Mode sombre

Nous sommes le 28 novembre 1871, il est environ 7 heures 20 du matin. Nous sommes sur le plateau de Satory, un camp militaire situé non loin de Versailles. Trois hommes descendent d'une voiture militaire, accompagnés d'un pasteur et d'un aumônier. Le premier s'appelle Louis Rossel, âgé de 27 ans. Le second Théophile Ferré, âgé de 25 ans. Puis le troisième Pierre Bourgeois, âgé de 23 ans, né à Dole.

Pierre Bourgeois voit le jour le 15 novembre 1848 vers 16h00 au 7 rue des Commards au domicile de ses parents. François Bourgeois, son père, est sabotier, âgé de 36 ans. Sa mère, Jeanne Bonnet, est sans profession et elle est âgée de 32 ans.

A 18 ans, il se porte volontaire pour entrer dans l'armée. Il incorpore une unité d'infanterie à Lons-le-Saunier. Très vite, il monte en grade et en 1869 il devient caporal.

Une révolte avant la grande

A la fin des années 1860, la famille Schneider détient le monopole de l'industrie de la métallurgie au Creusot. Elle y règne sans partage sur l'économie. 

En décembre 1869, les ouvriers revendiquent la gérance de la caisse de secours. Schneider organise un référendum. Une forte majorité se prononce pour la gestion ouvrière. Le 17 janvier, les ouvriers élisent un ajusteur, Adolphe Assi, président d’un comité provisoire chargé de gérer la caisse. Le 19, Assi et ses deux assesseurs sont renvoyés. Aussitôt, les ouvriers se mettent en grève. Le 21 janvier, le préfet fait venir 3 000 soldats au Creusot et Schneider appelle à la reprise du travail. Le 24 janvier, aussi rapidement qu’elle avait éclaté, la grève se termine. Début mars, Eugène Varlin que l'on retrouvera un peu plus tard, de passage au Creusot, jette les bases d’une section de l’Internationale.

Le 21 mars, 1 500 mineurs du bassin du Creusot se mettent en grève pour protester contre une baisse de leurs salaires. Ils avaient soutenu, sans y participer, le mouvement des ouvriers de janvier. Le 23, le ministre de l'intérieur de l'époque envoie trois régiments au Creusot. Pierre Bourgeois en fait partie. Les unités militaires tuent six grévistes. Mais le dolois se rebelle contre les ordres donnés. Le 29 avril 1870, il est dégradé et redevient simple troufion. Il est condamné à six mois et envoyé directement à la case zonzon.

Situation en France 

Ce n'est pas qu'au Creusot qu'il y a des tensions. C'est dans toute la France.

A cette époque, notre pays est sous le Second Empire. A sa tête, Napoléon III, neveu de Napoléon Ier. De nature orgueilleuse, il cherche à retrouver le prestige d'antan. Une pression diplomatique se fait entre la France et la Prusse. Le 15 juillet, le ministre de la Guerre, déclare à la Chambre des députés: "Nous sommes prêts et archi-prêts, la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats ». Quatre jours plus tard, la France déclare la guerre à la Prusse. Les premiers combats débutent début août.

Et très vite, on se rend compte que l'armée Française n'est pas s'y prête que ça. Elle se prend déculottée sur déculottée.

Le 2 septembre, Napoléon III capitule à Sedan avec plus de 70 000 hommes de troupe. Le 4 septembre, sur le parvis de l'hôtel de ville de Paris, Gambetta proclame la IIIe République. C'est la première fois de son histoire que la France acquiert une République sans révolte. C'est peut-être l'une des nombreuses raison pour lesquelles notre cher Président l'a commémorée en septembre dernier. Mais la guerre continue et Paris est assiégé le 20 septembre.

Notre petit trublion dolois est toujours derrière les barreaux. L'armée a besoin d'hommes, il est donc libéré et envoyé au front. Il participe à plusieurs combats dans la Loire et est nommé sergent le 5 janvier 1871.

Sa ville natale n'est pas épargnée par les combats. Le 21 janvier, 300 Français armés se réunissent sur l'actuelle place Grévy et se battent contre les troupes prussiennes. La ville tombe ce même jour et sera occupée pendant les neuf mois suivants.

A Paris, le gouvernement souhaite se rendre. Mais une partie de la population, même si elle crève de faim depuis quatre mois, souhaite continuer le combat. Le 22 janvier, une manifestation populaire est organisée place de l'hôtel de Ville. De nombreuses femmes sont présentes. Et elles prennent les armes. Pour bon nombre d'entre elles, c'est la première fois. C'est le cas de Louise Michel. Les militaires installés dans la mairie tirent sur la foule. Faisant cinq morts. Nous ne savons pas qui a tiré la première. L'armée ou la population? Des journaux comme Le Combat et Le Réveil sont supprimés par le Gouvernement Provisoire.

Le 8 février, une élection de l'Assemblée Nationale voit la victoire des monarchistes. Sur 638 sièges, 396 sièges sont détenus par des monarchistes. Le 19 février, Gambetta démissionne de son poste et est remplacé par Adolphe Thiers. Le 26 février, le pacte de paix est signé entre la Prusse et la France. Le 1er mars, les troupes prussiennes entrent dans un Paris mort. Les magasins, les industries et les lieux publics sont fermés. Le 11 mars, plusieurs journaux qui appelaient la population à s'insurger sont interdits comme Le Père Duchesne ainsi que le journal de mon père spirituel, Le Cri du Peuple de Jules Vallès.

Ce même jour, Pierre Bourgeois est avec son unité stationné à Sèvres. Il est fatigué par de nombreux combats qu'il mène. Il entre dans un cabaret et refuse d'en sortir. Le lendemain, il rejoint son unité en état d'ivresse et sans ses armes. Et vous savez quoi ? Il retourne à la case prison !

Dans sa cellule, il entend le vacarme à l'extérieur. De sa fenêtre il voit des femmes et des hommes brandissant des drapeaux rouges scandant "Vive la Commune!". Il est libéré par ces citoyens armés. Le prisonnier libéré de ses chaînes demande à un de ces libérateurs : "Quel jour sommes-nous? ». L'insurgé lui répond : "Nous sommes le 18 mars 1871."

A suivre…

Baron Vingtras


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À propos de l'auteur(e) :

Baron Vingtras

Bourguignon échoué en Franche-Comté, enivré par le militantisme de Gauche avec un gros G et passionné par l'Histoire.


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