Mode sombre

La lutte contre le réchauffement climatique fait partie intégrante de l'écologie et peut se décliner sous plusieurs aspects : la « résilience », c'est à dire trouver des moyens de résister à l'augmentation inéluctable de la température moyenne globale de 2°c et la lutte contre une inflation de cette augmentation (4°c à 9°c) en limitant les émissions de gaz à effet de serre. 

Il y a souvent un biais de compréhension : ce « réchauffement global » n'est pas une « addition » aux températures relevées chaque jour, mais se traduit en réalité par un « dérèglement climatique » qui pourrait même engendrer plus de précipitations ou des températures plus froides ponctuellement et localement. Ce sont en fait plus d’événements météorologiques violents et plus longs auxquels il convient de devenir résilient, et pas seulement la sécheresse et la canicule en plantant des oliviers sur les places de nos villes.

La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, quant à elle, se limite souvent à parler de réguler le CO2 issu de la combustion des énergies fossiles (énergie, industrie, transport), de la déforestation (agriculture, urbanisation) en oubliant d'autres gaz à effet de serre que sont le méthane et le protoxyde d'azote, issus de l'agro-industrie. Pour les tenants d'une écologie « pragmatique » (comprenez par ce terme : « qui ne remet pas en cause l'existant »), cette limitation des émissions de dioxyde de carbone revêt la forme d'une « décarbonation » de l'économie. 

Or, tant qu'on garde le même vieux logiciel productiviste, ce credo permet d'accroître la pression sur l'exploitation des forêts en mettant en avant la « biomasse » ou même de raser des forêts pour implanter des usines solaires à hydrogène (H2) comme chez nos voisins côte d'oriens. Les nombreux renoncements sur la loi climat sont l'illustration de ce « pragmatisme » conservateur. 

Pour reprendre l'exemple de l'H2 qui nous est vendu comme d'une solution miracle pour faire rouler les voitures et voler les avions, 95% de ce gaz est produit par transformation chimique du pétrole, et nécessite beaucoup d'énergie. On peut produire de l'hydrogène avec de l'eau et de l'électricité. Il faut aussi utiliser beaucoup d’énergie, mais ça peut permettre de stocker des surplus issus de productions renouvelables irrégulières, comme des panneaux solaires sur les toits ou des éoliennes. Mais très vite, on se rend compte de ce qui se cache derrière ce nouvel avatar de la croissance verte : « on n'y arrivera pas sans le nucléaire ! ». La voiture a hydrogène nous est imposée par les politiciens dans le but de soutenir encore et toujours le lobby nucléaire et éviter de parler d'économie d'énergie ou de nouveaux modes de production. Quand aux avions à hydrogène, les premiers prototypes sortent des labo, un petit avion pour les lignes intérieures sera prêt dans 15 ans, d'après Airbus qui espère remplacer sa flotte... vers 2050. De la science-fiction qui permet de continuer comme avant en attendant l'avènement de la solution. Quand les politiciens s'en remettent à des technologies à venir alors que la science nous assure que la température n'attendra pas qu'elles soient prêtes pour flamber, c'est à la fois du mensonge et de l'irresponsabilité. 

Certes, nous sommes habitués aux promesses frauduleuses de nos députés et autres ministres, mais cette façon de « faire de l'écologie » est aussi une stratégie de diversion. Ne parler que de « décarboner l'économie », c'est garantir de ne pas porter le débat sur ce qui serait plus gênant pour les affaires comme : questionner l'utilisation des pesticides, des additifs alimentaires, des ondes électromagnétiques, du nucléaire ; remettre en cause l'économie délocalisée, la production et le traitement des déchets, l'alimentation ultra-transformée, les conditions de vie et les conditions de travail, la répartition des richesses... Car l'écologie c'est aussi préserver l'intégrité de la biodiversité et prévenir son effondrement (80% des insectes ailés ont disparu depuis 1990 ; 15 à 80% pour les oiseaux selon les espèces) en y incluant l'Homme et les atteintes à sa santé (cancers, diabète, maladies neurologiques ou auto-immunes, dépression). Mais plutôt que de se saborder en traitant le mal à la racine, ces chiens de garde du système nous rassureront bientôt en nous parlant de subventionner des abeilles-drones pour polliniser, ou des nanites pour nettoyer notre sang.

Nicolas Gomet


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