Culture

Les interviews du Miradole : Adamsberg & Coco

Publié le 11/08/2020 à 18:22 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 05m49s

Le jour où le Miradole a rencontré Chloé Alibert et Alexis Jacob, alias Coco et Adamsberg d’Adamsberg & Coco, Daniel Ek, obscur co-fondateur de Spotify, un drugstore musical qui l’a rendu milliardaire sur le dos des artistes, venait de dire cela : « Il n'est plus possible d'enregistrer un album une fois tous les trois ou quatre ans en espérant que ce sera assez. » Cet attardé culturel de l’ambassade du fric a aussi, mais on l’a beaucoup moins entendu, conseillé aux musiciens de « créer un engagement avec leur communauté de fans, partager l'histoire de la création de leur album et entretenir un dialogue ». LibresCommères et le Miradole vous proposent donc d’entrer dans le coeur créatif de Danaïdes, le dernier album en date et pas encore sous presse d’Adamsberg & Coco.

Avec Chloé et Alexis, le Miradole s’était déjà retrouvé à la terrasse de la Cloche pour la sortie de Sisyphus en octobre 2018. Un troisième larron est venu cette fois-ci se joindre au duo : Yoann Bernard. Ce n’est pas anodin, il ne passait pas là par hasard pour boire une bière mais bien parce qu’Adamsberg et Coco tenait à ce qu’il participe à la rencontre tout comme il a participé à la finalisation de ce deuxième album au nom à nouveau emprunté à la mythologie grecque : Danaïdes. Après l’éternel pousseur de caillou Sisyphus, c’est le tour des filles du roi Danaos (le premier qui fait un jeu de mots sur Danone ou la tribu de Dana se prend une calbotte !), promises à leurs cousins, meurtrières de ces derniers et condamnées aux enfers à remplir un tonneau troué. « Cet album interroge peut-être plus la question féminine, (NDLR: là c’est Chloé qui s’exprime) mais on ne retrouve pas cette thématique sur chaque chanson parce que toutes les paroles ne sont pas de moi. » On retiendra donc plus l’aspect existentialiste camusien des êtres condamnés à remplir un trou sans fond, une condition dont il faut toutefois savoir se satisfaire. « On n’a pas beaucoup évolué cérébralement parlant depuis la dernière fois. » (NDLR : là, c’est toujours Chloé qui semble plaisanter mais Alexis, 28 ans depuis 12 ans, a l’air d’accord). Pour ce qui est de la composition des morceaux, la recette a peu changé par rapport à Sisyphus. « C’est le même système de ping pong musical. On s’est rendu compte qu’on fonctionnait toujours autour des mêmes thèmes sans forcément se le dire. L’idée de Danaïdes s’est faite une fois que les chansons étaient là. On n’a pas cherché le concept et écrit les chansons par rapport au concept. Certaines datent d’il y a cinq ans, d’autres n’ont que cinq mois.» (Alexis) Ce n’est donc une fois de plus pas un album-concept mais une convergence créative vers un univers centripète et spécifique à Adamsberg & Coco. A l’heure actuelle, le Miradole n’a pas encore entendu une seule note de Danaïdes.

