Quand Martin et Sermier se mettent d'accord...
« La plante qui est le plus facteur de civilisation, dans toutes les religions, c’est le pied de vigne, le cep. » Ce n’est pas l’ethnologue Claude Levi-Strauss ou le pape François qui s’exprime. Non, Mesdames, Messieurs sous vos applaudissements, c’est votre député Jean-Marie Sermier au micro de Serge Dumont. On n’a aucune précision horaire mais on imagine que l’élu est sobre, faute d’être sain d’esprit. Rappelons que Jean-Marie Sermier a également un vrai travail : vigneron. Ceci explique sans doute ce triple dérapage. Premièrement, le dérapage scientifique car la vigne est une plante des régions tempérées et méditerranéennes et les grandes civilisations du passé ne se limitent pas au monde gréco-romain et à l’Europe occidentale. L’Inde, la Chine, le Japon, les empires amérindiens ou la civilisation arabe sont passés sans encombre à côté du raisin. Ah mais Jésus… et là deuxième dérapage incontrôlé : le dérapage laïque. Jean-Marie Sermier ne se cache pas d’être catholique. Pas assez même car évoquer toutes les religions en les réduisant à la seule qu’il connait bien, celle qui tourne autour du pied de vigne, c’est non seulement réducteur, il oublie le blé du pain, mais carrément déplacé pour un élu de la république pour qui je vous le rappelle toutes les religions sont sur un pied d’égalité et relève de la liberté de conscience et surtout de la sphère privée. Et de toute façon, associer civilisation et religion, c’est s’aventurer sur un sentier glissant même au pays de Louis Pasteur, connu pour être assez béni oui oui. A moins que le journaliste n’ait lâchement profité d’une déclaration en off du conseiller municipal. Non, ce n’est pas le genre de la maison. Troisième dérapage : le dérapage cognitif. Qu’est-ce que ça veut dire au juste ce trio vigne-civilisation-religion? Je vois bien le biais que le leader de la droite doloise veut nous faire prendre mais honnêtement, seule la religion du pinard peut soutenir un tel dogme sans autre fondement que le cul qu’il a pour s’asseoir.
Le choix de l’auteur de l’article est assez malencontreux car le vigneron de Cramans évoque dans l’interview téléphonique qu’il a donné au Progrès des raisons historiques nettement plus solides quant à l’éventuelle réimplantation dans Dole d’une vigne aux cinq cépages jurassiens. « Le député est prêt à fournir les pieds dès demain, qui nécessitent déclaration et autorisation des douanes. Ce qui ne devrait pas lui poser problème au regard des 3 000 pieds plantés annuellement dans le domaine familial », poursuit l’article. Il s’agit bien entendu d’un don généreux pour ne pas que l’on rentre dans un conflit d’intérêt. Du genre : tiens, j’ai une bonne idée et en plus, j’en vends. Non, ce serait trop gros tout de même. D’ailleurs Jean-Marie Sermier l’a joue un peu plus fine. Après Cramans qui devra attendre 2022 pour cause de virus, Benoit Sermier, le président des Ambassadeurs du Vin jaune, pourra-t-il refuser à son père d’exaucer son voeu de délocaliser la Percée hors des vignobles? Eh ben voyons. Y a bien un salon du tissu à Dolexpo bien qu’il n’y ait pas une seule filature en ville et qu’on accueille Cirque et Fanfares alors que Louis Armstrong est né à la Nouvelle Orléans. « Je le dis encore plus facilement que je ne suis plus maire de Dole. Je pense que la Percée doit réfléchir à des ‘‘sorties’’ de l’aire d’appellation d’origine (…) Nous avons les caves et le patrimoine. La Percée, ça soude les associations, les bénévoles, c’est comme une étape du Tour de France ! » Je suis d’autant plus d’accord que je me vois bien sous-louer mon garage aux vieilles voûtes bien fraiches, à deux pas de la Collégiale, histoire de couvrir les frais de location pour une bonne année. Et voilà comment une affaire mal emmanchée se termine par une réconciliation et un miracle !
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À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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