Mode sombre

Samedi 11 février 2023, les manifestations s’enchaînent, les Français sont très nombreux dans la rue. Emmanuel Macron veut imposer la retraite à 64 ans. Les raisons de manifester ne manquaient pas depuis son élection, mais ceci est juste la goutte de trop. Les discussions fusent parmi les manifestants, la colère est là, présente, palpable, devant l’indifférence et le mépris du gouvernement. L’inquiétude de l’avenir est grande. La précarité est à son comble. Comment tout ceci va-t-il finir ? Quel pays va-t-on laisser à nos enfants ? Je discute avec un couple d’amis, ceux-ci sont surpris par le silence qui règne sur le cortège. Les visages nous semblent tristes, fermés, résignés. Nous avons été conviés au rond-point de Parcey pour rencontrer d’autres manifestants qui souhaitent voir cette mobilisation faire l’effet boule de neige. J’avoue, je suis sceptique, l’extrémisme m’inquiète. J’étais commerçante en 2018 et j’ai subi de plein fouet les retombées des blocages de l’époque. Du plus loin que je me souvienne, je suis toujours descendue dans la rue pour manifester mon désaccord, mais je n’ai jamais bien compris où était l’intérêt d’empêcher de faire ses courses à la personne qui n’a que son samedi pour le faire, ni celui de faire péricliter le petit commerçant qui en bave pour payer ses cotisations. Je suis donc comme on dit, le cul entre deux chaises, pensant qu’il faut que les Français réagissent, tout en craignant les conséquences des débordements.

Nous sommes accueillis très chaleureusement à Parcey. La discussion s’engage avec un ancien gilet jaune qui souhaite continuer la lutte sans pour autant porter le gilet, pensant que le trop plein d’enthousiasme de certains a nui à l’image du mouvement. Cet état d’esprit me convient, j’ai en face de moi une personne déterminée et engagée, mais raisonnable et réfléchie. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faudrait donner envie à chaque citoyen de suivre le mouvement, et pour ça, il nous faut éviter les étiquettes. Les samedis suivants, il tente d’expliquer à chaque personne sa position concernant les gilets fluos, comme les banderoles des partis et des syndicats. La quasi-totalité dit comprendre et accepter la neutralité. Quelques-uns partent en colère et crient à la dictature, puisqu’on leur donne des ordres, disent-ils, en les empêchant d’affirmer leur mouvement d’appartenance.

Les désormais habitués du rond-point sont attristés pas ses réactions et ne comprennent pas ce qu’ils voient comme un refus de laisser s’intégrer Monsieur et Madame tout le monde, en restant neutre pour ne pas desservir la cause. Pour autant nous comprenons la déception des personnes qui se sont beaucoup impliquées ces dernières années, et qui ont l’impression que nous voulons faire table rase de toutes leurs actions passées. Mais après de nombreux partages et explications, les rangs grossissent et malgré nos différences, l’ambiance et bonne et nous pouvons échanger sur nos visions des choses et préparer les actions à mener. 

La vision que j’ai de ce groupe est la suivante :

- C’est un ensemble de personnes qui souhaitent s’engager pour une cause commune, refuser la loi du marché qui mène à la précarité l’immense majorité des citoyens.

- Ce sont des personnes qui sont prêtes à passer à l’action, sans suivre l’exemple de violence que nous impose le gouvernement. Elles souhaitent voir des opérations qui se multiplient, des groupes de citoyens partout, qui reprennent le contrôle de leur vie.

- Ce sont aussi des personnes qui ne souhaitent ni casser, ni dégrader (de toutes façons, ils rachèteront avec le montant de nos impôts), mais qui refusent que le gouvernement leur impose l’endroit et le moment où ils auront le droit de manifester leur désapprobation et qui entendent bien le faire savoir, et résister.

- C’est aussi un groupe qui prépare des actions qui dérangent le plus possible Emmanuel Macron et ses copains, mais le moins possible les habitants. Toutes les bonnes idées allant dans ce sens, sont donc bonnes à prendre.

