Mode sombre

A la bonne heure ! Il faut parfois des situations exceptionnelles pour faire le pas salutaire entre l'explication académique et l'engagement critique... Et oui, cette crise sanitaire (qui sera suivie d'une crise économique majeure) permet de réaliser, pour ceux qui n'en avaient pas encore conscience, que le monde tourne grâce aux petites mains, à ceux qui travaillent, à ceux qui ne sont rien  et autres sans-dents. Le parasitisme confronté au travail humain ne fait plus le poids dans les situation d'urgence...

Pourtant, que d'efforts les fabricants de la pensée dominante ont dépensé, avec un certain succès, pour nous faire adhérer à leur conception de l'homme et du monde ! Il fallait bien ça pour entraîner notre vision dans le sens de leurs intérêts, fabriquer du consommateur docile et partager l'avidité pour les choses et l’argent. Notre cher président ne souhaitait-il pas que chaque jeune aspire à devenir milliardaire ?

Ils ont convoqué la nature humaine et la main invisible du marché. 

Le postulat libéral de la nature humaine utilitariste :  « (…) l'être humain n'est nullement cet animal politique (…) Il sera au contraire dorénavant perçu comme un loup potentiel pour tous ses semblables (…) Et cela du fait de son insociabilité constitutive, c'est à dire sa tendance supposée "naturelle" à n'agir qu'en fonction de son seul intérêt privé ou de de son seul amour-propre.Telle est, en somme, l'origine de l'idée pessimiste, et appelée à un bel avenir dans la culture occidentale (il suffit de penser à Freud), selon laquelle la civilisation serait un simple vernis, toujours prêt à craquer, les situations extrêmes ayant ainsi le privilège de révéler non pas tant la part d'ombre de l'être humain que sa véritable nature. » 

Jean-Claude Michéa - Le Loup dans la Bergerie

Ainsi est instauré dans les têtes le principe de la guerre de tous contre tous, (maintes fois démentie dans les situations de catastrophes qui ont vu souvent exploser le nombre des solidarités).

Le postulat de la main invisible du marché : « Nous voilà prêts pour accepter la main invisible du marché qui va laisser le champ libre à l'accumulation, la spoliation et le rejet de toute participation à la vie collective (coucou les paradis fiscaux !). Et ainsi le "gouvernement des hommes devrait céder la place au gouvernement des choses. Principe dont dérivent immédiatement deux corollaires : d'une part les décisions politiques d'un Etat libéral - n'étant pas soumises aux dogmes d'une quelconque "idéologie" - devront à présent reposer sur des critères purement "techniques"ou "scientifiques" (le concept de gouvernance) - et le règne corrélatif des "experts" - étant censé symboliser cette "neutralité axiologique" de la politique libérale. » 

Jean-Claude Michéa - Le Loup dans la Bergerie

Ainsi nous voici au fameux TINA : il n'y a pas d'alternative  - règne de la  raison (la leur) et du principe de réalité (la leur aussi). Ainsi le chemin est coupé vers l'imaginaire d'un monde fraternel, préoccupé de l'humain. Le libéralisme condamne comme naïf  les notions d'entraide, de don et de gestes désintéressés. On comprend mieux le cynisme et le mépris de la gouvernance actuelle.

Et ce n'est pas autre chose que les Gilets Jaunes ont réclamé à leur manière : un monde vivable pour tous. Et ce n'est pas un hasard si ce mouvement est largement féminin car les femmes sont en première ligne pour les emplois précaires, les petits salaires et les travaux ingrats si indispensables à notre existence.

Que ce confinement nous permette de réfléchir, de partager à propos du monde que nous voulons et comment le faire advenir. Portez-vous bien et faites attention.

 

L’irrévérencieuse


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