est l’ignominie d’un tel appel au profit. Pour ceux qui n’ont aucune idée des placements financiers, le taux d’intérêt du livret A est passé à 0,5% depuis le 1er février. S.U.R.E. propose donc 14 fois plus que notre petite épargne de misère.
7%, ce n’est pas encore aussi juteux que l’autoroute (au-dessus de 20%) mais c’est un peu au-dessus des vaches (4 à 5%). Pour l’autoroute, c’est l’automobiliste qui paie les dividendes. Pour les vaches, c’est l’agriculteur qui loue les vaches qu’il n’a plus les moyens d’acheter. Pour l’école Montessori, les vaches à lait, ce sont les parents. Les tarifs ci-dessous sont ceux de celle de Dijon.
Bon, on ne va pas plaindre les parents qui veulent un « accueil privilégié » pour leurs mômes. Pour payer un tel pacson, faut être blindé. Si les riches se piquent le pognon entre eux, on ne ne va tout de même pas pleurer sur leur sort. Une ancienne instit’ me disait que des écoles de ce genre fleurissent partout en France malgré des frais de scolarité très élevés. La très fameuse École Alsacienne dans le VIème à Paris ne demande finalement que 1001€ par trimestre. Mais les voyages scolaires sont obligatoires et j’ai pas bien compris les tarifs de la cantine mais il parait que ce type d’établissements privés se sucrent là-dessus. Bref y a du blé à se faire dans l’éducation et certains sont bien décidés à ne pas s’arrêter là.
Car on ne m’ôtera pas de la tête que Blanquer ne cherche pas à déstabiliser le système scolaire pour une autre raison que d’offrir les écoles, les collèges, les lycées et les universités sur un plateau à ceux qui voudront les racheter, tout au moins les institutions dont les investisseurs pour rester poli pourront tirer des bénéfices, là où les parents d’élèves auront de quoi nourrir les rapaces (désolé, j’ai pas fais gaffe cette fois-ci!). On le fait bien pour les hôpitaux, les maisons de retraite, les barrages et l’eau potable.
Mais me direz-vous, on ne peut pas acheter une école, encore moins une fac. C’est énorme! C’est sûr qu’avec votre livret A, vous n’irez pas bien loin. Vous ne jouerez jamais dans la cour des grands requins. Mais ils boufferont tout votre patrimoine. Car l’école, ça peut rapporter gros vu que l’Éducation nationale (y compris le supérieur et la recherche) est de loin le premier budget de l’État (entre un quart et un tiers du total).
La dépense moyenne est de 6 820 euros pour un écolier, 8 780 € pour un collégien, 11 200 € pour un lycéen et 11 470 € pour un étudiant.
Imaginez que ça doive sortir de votre poche. Vous allez commencer à regretter les tarifs de l’école Montessori. Songez à présent que le gâteau tombe aux mains d’un vorace comme Bolloré ou Black Rock bien décidé à avoir un gros retour sur investissement du lycée Charles-de-Gaulle qu’il vient d’acheter pour une somme conséquente certes mais pas non plus astronomique au vu de ce que ça représente. Ça va douiller dans votre budget de parent d’élèves mais l’alternative pour vous, c’est le lycée Shitàtouslesétages où votre lardon va cumuler les infrastructures pourries, les classes surchargées, les profs sous sédatifs ou suicidaires et un encadrement proche du néant. Il vous reste à emprunter pour ne pas sacrifier l’avenir de votre rejeton qui ira avec les fils de bourges et filles à papa faire ses classes avant d’intégrer une école supérieure où là… ouh la la!
En fait, c’est le système anglo-saxon à deux vitesses! Il arrive chez nous. Les vraiment riches ont déjà intégré des boites entièrement privées très bien équipées qui n’ont pas de compte à rendre à l’État. Elles doivent juste assurer de bon résultats aux parents, accessoirement à leurs enfants, et des dividendes aux actionnaires car il y en aura, croyez-moi! On ne déconne pas avec l’avenir des jeunes. Les parents ne rechigneront pas à investir dans celui de leurs petits génies sauf ceux qui ne pourront pas allonger les sommes nécessaires et qui laisseront croupir leurs cancres dans des écoles publiques à l’abandon. Et pour permettre à ces bons géniteurs de dépenser allègrement, des investisseurs privés leur tendront la corbeille en leur promettant le développement personnel du chérubin et l’épanouissement carnassier du jeune compétiteur. Montessori dans un premier temps, Sup de Co pour finir.
Ça a marché pour les autoroutes, Macron veut en faire autant avec le train et les aéroports de Paris. Les capitalistes rêvent de mettre le grappin sur l’école et tout le bien public qui leur échappe encore.
Et tout le monde prétend oeuvrer de son mieux pour une école de la République. On peut en douter et laissez-moi rire. Il faut donc tout faire pour que le profit et la vision à court-terme de ces mange-merde n’envahissent pas l’école. Bien sûr, l’Éducation nationale formate les enfants: c’est non seulement inévitable mais c’est son objectif. Ça permet de contre-balancer l’influence familiale trop puissante ou au contraire un manque de repères côté géniteurs. On échappe au communautarisme d’un côté et au laxisme intégral de l’autre. Vous pouvez bramer avec Pink Floyd, y aura toujours des murs à l’école, car y a pas de sanctuaire sans frontière et pas d’apprentissage sans sérénité.
Maintenant on peut envisager un système où la prise en charge de l’éducation des jeunes soit une affaire publique et pas seulement institutionnelle. En matière de scolarité, l’État jacobin, bureaucrate et bourgeois, est aussi néfaste que les gourous libertaires au service du profit débridé. Il s’agit donc de se débarrasser des gommeux cravatés et des chignons en Rodier qui trainent au ministère et dans les rectorats tout autant que des hippies qui tiendraient encore debout, et d’imaginer une éducation véritablement populaire avec les élèves, les enseignants et d’une manière générale, tous ceux qui auront envie de mettre les mains dans le bidule qui tiendrait plus de la coopérative culturelle que de la fabrique à cons! Ça se fera pas en un jour, il faudra trouver un juste équilibre entre autonomie et égalité mais ça vaut le coup de se pencher sur la question.
Et tant que je vous tiens, TOTAL soutien à notre copain NONO, victime d’une direction déboussolée aux ordres de Blanquer qui ne sait plus où donner de la schlague! Je serai à la manif! Et je me suis promis de ne pas remettre les pieds à Duhamel (sauf meeting militant) où j’ai pourtant parfois affaire (faut bien gagner sa vie) tant que mon pote ne sera pas réintégré.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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