Nous voulons un toit pour Acet
Libres Commères accueille dans ses colonnes le tout nouveau collectif « Un Toit pour Acet ». Une tribune à lire de toute urgence.
L’année 2007 en Tchétchénie a vu l’arrivée au pouvoir d’un triste sbire de Poutine, Ramzan Kadyrov. Celui -ci y règne en maître absolu depuis treize ans déjà. Il y a instauré une sévère dictature, faisant fi du respect des droits de l’homme. Enlèvements, actes de torture, et exécutions sans inculpations ni jugements.
En 2020, Trump, peu connu pourtant pour être un grand humaniste, l’a fait interdire d’entrée sur le sol américain pour de nombreuses violations des droits humains. A la suite de quoi, Poutine, en geste de soutien lui a décerné le grade de « général major de la garde nationale russe ». Evidemment les loups ne se mangent pas entre eux !
En 2014 c’est dans ce contexte politique que Acet Oussamova Delmaev citoyenne tchétchène et son époux Kazbec décident de quitter le pays avec leurs enfants, craignant pour leur sécurité. Et pour cause !
Le grand- père et la mère d’Acet ont été assassinés à la suite de révélations faites par la mère d’Acet au défenseur des droits humains de la Croix Rouge, concernant les exactions commises par le gouvernement russe.
C’est aussi cette année 2014, qu’éclate, en Ukraine cette fois, une guerre dans laquelle Poutine choisit de soutenir les insurgés pro- russes, et envoie ses propres soldats. Kazbek, alors militaire, refuse de partir combattre considérant qu’il n’a pas à intervenir dans les affaires ukrainiennes. Il est dès lors considéré comme déserteur et menacé, lui et sa famille.
Les parents et leurs enfants quittent le pays, pour rejoindre la France, plus exactement notre ville de Dole. Ils sont alors pris en charge par le CCAS et hébergés dans un hôtel, puis au foyer Saint-Jean. Deux demandes d’asile ont été déposées auprès de l’OFPRA et de la cour nationale du droit d’asile, mais ils ont été déboutés sous prétexte d’un manque de preuves concernant la dangerosité d’un éventuel retour au pays. Pourtant, les attestations et témoignages sont nombreux et la France n’ignore pas ce qui se passe dans ce pays. Considérant qu’il n’y avait plus de motif juridique valable pour les maintenir sur le sol français, ils ont été invités à quitter le foyer Saint-Jean. Mr le préfet n’a-t-il vu aucun problème à laisser sans toit trois enfants en bas âge, dont un bébé ?
Le couple a décidé à cette époque de se séparer et Acet, a été hébergée un temps par une connaissance, mais elle s’est ensuite retrouvée à la rue. Si à Paris le nombre de personnes sans abri avec des enfants n’a d’égal que l’indifférence générale des habitants blasés, dans notre petite ville, on y est fort heureusement moins habitués.
Puisqu’il faut s’en réjouir pour eux, le COVID est passé par là, ils ont été alors confinés par le 115 dans un hôtel. Mais le confinement n’étant plus obligatoire, Acet et ses enfants sont priés de quitter l’hôtel et sont toujours sous le coup d’une procédure d’expulsion. Sans revenus, ils sont pris en charge par différentes associations comme l’Ouvre-Porte Dole, le Secours Populaire, les Restos du cœur et la Croix Rouge.
Il faut savoir que pour avoir une chance raisonnable d’être régularisé en France, le demandeur doit justifier d’un séjour supérieur à cinq ans dans le pays, ce qui est le cas, et d’une intégration exemplaire, ce qui est aussi le cas : participation assidue aux cours de français, à des activités associatives, de bénévolat, culturelles et sportives. Implication dans la vie scolaire. Il doit aussi justifier d’une possibilité d’emploi, emploi que Acet a dû refuser, car sans titre de séjour l’y autorisant. C’est le fameux chat qui se mord la queue !
Acet était professeur de français et d’anglais dans son pays, et détient un diplôme en comptabilité. Elle parle par ailleurs, le tchétchène, le russe et l’allemand. Elle est volontaire, travailleuse et apporte son aide aux autres dès qu’elle le peut.
Comble de l’ironie, lorsque Mr le préfet, pendant le confinement a demandé à certaines associations doloises de bien vouloir prendre en charge les personnes étrangères hébergées à l’hôtel, c’est encore Acet qui a offert ses services en tant qu’interprète. N’est-il pas risible, Mr le Préfet, de la voir aussi bien remerciée de l’aide qu’elle vous a, somme toute, apportée ?
En septembre 2020, un collectif a été créé afin de soutenir Acet et de demander une régularisation exceptionnelle et un logement. Le collectif « Un Toit pour Acet » sur Facebook, invite toutes les personnes qui le souhaitent à les rejoindre et à relayer l’information. Certains politiques ont répondu présents. Mr le député Sermier, lui, n’a pas souhaité intervenir, et Mr le maire de Dole n’a, à ce jour, pas répondu au courrier qui lui a été adressé.
Menacée de représailles, Acet est en grand danger si elle retourne dans son pays d’origine, mais dans notre beau pays des droits de l’homme, c’est la rue, la clandestinité et la mendicité qui la guettent.
Le collectif en appelle à l’humanité et à la bienveillance de l’état français, en la personne d’Emmanuel Macron et de son représentant local, Mr le Préfet, pour une régularisation rapide de cette femme et de ses trois enfants.
Véronique Journot Lambey
Depuis la rédaction de cet article, Kazbec le mari d'Acet a été arrêté par la police et mis en cellule (NDLR: nous étions le vendredi 25 septembre). La police a appelé le préfet du Jura qui a demandé sa remise en liberté, peut être est-ce dû au mail que le collectif lui a envoyé pour l'informer de sa création et de son notre refus de la procédure d’expulsion. Une action est prévue au début de la semaine du 28 septembre.
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