Politique

« Torche cul » en libre service

Publié le 04/10/2020 à 12:18 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 06m07s

Malgré ce titre accrocheur que d'autres qualifieront de « putaclic », je vous demande surtout de « rester calme et de continuer à lire » cet article.

Le jeudi 26 mars 2020 en plein confinement, j'ai reçu un mail des médiathèques du Grand Dole. Elle me conseillait comme je vous le conseille de « rester calme et de continuer à lire ». Vous avez certainement reçu le même courriel. Pour celles et ceux qui ne sont inscrits dans aucune médiathèque, je vous partage cet extrait :

« Monsieur Vingtras,

Les agents des médiathèques du Grand Dole vous espèrent en bonne forme.

En application des préconisations gouvernementales, toutes les bibliothèques et médiathèques du Grand Dole sont toujours fermées au public jusqu'au 15 avril. Le confinement étant la règle, aucun service de portage de livres ne peut être mis en place durant cette période.

Nous vous proposons néanmoins:

  • une augmentation du nombre de prêts de livres numériques de 3 à 10 livres (durée de prêt 28 jours)
  • la consultation de films, magazines, cours, formation en ligne sur le site jumel39.fr.»

Me voilà sauver ! Je cours m'inscrire à la bibliothèque numérique JUMEL qui est je cite: «un service proposé dans le cadre d’un partenariat entre les bibliothèques du Grand Dole et la Médiathèque Départementale du Jura.» Je peux accéder aux livres, films et musiques de mon choix. Mais ce qui nous intéresse c'est l'accès à l'information.

Dans la rubrique « Presse et Information », JuMEL nous propose deux choix d’infos.

Le premier « Sciences en Ligne » parle… je vous le donne en mille... de la science.

Le second, celui qui nous intéresse, c’est Cafeyn.

Cafeyn, le Goliath de la presse numérique :

Cafeyn a été créé en 2007 par quatre jeunes diplômés d'une école de commerce. En 2012, l'entreprise reçoit 2,85 million d'euros de la part d'une banque privée, le Crédit Mutuel. 2,75 millions d'euros de la part de la Caisse des Dépots, Institution financière publique. Des investisseurs privés et des « business angels » mettent également la main à la poche. L'ange sous caféine s'envole.

Le 22 juin 2020, Ari Assuied, PDG et fondateur de Cafeyn annonce sur BFM Business un accord de distribution avec le groupe SFR Presse, cousin de BFM, car ils ont le même actionnaire : le groupe Altice avec Patrick Drahi à sa tête.

Il est bien loin le principe des « Jours Heureux » écrit par le Conseil National de la Résistance qui souhaitait «la liberté de la presse, son honneur, et son indépendance vis à vis des puissances financières».

La presse numérique est en pleine croissance au grand dam des kiosquiers et des journaux indépendants. C'est pour cela que votre canard préféré est imprimé.

Pour te dissuader d'avoir raison

Image réalisée sans trucage

L'image ci-dessus vous annonce la couleur. Mais je ne sais par quel bout commencer. Peut-être par le « moins » pire : le « journalisme carpette ».

Comme je vous l'ai annoncé, CAFEYN et SFR Presse ont un accord de distribution. C'est ainsi que les journaux comme L'Express et Libération sont disponibles. Ce sont des périodiques qui ont une ligne éditorial de « centre gauche ». Du point de vue de Cafeyn, ce serait un journal d’extrême-gauche.

On nous propose également une revue de commerce international, Nations Emergentes.

C'est un bimensuel qui est diffusé aux entreprises européennes via leur base de données (à ce jour 10 000 entreprises) sous format numérique.

Étant de nature curieuse, j'ai fait un petit tour sur leur site. Ils indiquent ceci : « Apporter un outil de travail aux entreprises européennes en leur communiquant une information validée par les meilleurs spécialistes (ah bon lesquels!) ainsi qu'une sélection de meilleurs extraits de la presse nationale et internationale. Nous espérons ainsi provoquer le déclic des professionnels et les inciter à saisir les opportunités d'affaires. » Autrement dit, envoyer les industriels « coloniser » les pays émergents. Et ce n'est pas fini.

Open bar pour la presse d’extrême-droite?

Pour rendre cet article plus ludique sur un sujet grave, nous allons jouer au jeu «Qui a dit quoi ?».

«  Qu'est-ce qu'elle a fait pour se retrouver au SMIC ? Est ce qu'elle a bien travaillé à l'école ? Est-ce qu'elle a suivi des études ? Puis si on est au SMIC, il ne faut peut-être pas divorcer non plus dans ces cas-là […] Quand on se rajoute des difficultés sur des difficultés et des boulets sur des boulets, on se retrouve dans des problèmes »

Vous l'avez ? Non ! Alors continuons.

