Humeur

Subvertir les institutions bourgeoises

Publié le 03/01/2022 à 20:06 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 04m17s

Désolés mais nous n’avions pas le coeur à enguirlander les Commères comme l’an dernier: place aux Fleurs, elles sont d’ailleurs encerclées par un parc polaire en toc, laid à gerber et dont la banquise déjà mal en point se serait bien passée. Enfin, j’espère qu’à l’heure où on publiera cette édition sur le net, toute cette déco pimpante ne sera qu’un mauvais souvenir. Mais n’allez pas croire que ce bataillon de Communards (notre photo du mois), aussi funeste qu’ait été leur destin, ne soit justement pas un symbole d’espoir et de joie pour ce début d’année 2022 qui coïncide avec l’anniversaire de nos deux ans d’existence. 

D’obscur insurgé exécuté à 23 ans, Pierre Bourgeois est devenu, 150 ans après sa mort, l’heureux bénéficiaire d’une plaque odonymique qui commémore son parcours, certes bref mais fulgurant. Ce qui n’est pas le cas d’Augustin Jean Isidore Poiffaut, qui vécut de ses rentes de 1835 à 1912, à Remilly-les-Marais, sans que rien ni personne ne vienne fondamentalement bouleverser l’univers paisible et morose de ce bourgeois libéral pieusement capitaliste dont tout le monde se contrefout à juste titre.

Libres Commères a donc saisi l’opportunité de fêter dignement le retour à la mémoire collective de Pierre Bourgeois, ce jeune homme plus idéaliste que tous les candidats à la présidence de la République réunis. Y a pas de mal, me direz-vous! Il a aujourd’hui son square sous la fresque des Dolois, sa plaque amovible et son effigie en pied portative qui ressortiront à bon escient, ne vous inquiétez pas et comptez sur nous !

Au-delà de la farce, nous avons voulu contester l’exaspérant monopole que toute municipalité exerce sur le baptême des rues et des places, ainsi que sur le choix des méritants. Bien que proposé officiellement, Pierre Bourgeois n’avait aucune chance: le maire de Dole a des points de vue sur l’Histoire de France que je ne partage pas toujours et même rarement. Et encore, je suis magnanime. De plus, c’est toujours le pouvoir qui décide de la déco (voir la fresque des Dolois) et c’est gonflant à la longue. 

Il y eut tout de même un précédent dans cette même ville. Je passe sous silence l’éphémère Place du Moulin de la Sourdine baptisée ainsi le temps d’un Week-end Gourmet du Chat Perchant. Ça avait tout de même une autre gueule que « place de la sous-pref » qui nous rappelle pourtant tous les jours que Dole la jacobine fut punie au profit de Lons passe-moi le sel !

Je veux parler de la Fontaine des Lépreux qui n’a hérité de ce nom que dans les années 1970 à la suite d’un canular qui a eu la postérité qu’on lui connait encore de nos jours. La rumeur a bénéficié de complicités, on compte donc sur la vôtre pour que le Square Pierre Bourgeois devienne lui-aussi réputé et pérenne. 

La gageure jusqu’à présent victorieuse peut paraitre bien dérisoire au vu de toute la merde noire qui se déverse sur nos tronches. Les loups font un massacre dans la bergerie et les moutons en redemandent. Ils en redemandent faute de perspectives palpables (on va éviter de parler d’idéal !) et d’idées réjouissantes. Résignés à jouir de la laine qu’il leur reste mais que les opportunistes au pouvoir continueront à leur manger sur le dos.

Il ne nous suffira pas d’être dans la contestation et le refus. C’est bien de le faire et d’être quelque part la mauvaise conscience des bénis oui oui. Mais c’est une tactique qui nous laisse dans la riposte, alors que nous avons besoin de stratégie au long court et de repasser à l’initiative.

Bien évidemment la bourgeoisie a les manettes bien en main. Vous avez vu le théâtre, attendez-vous à l’année Pasteur ! On va en prendre du vaccin à tout vax à tel point qu’on se cherchera un bout de fesse encore vierge pour s’y coller un patch d’esprit critique. Mais rassurez-vous, Libres Commères ne vas pas s’attaquer de front à la pasteurisation de Dole. L’artillerie lourde sera de sortie et on n’est pas de taille. Et puis on n’a rien contre Louis Pasteur. Juste un poil de fiel contre le chauvinisme dont on l’entoure. 

Sauf que l’année prochaine, nous fêterons le 140ème anniversaire de la découverte du mycobacterium tuberculosis, autrement dit le bacille de Koch, par le Robert du même nom, un Allemand pure souche. La tuberculose a depuis très sérieusement reculé même s’il en existe encore une forme latente qu’il ne faudrait pas négliger alors que la rage sévit plus que jamais à tous les étages de la fusée néolibérale, dans les salons de l’Élysée et dans les conseils d’administration des labos pharmaceutiques.

On va donc s’armer d’humour et de patience, j’ai presqu’envie de parler de sagesse léniniste pour faire grincer des dents les sociaux-démocrates qui nous lisent. Saper les fondements des institutions libérales en les attaquant là où la bourgeoisie se croit invulnérable, l’argent, la libre-entreprise, le pouvoir économique, l’hégémonie médiatique, l’anthropologie. Pas pour les contester de front mais afin de les subvertir et se les réapproprier. 

On peut faire une croix sur le Grand Soir et les lendemains qui chantent. Les Jours Heureux se ramassent à la petite cuiller. Mais il reste un peu de lumière au milieu de tous les monstres qui surgissent du néant idéologique. Je nomme cela communisme et ce n’est pas Pierre Bourgeois le Communard qui me contredira. En 72 jours à Paris, sous la mitraille réactionnaire, la France ne fut jamais si socialement inventive. A nous de jouer!




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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