Mode sombre

Je suis pas le dernier à faire des jeux de mots douteux mais celui-là était de taille et il a donc retenu mon attention. Vis la Joie ! J’ai pas non plus immédiatement saisi le concept mais c’est comme avec les Gilets jaunes, je me suis dit qu’il fallait en être.

L’idée datait de deux ou trois semaines quand la Septième Compagnie a lancé le mouvement du côté de Nevy-lès-Dole : on se réunit dans la joie et la bonne humeur, histoire de montrer qu’on est pas d’accord avec le pass sanitaire et ce qu’il représente tout en faisant des propositions pour le monde de demain autour d’un pique-nique. Zone libre, village éphémère intra urbain, ça sent le squat alternatif non déclaré en préfecture et du coup ça me va bien. Et ça me rappelle un peu les banquets républicains du XIXème où on organisait des repas pour déjouer les interdictions de se réunir pour faire de la politique.

Le vendredi, je cale deux ou trois bricoles avec Élise et Jérôme qui m’explique au passage qu’à la manif anti-pass du samedi précédent, il a lancé un appel qui a eu de l’écho et me voilà samedi matin à charger la carriole avec du matos pour un atelier « slogans et pancartes », plus quelques numéros papier de Libres Commères pour assurer la promo du canard et déclencher des vocations.

On s’est gentiment installé devant la Bourse du travail aux Arquebusiers. Au moment du pique-nique, on devait pas être loin d’une cinquantaine à deux pas du barbecue. Partage de salades, le cul dans l’herbe fraiche. Échanges de tranches de vie récentes avec des gens que, dans ma longue marche de militant local, je n’avais pour la plupart jamais encore rencontrés. Et là, première surprise, je suis tombé sur des personnes posées mais déterminées à ne plus s’en laisser compter par la propagande gouvernementale. Pas des habitués de la contestation ouverte puisque, je le répète, je ne connaissais pas la plupart d’entre eux. Le point commun à tous, c’est un ras-le-bol très fort vis à vis du système et une envie de désobéissance civile. Quand je dis système, cela recouvre aussi bien les autorités que l’opposition institutionnelle. Ça ressemblait décidément au début des Gilets Jaunes avec cette défiance générale sauf qu’il n’y avait pas de gilet jaune hormis quelques anciens du mouvement mais en civil. Car le dress code était le blanc, symbole de paix et de sérénité. J’avais d’ailleurs fait un effort vestimentaire en ce sens même si pour ceux qui me connaissent, la bienveillance est pas toujours ma tasse de thé. Bref la conversation est allée bon train, on n’a pas vu le temps passer. D’autres participants se sont pointés vers 14h00 et au final, il y avait bien 100 à 150 pèlerins à partir vers la ville pour la marche blanche. Je vous dis ça à la louche car les RG ne se sont pas pointés et on n’avait aucun professionnel du comptage sous la main.

Alors une marche blanche, c’est une manif non déclarée, sans parcours annoncé, qui circule dans la ville sans bloquer la circulation. On scande des trucs, on frappe des mains, ça reste bon enfant et l’idée, c’est de rallier à la cause les gens qu’on rencontre, pas de faire peur au bourgeois qui fait du shopping. Bon, je dois vous avouer que je suis resté pour garder le village. Mais y a des vidéos qui circulent sur la page FB de Vis la Joie. 

Au final, c’était une excellente manière de me remettre dans le bain dolois de la contestation positive. On n’a pas la force de frappe des métropoles avec des milliers de pélos dans les artères de la cité mais au niveau des échanges, la journée a été riche et fructueuse, et c’est peut-être ça qui compte. Personne n’est arrivé avec des idées toutes faites et arrêtées. Tout le monde sent bien qu’il y a une nouvelle chance à saisir et des choix à faire car c’est le moment même si aucun d’entre nous ne sait ce que tout ça va donner. C’est d’ailleurs la devise de la Septième Compagnie : « On sait pas où on va mais on y va ». On n’a pas eu le temps de faire tourner les ateliers qui étaient prévus mais c’est partie remise. Y a encore pas mal de flou dans l’organisation parce qu’un bureau a du mal à émerger. Personne ne tient trop à être la tête de proue, peut-être de peur de se montrer trop directif mais les initiatives ne manquent pas et l’idée du village de ceux dont on ne veut plus dans les « hôtels du pass » pourrait donner de belles choses. A l’heure où je termine cet article, doit se tenir une réunion pour organiser les prochains évènements. 

J’espère avoir décidé quelques nouveaux contributeurs à écrire pour nous. En tous cas, on a de nouveaux lecteurs. Les objectifs de Libres Commères et des Rendez-Vous de Vis la Joie sont finalement assez proches : être là où on ne nous attend pas, imprévisibles, difficiles à manipuler, optimistes mais pas crédules, critiques mais positifs. Proposer, plutôt que de s’opposer systématiquement.

L’esprit légèrement babos de la marche blanche n’a pas plu à certains membres du POI qui se sont barrés avant même le départ: leur colère est sans doute un peu plus rouge et orientée. Moi non plus la bienveillance n’est pas toujours mon fort mais je réserve mon venin à mes véritables ennemis. Ce samedi 14 août, ce petit bain de bonté m’a donné un bon coup de boost au moral. A suivre…

 


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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