Mode sombre

Deci-delà, cahin caha, va chemine, va trottine cette intense réflexion « vivement le retour à une vie normale ». Comme je te comprends bien, ami lecteur. Ah oui, une vie normale… une vie normale, certes… nous avons hâte… Une vie normale… Mais, au fait, c’est quoi une vie normale ? C’est quoi la normalité ? …

Afin de t’éclairer aussi, cher lecteur, je te transmets THE définition, du terme : « Normalité : caractère de ce qui est normal » !… Et bien, nous voilà bien éclairés… Ne restons pas dans l’ignorance… Cherchons encore…

« Normal : qui est conforme à la norme, à l’état plus fréquent, habituel, qui est dépourvu de tout caractère exceptionnel […], qui ne sort pas de l’ordinaire… » Plus loin, je lis : « (la normalité) est ce qui ne surprend, ni dérange ni n’attire pas la curiosité, car la norme est considérée, de ce fait, comme une règle à suivre… »

Ça fait rêver, hein, ami lecteur ? Vivement une vie sans mouvement, sans curiosité … oui, vivement… Là, je reste un peu sur ma faim.

Mais d’un coup, mon bon vieux Georges, non, pas Brassens… pas Marchais, non plus…, Canguilhem, Georges Canguilhem vient frapper à la porte de « mon ordinateur neurophile », oui, « celui qui me sert de cerveau » et me dit : « Dis donc, le normal n’existerait-il pas que parce que le pathologique existe ? Tu ne crois pas qu’on pourrait s’interroger sur le normal et le pathologique, là ? Parce que la question du normal ne se pose seulement que parce qu’il y a de l’anormal qui résiste. S’il n’y avait pas d’anormal, il n’y aurait que des lois et il n’y aurait pas de normes. » Pas faux…

Je vous épargne gracieusement et emphatiquement la fiche de lecture, le compte-rendu de notre longue discussion nocturne autour d’une camomille…

Mais en très très gros, le vivant, toi plus moi plus eux, plus tous ceux qui le veulent, plus lui, plus elle, et tous ceux qui sont seuls, se définit par « sa normativité »… aïe, respire ami lecteur… La normativité, en gros, là aussi, est ta capacité à créer des normes qui t’individualisent. « Vivre serait donc poser des normes qui détermineront ce qui est valorisé et ce qui est rejeté pour que le vivant puisse se maintenir et se développer. La vie n’est pas indifférente aux conditions dans lesquelles elle évolue. Elle est lutte contre l’entropie (= mécanisme qui nous permet d’éviter une perte d’énergie), la destruction, la mort. Si la normalité est donc liée à la normativité, le pathologique est au contraire une réduction de cette normativité. » C’est clair, non ?

De ce fait, si la normalité est liée à la normativité, le pathologique est au contraire une réduction de cette normativité.

Georges s’éloigne quelque peu de Robert (Le Petit) et souligne qu' « être normal c’est pouvoir s’adapter aux changements de son milieu ». Par ailleurs, plus il y a de pathologique, plus le normal se redéfinit.

Donc, nous ne pourrions revenir à une vie normale, étant donné qu’elle a été redéfinie par le pathologique qui l’a conduite à mettre en suspens sa normalité. You know ? On peut entendre, ici, par pathologique, la maladie du Coco, le confinement, la baisse du PIB, la perte du gain des actionnaires, ou tout ce qui te cause, lecteur, et qui n’est pas du ressort de la norme actuelle.

Pour en revenir au point de départ, si le normal se réfère à la norme, revenir à une vie normale reviendrait à revenir aux normes que nous connaissions jusqu’à maintenant. Retourner à une vie normale serait, donc, retourner à l’injustice sociale, retourner à la poursuite du démembrement de tous nos acquis, retourner aux mains sales et au nez qui coule sans mouchoir jetable… ça ne fait pas rêver ! Et toi, ami lecteur ?

Je t’épargne la liste à la Prévert de tout ce qui est déconnant actuellement… je n’ai plus de place… ce serait trop long… et si tu continues à lire Libres Commères, ta liste se complétera d’elle-même.

Pour l’heure, il n’est point nécessaire de penser le passé, mais bel et bien, de penser le départ d’une vie nouvelle, redéfinissant une norme solidaire et équitable, yes, we can, parce que l’individu peut toujours créer d’autres normes sociales. (Merci pour ton soutien, Georges !)

Ami lecteur, je te laisse le soin de saisir ton temps libre actuel pour consulter les jolies thèses du Maître à penser de Foucault (non, pas Jean-Pierre, s’il te plaît, un peu de sérieux ! Michel, Michel…), et de finir par un petit mot de Gillou Deleuze :« Nous avons besoin de normes pour délirer ».

Cassandre


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