Des personnalités très différentes et donc merveilleusement complémentaires sont présentes. Personne n’a envie de prendre la tête du groupe, et c’est une bonne chose je pense, celui-ci reste libre et chacun peut s’impliquer dans chaque action s’il le souhaite et seulement s’il le souhaite, rien n’est imposé. Certains se sentent à l’aise pour parler aux journalistes, d’autres pour assurer la communication sur d’autres terrains, avec la police si besoin, certains préfèrent l’organisation des manifestations et autres actions. 

Nous sommes tout de même surpris dans le groupe, par la différence entre le nombre de personnes qui se disent horrifiées par la tournure que le gouvernement essaie de donner à nos vies, et le peu de personnes qui semblent vouloir s’impliquer en dehors des promenades syndicales organisées. 

Une journaliste m’a dit il y a quelques jours : « Vous avez quand même la chance de pouvoir vous exprimer », ce à quoi j’ai répondu : « Non, je ne peux pas vous laisser dire ça, en France aujourd’hui on ne peut vraiment s’exprimer que si on ne craint pas de perdre une main ou un œil ». Bizarrement, l’interview en question n’a pas été publié par le canard en question, comme quoi !!!

Il est vrai qu’en bloquant une route ou en défilant sur un parcours prédéfini, on ne risque pas grand-chose, alors qu’en défiant l’autorité dans des villes qui sont aujourd’hui criblées de caméras, c’est plus compliqué et ça fait peur. Le gouvernement a joué avec ces peurs sur de nombreux sujets et ceci s’est retourné contre nous. La peur du méchant virus, en nous confinant nous a coupés les uns des autres et de notre volonté de faire face tous ensemble. La peur des antivax, potentiels assassins à combattre, nous a divisés au sein même de nos familles. La délation envers ceux qui osaient se réunir malgré le confinement nous a amenés à nous méfier de nos propres voisins. Les caméras qu’on a acceptées par peur des agressions, nous empêchent aujourd’hui de sortir du cadre par peur d’être filmés. Notre légitime colère qui va finir par nous faire imploser ne s’exprime pas par peur des violences policières.

J’entends et je comprends ces peurs, mais je reste persuadée que les mouvements doivent s’amplifier, les actions s’enchaîner, mais surtout que les citoyens doivent s’unir. Je fais la triste constatation avec les amis impliqués dans des mouvements politiques, syndicaux ou autres, que la défense de la cause compte moins pour certains que l’égo de leurs dirigeants. Les guéguerres internes finissent par épuiser toutes les bonnes volontés, chacun à son niveau refusant de voir qu’on marche moins bien après s’être tiré une balle dans le pied.

Si vous souhaitez nous rejoindre ça se passe sur le rond-point de Parcey tous les samedis à partir de 14h00. On apporte du café ou un gâteau à partager pour ceux qui le souhaitent, mais on vous l’offre aussi avec plaisir. On discute, on s’informe, puisque c’est une évidence, un peuple instruit ne sera jamais soumis. Mais surtout on s’amuse parce que le PIB, c’est bien gentil, mais sur le rond-point notre Bonheur Intérieur Brut nous semble primordial.

Le 7 mars, on sera à la manifestation, en tant que citoyens libres et responsables de leurs actes.

Le 8, mouvement féministe d’ampleur dans tout le pays pour défendre la cause de celles qui sont encore moins payées que leurs collègues masculins et qui souffrent plus encore de la précarité.

Avant le 7, nous nous mobilisons activement, rejoignez-nous si vous le souhaitez.

Après le 8, on lâche rien !!! 

Et pour finir si vous ne souhaitez pas nous rejoindre dans ce groupe, mais que vous vous mobilisez à votre niveau et selon les convictions qui sont les vôtres, ce choix vous appartient, respect et solidarité !

Mélusine du Rond-Point

Le mot de la rédaction: Ce texte est paru pour la première fois dans la version papier du journal d'où ces dates périmées. Reste qu'on a rendez-vous au rond-pont de Parcey, sur celui d'Innovia, à Ranchot et pour la première fois sur le rond-point des Épenottes où il faudra du monde toute la journée du mercredi 15 mars pour tenir. Et si ça marche, on remet ça le 16. 


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