Mode sombre

Être confinée avec Lucien Puget, c’est transformer les heures de sommeil en heures de discussion, de débat sur des sujets qui nous animent. Avoir l’occasion d’exprimer et exposer mon opinion à quelqu’un qui écoute ce que j’ai à dire, en tant que jeune étudiante de 18 ans, ça arrive peu fréquemment. Cela m’apporte pourtant beaucoup. Mais je m’éloigne du sujet dont je voulais parler : la représentation sociale.

La représentation sociale s’avère être un phénomène complexe très présent dans la vie en société. Elle est constituée de nombreux éléments sur lesquels je ne compte pas m’étaler puisque ce n’est pas cela qui m’intéresse, de plus je n’ai pas les connaissances suffisantes pour en faire part. Mais si tu tapes représentation sociale sur le net, tu trouveras de quoi te documenter sur le sujet.

Aujourd’hui je veux parler de la représentation de normes qui nous matrixe. Le terme matrixer me sert ici à dire que l’on nous introduit quelque chose dans la tête sans vraiment nous l’imposer mais celui-ci devient pour nous la norme, la vérité, la ligne à suivre qui ne peut être remise en question comme si c’était une vérité scientifique. Je vais plus particulièrement m’attarder sur l’image de la femme à laquelle on m’a fait adhérer sans que je ne m’en rende compte et à laquelle je me suis pliée sans me poser de question. Je m’explique, avec le recul que je suis capable de prendre aujourd’hui et depuis quelques années. Je me suis rendu compte qu’au travers des choses du quotidien comme regarder des publicités, des séries, des films, des magazines, des choses auxquelles on ne fait pas forcément attention, ces choses qui inconsciemment, dans mon cas par exemple, ont paru m’aider quand j’étais plus jeune dans l’idée de ce que je devais devenir en tant que femme. 

Quand tu entames ton adolescence (je veux dire en tant qu’adolescente) beaucoup de choses changent physiquement et beaucoup de questions fusent sur des sujets très tabous il y a encore quelques années, et qui le sont toujours un peu aujourd’hui, mais autour desquels la parole se libère pas mal. Je veux bien sur parler des règles, des poils, de la sexualité… qui malgré ce qu’on nous fait croire ne sont pas des sujets abordés à l’école, enfin pas vraiment sous l’angle nécessaire à cet âge précis. Je ne te décris pas ma déception quand j’ai découvert ce qu’étaient vraiment les règles. Ce n’était pas tout à fait la description qu’on m’en avait fait ou ce qu’on m’avait laissé croire que ça devait être. Très loin des clichés des pubs montrant une représentation du sang sous un liquide bleu qui laisse sous-entendre que le sang des règles n’est pas quelque chose que l’on peut montrer, que c’est sale, la réalité est que je fus bien déçue en découvrant le bonheur de notre rendez-vous mensuel. Oui car dans ces pubs généralement, on nous montre que « hahaha je suis trop heureuse avec ces tampons, je peux tout faire pendant mes règles » ou « youpi je fais de l’accrobranche alors que j’ai mes règles », ces serviettes sont vendues comme ultra confortables, alors loin de moi l’idée d’en faire tout un plat, mais c’est faux. Bien entendu ces pubs ne montrent pas le côté obscur des règles, je te conseille de t’accrocher petit Jedi car je vais t’en faire une liste non exhaustive. 

En premier lieux les règles sont douloureuses, cela dépend de chaque femme bien sûr mais en général ce n’est pas une sensation agréable: ta muqueuse utérine se détruit pour faire simple, de plus, plusieurs millions de femmes (1 sur 10) sont touchées par l’endométriose une maladie qui rend la douleur des règles encore plus importante, dans certains cas, la douleur est si forte qu’elles ne peuvent même plus se lever. Cette maladie engendre aussi des risques d’infertilité (environ 40% des femmes touchées par l’endométriose sont infertiles). Tu te dis que c’est déjà assez ? Bah non ce n’est pas fini : très peu des moyens de protection périodique sont sans danger pour la santé, la plupart étant blanchis au chlore comme pour les serviettes et tampons par exemple. Et oui, on peut mourir d’un choc toxique à cause d’un tampon ! Trop bien d’avoir ses règles, n’est-ce pas ? Le PIRE : il faut payer pour ces trucs toxiques que tu mets dans ton vagin, car rien n’est pris en charge par mon État préféré, je pense que cela est déjà assez pénible pour que je doive en plus payer mais bon. On ne parle pas beaucoup de celles qui sont en précarité menstruel, je te laisse imaginer que quand tu n’as pas assez d’argent pour manger, avoir des serviettes hygiéniques n’est pas ta priorité, alors que c’est pourtant assez indispensable. En 2019, on estimait à 1,7 million le nombre de femmes concernées par le manque de protections hygiéniques. Cela laisse à réfléchir, n’est-ce pas ?

Maintenant je m’attaque aux maléfiques poils qui doivent absolument disparaitre sur l’intégralité du corps. Et oui, il était, -je préfère parler au passé car même s’il est très proche, j’ai l’impression que cela arrive de plus en plus-, très rare de voir, peu importe le contexte, une femme ayant des poils, ce qui m’a laissé croire, car c’était sous-entendu, que c’était sale, que ce n’était pas normal d’en avoir. Alors ça devient une vraie chasse aux poils, le moindre qui dépasse doit être de suite éradiqué : aisselles, jambes, maillot, moustache pas de jaloux et tous les coups sont permis : cire, rasoirs, crème dépilatoire, laser et j’en passe. En plus de ça, je préfère ne pas m’attarder sur la douleur que cela procure... Loin de moi l’idée de bannir l’épilation, moi-même, je la pratique de temps en temps mais simplement je pense que la représentation de certaines femmes poilues aurait beaucoup aidé à dire « voilà les hommes ont des poils, les femmes aussi, c’est normal mais si l’envie vous en prend, vous avez la possibilité de vous épiler ».

Quand j’ai imaginé cet article, je ne me voyais pas esquiver le sujet de la représentation de la femme noire dans la société. Seulement je ne suis pas concernée par ce sujet (étant une femme blanche). Je ne veux pas te laisser partir sans t’en faire un petit debrief : les femmes noires sont tellement sous-représentées, voire pas du tout représentées… Imagine-toi en tant que jeune fille noire grandir dans une société où la couleur de peau entraîne tant de discrimination, comment veux-tu, quand en plus la seule représentation que tu as de la femme est celle de la femme blanche, à cheveux lisses, te sentir bien dans ta peau avec tes cheveux crépus, ta couleur de peau plus foncée que la « norme »? C’est dingue qu’en voulant donner cet exemple parfait de la femme, on a créé des normes qui engendrent tellement de complexes, de mal-être et de pression sociale.

C’est un sujet si complexe que l’on pourrait en parler des heures, la représentation des femmes est quand même heureusement un sujet d’actualité qui est en train d’évoluer. Des marques se mettent à déconstruire ces normes : même si on peut penser que c’est par opportunisme de communication, cela reste un pas en avant. A travers ce sujet qu’est la représentation féminine, le problème de la masculinité toxique est intéressant à étudier (peut-être une prochaine fois…?) car il est en parti responsables des problèmes que je viens de citer…

Juliette Cretet

 


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