Qu'est ce que le mérite ?
Cet article a été publié dans le numéro papier de juin, toujours disponible à Fleur de Sel, place aux Fleurs à Dole.
Ce dernier mois, je n'ai cessé d'entendre parler de mérite. Dans mon entourage, à la radio, dans les journaux, on aurait pu croire que le mois de mai n'apportait pas que des terrasses, des théâtres et des cinémas, mais aussi une sorte de classement des individus les plus méritants de notre civilisation malade.
Cela allait du délinquant de banlieue qui "méritait" une peine toujours plus lourde (évidemment, il a un joli nom qui effraie tous les connards dans un spectre qui désormais va du PS au RN) à l'entrepreneur qui a sué sang et eau pour créer une entreprise inutile vendant des choses inutiles voire dangereuses mais qui "a eu le mérite" de se lever le matin pour redorer l'image de la France, pas comme nous, feignasses assistées. En passant bien sûr par l'inévitable laïus sportif consistant à dire qu'un tel français "méritait mieux" (mais c'est déjà une très belle 86ème place, a souligné le généreux journaliste).
Pourtant, en parlant de sport, le dernier match de football joué samedi (finale de la Ligue des Champions) était plus une guéguerre entre deux joujous possédés par des milliardaires croyant tromper leur ennui à coups de soft power pour dégager leur horizon, malheureusement vide.
Alors où est le mérite ? Et d'abord, qu'est ce que c'est que ce truc?
D'après le Robert, c'est ce qui rend une personne digne d'estime, de récompense, ou bien ce qui rend une conduite digne d'éloges.
D'accord... c'est joli tout ça, mais aux yeux de qui?
Tout ceci est très subjectif.
De mon point de vue le candidat qui mérite d'être notre futur président s'appelle :
...
Parce que personne ne mérite une telle ignominie à mes yeux.
Alors que pour Manuel Valls, celui qui mérite assurément d'être le futur président s'appelle Manuel Valls.
Piètre estime de lui-même décidément.
Si le mérite est subjectif, cela veut dire que chaque personne qui en parle devrait accoler un préambule, par exemple : « selon mon vécu et mes croyances, après analyse uniquement émotionnelle de la situation, il me semble évident que ce joueur mérite de gagner cette course, fût-ce en se dopant. »
Personne ne fait cela. Ce serait imbuvable. Surtout dans l'espace médiatique.
Il y a deux types de communicants qui parlent de mérite dans l'espace public :
- la personne qui part du principe que son personnage suffit à remplacer le préambule, comme une évidence.
Ex : Pascal Praud pense que tel mineur isolé, qu'il ne connaît pas et qui ne lui a rien fait, mérite d'être reconduit à la frontière.
Le spectateur connaît Pascal Praud, il sait pourquoi il parle ainsi et vient même chercher ce genre de paroles pour nourrir son aigreur d'avoir un sexe si petit.
- la personne qui part du principe que le mérite est universel dans une situation donnée. Dans ce cas, cela s'appelle "imposer sa parole dans un débat" sans droit de réponse.
Ex: un journaliste de France 2 trouve que tel chanteur français à la voix fluette et au piètre jeu de scène mériterait plus de reconnaissance.
Il part du principe que c'est évident et qu'on sera d'accord avec lui. Mais, comme on ne peut pas lui répondre, il nous impose son point de vue. C'est ainsi que, progressivement, ce chanteur sera effectivement plus reconnu.
Voilà, chers amis dolois, ce que je pouvais vous dire maintenant que le soleil revient. Mais au fond cette chronique, ses raccourcis et ses phrases à rallonges ne méritent pas tant d'attention; il suffit juste d'éteindre sa télé et son smartphone.
Benjamin Alison
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