Mode sombre

Cher lecteur, chère lectrice,

Je souhaite me confier, me confesser auprès de vous car cela fait plusieurs semaines que je garde ce secret pour moi. Cela me pèse de plus en plus.

A partir d'aujourd'hui, je ne crierai plus le mot de Révolution.

N'ayez aucune crainte. Je ne suis pas tombé dans la résignation. Bien au contraire. Mes idées sont toujours là. Bien présentes. Mon cœur est toujours à gauche et je serai toujours aux côtés des méprisés et des indignés. Je continue à penser et à croire qu'il faut prendre le pouvoir le plus rapidement possible. Par n'importe quel moyen. Mais il faut le prendre!

Vous allez vous dire que mes propos correspondent parfaitement à la définition du mot «révolution», au sens de créer «un renversement brusque d’un régime politique par la force». Je vous l'accorde, je le souhaite ! Mais c'est le mot révolution que je ne souhaite plus utiliser. Aux yeux de nombreuses personnes, les révolutions ne sont que synonymes de barricades, de flingues et de têtes coupées. Ce n'est pas à cause des idées reçues des gens que je ne souhaite plus le dire. C'est à cause de son étymologie et de ce qu'elle définit.

Révolution provient du latin « Revolvere » (révolution et revolver, l'arme à feu, ont la même origine et sont étroitement liés lors des insurrections). « Revolvere » se traduit par rouler quelque chose en arrière. Selon le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), la définition de révolution est la suivante : « mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ ».

La phrase en italiques parle d'elle-même. C'est qu'une révolution passe de l'évolution à la régression. On acquiert, on perd, on acquiert, on reperd. Et ainsi de suite.

Le 24 novembre 2016, a paru un essai politique du nom de « Révolution ». Écrit par un ancien ministre et futur président. J'ai nommé Emmanuel Macron. Son objectif est de revenir sur les acquis que nous avons pu trouver. Lors du mandat de François Mitterrand, la retraite passe de 65 à 60 ans. C'était une évolution. En 2020, Emmanuel Macron et ses sbires souhaitent faire passer l'âge de la retraite de 60 à 62 ans. C'est une régression. C'est ça, une révolution !?

Vous allez me dire : « As-tu un autre mot pour le remplacer ?». Évidement, je crierais « évolution ».

Le terme « évolution » vient également du latin. "Evolvere" qui se traduit par une « action de dérouler ». Allez de l'avant ! Toujours sur le site CNRTL, la définition d’ « évolution » est la suivante : « processus continu de transformation, passage progressif d'un état à un autre. Une évolution irréversible ».

L’évolution est donc irréversible. Elle ne peut par conséquent en aucun cas être stoppée et encore moins renversée. A la grande différence des révolutions. Cessons de scander « révolution » et clamons « évolution »!

Baron Vingtras

 

NDLR : cher baron, vous jouez sur les mots parce que vous pensez que bien nommer les choses est important. Soit ! Macron a donc usurpé le terme révolution pour son bouquin-programme et en même temps, le réactionnaire qu’il est a raison. Certes, lors d’une révolution, un astre semble revenir à la case départ, ce qui n’est pas tout à fait vrai dans un univers en expansion. Je pinaille, me direz-vous ! Certes je le concède. Mais vous oubliez qu’un mot a toujours plusieurs sens sans que ça porte systématiquement à conséquence. Faut même vivre avec. Révolution peut donc dire à la fois retour au point de départ et bouleversement irréversible, ce qui peut en effet paraitre contradictoire. Vous aimeriez donc éviter ce paradoxe.

Vous proposez par conséquent de revenir au terme d’évolution, une transformation sans heurt et sans douleur, une notion empruntée à la biologie darwinienne. C’est une vision réformiste des choses qui consiste à ajuster le système pour qu’il survive comme les organismes se sont adaptés à leur environnement en mutation. A ce rythme-là, on ne sortira jamais de la pseudo-démocratie capitaliste. 

Excusez-moi de vous décevoir mais je ne crois pas que le chambardement se fera en douceur. Les heurts ont déjà commencé et vont s’amplifier. Et pour que la révolte fasse basculer le régime, il faut un programme révolutionnaire qui tient la route pour le remplacer. Ça ne va pas se faire en un claquement de doigts. On va encore prendre cher, le temps que le capitalisme s’effondre de lui-même mais le processus est enclenché. Il faut juste placer les capteurs aux bons endroits. On y travaille un peu partout. Les initiatives pour dépasser le capitalisme fleurissent. Reste à la classe synallactique (progressiste) à s’organiser et à prendre l’ascendant, voir l’hégémonie, sur l’oligarchie réactionnaire au pouvoir. Ça peut ressembler à une évolution parce que les petits coups de boutoirs contre les fondements du capitalisme ne ressemblent pas au « grand soir ». Le travail de sape n’est pas très glorieux mais rappelez-vous que la Révolution française est le résultat de plusieurs siècles de combat de la bourgeoisie pour s’émanciper et renverser la féodalité. La vague punk se préparait dans les milieux underground depuis la fin des années 60 par des groupes qui ont souvent joué devant quelques dizaines d’amateurs. Les actions révolutionnaires spectaculaires adviennent à l’issue de longues périodes de gestation qui transforment le corps social en profondeur. Comme les contractions de l’accouchement, la violence du chambardement est inévitable : ça fait toujours mal au cul de perdre le pouvoir et c’est tout ce que je souhaite à l’oligarchie stato-financière qui va s’accrocher au volant. On peut lui faire confiance. Et si le terme révolution continue à faire peur aux plus timorés, tant mieux! 


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