Niveau son, cela va sans doute prendre de l’ampleur puisqu’un bassiste a été recruté : Fabien Mongin vient mettre ses quatre cordes au service de la formation bicéphale, pas comme un simple exécutant mais comme un membre à part entière. Il a fallu jongler avec les contraintes du confinement et avoir recours à l’électronique mais c’est lui qui a proposé les lignes de basses sur certains des 15 morceaux. Les lecteurs de LibresCommères savent qu’Alexis sort parfois avec JiM (alias Etienne Martin) sans Chloé et qu’ils abritent aussi leurs amours dans le studio d’enregistrement Yttrium, Y comme Yoann, le prénom du troisième gus de la Cloche qui n’a pas encore dit grand chose parce que les deux autres savent occuper le terrain. Yoann qui a fait ses classes aux Caves connait un pacson de musiciens dans le coin et dans son carnet d’adresse, figure un certain David Regaldi, batteur de son état qui apparaissait déjà dans l’équipe de JiM. Tout le monde suit? Chloé a ramené François Girard qui joue de la guitare hawaïenne sur ses genoux (à lui, pas à elle). « L’idée, c’était tout de même de réaliser quelque chose qui soit reproductible au maximum sur scène. « (Chloé). « La charte qu’on s’est donné avec David, c’est de respecter le minimalisme de ce qu’on faisait. » (Alexis). Si vous n’avez jamais assisté à un concert d’Adamsberg & Coco, sachez qu’Alexis, en plus de la guitare et du chapeau, joue de la grosse caisse à l’envers et du grelot avec le pied comme Rémi dans « Sans Famille ». « Pour David, c’était presque de l’OuLiPo de la musique. On lui a posé pas mal de contraintes. » (Chloé). Adamsberg & Coco pourra donc varier sa géométrie en fonction de l’espace scénique en respectant bien évidemment les distanciations sanitaires comme cela s’est fait dans l’entassement du studio où ils ont passé environ trois semaines pour mettre en boite et finaliser ces 15 titres. «  C’était un enregistrement à la cool, à la fraiche avec des horaires de journée, sans état d’ébriété, sans substances, c’était très studieux. » (Yoann). Des ajouts de percus, de la guitare hawaïenne, de la basse et des claviers, l’âme binaire et intime d’Adamsberg & Coco ne risque-t-elle pas de s’y noyer? « C’est effectivement le challenge. il faut savoir déposer le cadre avant. On n’est pas sur une pure démocratie, sinon après tu ne t’en sors pas et tu pourrais avoir un sentiment de dépossession. Sans prétention, il reste tout de même une structure un peu pyramidale. Chloé et moi, nous restons l’âme au départ de la chose.» (Alexis).   « A terme, on est les seuls décideurs quoi qu’il arrive. » (Chloé). Pas de syndrome Martin Hannett (paix à son âme) en vue par conséquent ?! « On te le dira dans un mois. » (Chloé). « On ne sait pas encore. » (Alexis). Yoann commence tout juste le mixage mais il échange régulièrement avec le groupe qui lui commande malgré tout le son qu’il recherche. « Alexis et moi, on avait cette espèce de rêve de créer une sorte de laboratoire musical. Là, il y a des musiciens dont on aime le travail qui nous rejoignent. Il faut donc se faire confiance sur la création. » (Chloé). « Yoann a une vraie connaissance musicale et théorique, il ne fait pas qu’appuyer sur le bouton REC, c’est un vrai producteur, il a une vison d’ensemble des choses et c’est pour cela qu’on voulait enregistrer chez lui. » (Alexis). 

Pour en savoir un peu plus sur Yttrium, je vous renvoie chez notre confrère de la Voix du Jura qu’on salue au passage. (NDLR : Bonjour, Benoit !) Question promotion de l’album, la chargée de com’ d’Adamsberg et Coco coule des jours heureux à la Réunion. Non, non, elle n’est pas en vacances mais vit sur l’île à Saint-Denis. Du coup, Adamsberg & Coco feront une première date à Ornans, le 4 septembre, pour le vernissage de l’expo de Jean-Charles Sexe et Pascal Regaldi (NDLR: qu’on salue au passage !), ce sera ensuite Audincourt, puis d’autres dates à la Rhodia, au Moulin. Bref ça démarre bien pour nos zamis. 

Le Miradole ne vous a pas encore parlé de la pochette?Hé bien, disons qu’on est très loin de l’esthétique entomologiste minimale et énigmatique de Sisyphus. Et cela ferait un excellent design pour un vinyle. Les trois y pensent d’ailleurs sérieusement. Ils rêvent aussi de faire un double album et pourquoi pas ?… d’assurer la première partie de P. J. Harvey (NDLR : là, le Miradole dérape un peu parce que, pour une fois, le nom de P. J. Harvey n’a pas été prononcé ni d’un côté ni de l’autre). Chloé lancera peut-être un ulule dans les nuits prochaines, auquel cas LibresCommères vous tiendrait au jus.

Et en bonus, un petit amuse-bouche à l’oreille enregistré dans les maisons pendant le confinement.

 

 




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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