Palestine et Macédoine sont au cinéma
Libres Commères a plutôt tendance à vous envoyer au cinoche ces jours-ci mais aller voir un film palestinien ou un film à propos de la Palestine, c’est un peu militer tout de même, et puis c’est l’unique moyen qu’on a d’aider ce peuple que l’impérialisme sionisme (ô le joli pléonasme !) tente de vouer à l’oubli à ne pas disparaitre complètement dans le silence et sombrer dans l’indifférence quasi-générale. Palestine au Coeur, ce petit festival porté par Laurence Bernier, présidente du Réseau pour une paix juste au Proche Orient et Marianne Geslin, programmatrice cinéma de la MJC, est en plus l’occasion de voir des docus et des longs-métrages qu’on ne retrouvera pas sur TF1. Stefan Ziegler, l’initiateur et producteur suisse du film Broken de Mohammed Alatar, sera même au Majestic ex-Tanneurs de Dole le 23 pour présenter le documentaire sur le mur de 700 km de long que les colonisateurs de 1967 ont construit en Cisjordanie. Il réexpliquera sans doute l’iniquité de cette construction qui viole toutes les résolutions de l’ONU dans une indifférence quasi-planétaire. Un autre documentaire Samouni Road évoque la situation à Gaza, pas plus brillante, puisque le film s’appuie sur les témoignages d’une famille qui se retrouve après avoir été décimée par les raids israélien il y a une dizaine d’années. Enfin Wardi de Mats Grorud (une production française, suédoise et norvégienne) raconte l’histoire d’une petite Palestinienne de Beyrouth, née dans un camp de réfugiés et dont le grand-père Sidi, chassé de son village en 1948, a été l’un des premiers à s’installer au Liban. Cette oeuvre est une curiosité puisque c’est un film d’animation (pas fréquent sur ce genre de sujets) et qu’on peut y emmener les jeunes à partir de 12 ans. Palestine au coeur, c’est du 23 au 26 octobre, au cinéma Majestic à Dole. Il est important de soutenir ce petit festival, pas très épais cette année il est vrai, parce que ses programmatrices se démènent pour trouver de quoi l’alimenter avec une production pas bien prolifique, qui tourne toujours autour de la déchirure quotidienne que subissent les Palestiniens mais qui étrangement laisse au coeur un petit accent d’espoir rageur dont nos résistances pourraient bien s’inspirer.
Honeyland, le choc au couleur du miel !
Honeyland n’est plus à l’affiche et il n’a fait qu’un passage discret au Majestic de Dole. Mais quel choc ! Ce long-métrage à la limite du documentaire et de la fiction qui finira bien pas passer sur ARTE a été tourné au coeur d’un pays qui s’appelle depuis 2019 seulement la Macédoine du Nord. Hatidze est apicultrice mais ses abeilles sont sauvages. Certaines crèchent dans des falaises, d’autres dans des ruches de fortune surplombées par des casques de soldats d’une autre guerre. Hatidze s’occupe de sa mère et la nourrit comme les ouvrières servent la reine qui ne quitte jamais la colonie. Mais cette apicultrice d’un autre âge ne prélève que ce que abeilles peuvent lui offrir et cet équilibre entre la production et le prélèvement assure la pérennité de cette entente. Une famille turque arrive dans cet endroit désolé et abandonné. Le père se lance dans l’apiculture mais bientôt pressé de produire plus par un commerçant pas très scrupuleux et avide de profit, (un capitaliste en somme même s’il ne porte pas de chemise bleue, de cravate et de pompes à 500 boules), il ne respecte pas les conseils d’Hatidze. Les abeilles des ruches exploitées à outrance meurent ou viennent se nourrir chez les abeilles sauvages chez lesquelles Hatidze ne récolte que ce qu’il lui faut pour vivre chichement avec sa mère. Quels que soient vos revenus, vous sortez du film en vous disant que vous vivez dans l’opulence et le confort. Mais malgré cette existence difficile au sein d’une milieu aride et le destin rude et assez injuste envers cette femme généreuse et pleine de sagesse, cette dernière y trouve son compte (enfin… on espère) mais sans enfant, son savoir-faire et sa philosophie de la vie sont voués à disparaitre. C’est une histoire édifiante, pas idyllique pour un sou, à aucun moment on n’envie Hatidze qui force pourtant l’admiration. Le confort excessif nous ramollit les fesses, la sédentarité nous constipe et au final, nos appétits matériels ne nous rendent pas heureux. On a besoin de clairvoyance et d’humilité pour vivre au rythme de la nature, de lucidité et de courage pour accepter notre condition d’humain et de fierté bien placée pour comprendre qu’on a qu’une vie et qu’elle ne peut pas être consacrée à faire de la maille : un linceul n’a pas de poche, on n’emporte rien dans les fumées du funérarium, on ne laisse derrière nous qu’un peu de mémoire et une empreinte carbone. Celle d’Hatidze dépasse à peine celle d’un pygmée et la Terre gardera un bon souvenir d’elle. On ne pourra pas en dire autant de Jeff Bezos et de ses livreurs.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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