« Je ne dis pas que c'est forcément elle qui a divorcé. Peut-être que son mari l'a quitté […] On assure ses arrières aussi […] Il faut prendre sa vie en main. Il faut arrêter de se plaindre et il faut arrêter d'empiler les difficultés ».

Bravo ! vous avez reconnu la « brillantissime  » Julie Graziani. C'est une ancienne journaliste du journal « L'incorrect » ayant pour slogan « Faites-le-taire ». Juste après cette polémique, ils l'ont d’ailleurs fait taire ! Nous allons nous attarder sur ce mensuel qui se situerait (selon eux-mêmes) entre la droite et son extrême. Il a été lancé en septembre 2017. Ses principaux actionnaires sont :  Charles Beigbeder (frangin de Frédéric, le cinéaste, critique littéraire et chroniqueur) financeur de l'Institut des Sciences sociales, économiques et politiques, une école créée par Marion Maréchal. Laurent Meeschaert, ancien Directeur des Ressources Humaines de L'Oréal et membre de « l'Avant Garde » dont le fondateur est Charles Millon, ancien ministre et député UDF, proche de l'extrême droite.

Plusieurs membres de la rédac' sont des proches de la « Maréchal ». Citons Jacques de Guillebon, le rédacteur en chef, et ancien conseiller bénévole de Madame. Arnaud Hautbois, ancien assistant parlementaire de l'ancienne députée du Vaucluse. Il fut aussi suppléant en 2012 du futur ex Monsieur le Maréchal, Matthieu Decosse. Ce dernier obtenant... 7 voix.

Dans la série des milliardaires qui possèdent la presse française, nous avons nos célèbres « mal aimés » les Arnault, les Niel et compagnies. Mais il existe des « milliardaires discrets» comme Iskandar Safa, un Franco-Libanais, issu de la communauté chrétienne libanaise. Il est classé par le magazine Challenge à la 92ème place des 500 plus grandes fortunes de France. Le secteur qui a fait sa gloire et sa fortune est la construction de yachts de luxe ainsi que celle de navires militaires vendus aux Emirats et à l'Arabe saoudite. Il est propriétaire du Groupe Valmonde dont le président est l'ancien journaliste de TF1, Etienne Mougeotte. Ce groupe de presse a acquis en 2015 l'indigérable Valeurs Actuelles. Cet hebdomadaire a pignon sur rue. Rien qu'en 2019, il s’est vendu à pas moins de 99 000 exemplaires. Plutôt honorable pour un torchon! Il coûte 5,50 €. Trop cher pour du papier hygiénique !

Leurs unes affichent Zemmour, Marion Maréchal, Houellebecq et même Onfray. Leur dernière polémique caricaturant une députée de l'assemblée en esclave enchaînée. Leur dernière une, datant du 3 septembre 2020 est « Victime de la barbarie ordinaire ». Je cite: «  Chaque jour, la presse quotidienne régionale apporte des nouvelles de cette France livrée à l'insécurité et dont la chronique a depuis longtemps dépassé la rubrique « faits divers » pour intégrer la catégorie «fait de société» »

Ces pisse-copies ne cherchent pas à informer. Ils ne cherchent rien d'autre qu'à faire le buzz. Certains lecteurs en raffolent, achètent et en redemandent. Mais ils jouent aussi sur la peur de l'autre (sous-entendu les dangereux « gauchistes » et les « étrangers »). Par conséquent, le repli sur soi.

Alors que je rédige cet article, l'application Huffpost m'avertit du décès de Pierre Sidos une figure de l’extrême-droite. Je vous parie qu'il aura droit à un article « Hommage » dans Valeurs Actuelles ou dans L'Incorrect.

Je suis pour la liberté de la presse. Je ne réclamerai jamais l’interdiction jamais des deux magazines précédemment cités ni de biens d'autres. Mais ce qui m'indigne, c'est l'inexistence de journaux d’opposition dans l’offre de la Médiathèque. Il se peut que les journaux d'opinion de la gauche dite radicale aient refusé d'être « vendus » en libre service ou peut-être ne leur a-t-on jamais proposé. Un accès aux journaux de tous les bords de l’échiquier politique permettrait au lecteur de se faire son propre avis. Au lieu de cela, des idées nauséabondes prospèrent sous le nez des lecteurs et viennent toujours des mêmes organes.

Je ne dis pas que JuMEL39 est coupable de transmettre ces idées. Mais ils ont une part de complicité en ne favorisant pas le pluralisme.

Baron Vingtras.




À propos de l'auteur(e) :

La Rédac'

Donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, voilà une noble cause ! Les articles de la Rédac' donnent le plus souvent la parole à des gens que l'on croise, des amis, des personnalités locales, des gens qui n'ont pas l'habitude d'écrire, mais que l'on veut entendre...


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