Écologie

C’est le nain qui cache la forêt!

Publié le 26/12/2023 à 11:29 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 05m17s

Repenti du Front de Libération des Nains de Jardins (FLNJ) depuis une vingtaine d'années, Saturnin est, aujourd’hui, taxidermiste et thanatopracteur. Il revient sur cette période faste et pleine de sens de sa vie. En toute nain timité!

Saturnin, pouvez-vous nous présenter le Front de Libération des Nains de Jardin?

Le FLNJ est un mouvement qui défend l’essentiel de l’humanité mais il reste assez occulte car il souhaite conserver un certain secret autour de son activité. Son but est de libérer les nains présents dans les jardins pour les rapporter dans leur milieu naturel: la forêt. J’en ai libéré des centaines en deux années de service dans le Doubs avec six autres camarades. Cela représentait pour moi une mission profonde. Je suis assez fier d’avoir participé au sauvetage de cette population.

Quelles actions meniez-vous au sein de ce groupe?

Appartenir à ce front, c’est comme faire une chasse au trésor. Tu fais du repérage et à la nuit tombée, tu prends ton courage à deux nains et tu te rends dans les jardins fléchés pour récupérer les nains et les apporter à la forêt voisine. La tâche n’est pas toujours aisée car il faut savoir que les nains finissent souvent par se lier d’amitié avec leur agresseur et oppresseur. Le fameux syndrome de Stockholm… Pour autant, ils ne se débattent pas trop quand on commence à leur parler. Ils comprennent assez vite que ce qu’ils vivaient n’était pas sain. Être maltraité à “coup d’herbes de tonte dans la gueule” ne te fait pas appartenir à une famille. Même si c’est douloureux pour eux, ils comprennent facilement qu’ils méritent mieux et que ce mieux ne peut être qu’ailleurs!

Ne sont-ils pas considérés comme des esclaves modernes?

A partir des années 70-80 au moment où on a commencé à laisser nos colonies, certains propriétaires ont cherché de nouveaux souffre-douleurs car la nature a horreur du vide. Son physique désavantageux: petit, gros, souvent avec des déformations, faisait souvent de lui la cible idéale! D’ailleurs, Fritz Friedmann, président de l'association de protection des nains de jardins qui en possèdent 1200 exemplaires soulignent: “Les pires ennemis de nains de jardin sont les hommes et les animaux errants”.

Est-ce que votre action permettait de préserver une démographie naniste?

Oui, parfaitement, et même j’irai plus loin sauver l’humanité, nous respirons nains, nous vivons nains, nous chantons nains: “eeeeeeeeeeeh ohhhhhhhhhhhh eh oh, on rentre du boulot!” On ne peut pas parler d’anthropologie si, à un moment donné, on ne parle pas de nanologie… On ne peut pas faire fi de l’existence de cette population et penser que l’humain est le seul sur Terre. Appelez les en allant en forêt, vous verrez, ils seront ravis de vous présenter la nature. Ils en sont les vrais défenseurs! Ils forment une société très ouverte, solidaire et qui ne stigmatise personne.

Pourtant, on parle de nains de jardins, jamais de naines de jardins, où sont-elles? Difficile de préserver la démographie entre nains, non?

En fait, des études ont prouvé que les naines de jardins attendent paisiblement dans la forêt, que les nains reviennent. Le nombre de familles qu’on a séparées… c’est terrible! Ce sont des petites mains qui attendent dans la forêt que le nain revienne après avoir été libéré. La naine de jardin, c’est toujours mieux que la naine de cheval, vous ne trouvez pas? Les remettre en forêt, c’est permettre la reproduction.

N’avez-vous jamais regretté la libération d’un nain?

Dans notre secteur, ça va. En revanche, les camarades de Neuilly ont totalement merdé. Dans les années 2000, ils ont libéré un nain pour le mettre dans le bois de Boulogne, une forêt loin d’être équilibrante. Ce nain pense pouvoir prendre le pouvoir, il se présente alors à l’élection présidentielle de 2007 et la remporte. On était scotché!

Pourquoi êtes-vous surpris par cela?

Bah, les nains ont une dynamique plutôt altruiste, de sauvegarde de la planète. Ils sont fortement portés par l’écologie. Ils sont beaucoup dans l’accueil contrairement à Darma Nain. Le nain ne comprend pas cette société capitaliste consumériste où ouvrir les commerces les dimanches de décembre participerait à la féérie de Noël… Les nains dans les jardins sont plutôt tristes, ternes et délavés, tellement ils ne comprennent pas cette société. La forêt, c’est leur environnement et ils y retrouvent de belles couleurs. Ils vivent la sobriété heureuse prônée par feu Pierre Rahbi. On ne peut pas dénaturer des personnes à outrance et tout le temps comme ça. Il y a le nain sauvage et le nain d'élevage, on se rend quand même bien compte que le nain d’élevage est vachement moins intelligent que le sauvage.

On peut dire que vous avez été un libérateur au bon cœur?

C’est ce que m’a écrit récemment Dobby, un nain que j’ai libéré. Il est maintenant installé en forêt de Conches-en-Ouche dans l’Eure*, un vrai paradis pour les nains de jardin en pleine expansion. Au dernier recensement, 200 unités étaient dénombrées. Accueillis par Souriceau, le premier nain à avoir élu domicile dans cet éden, ils ont formé une vraie communauté proche de la nature.

Je me suis laissé dire que vous aviez désormais votre propre nain de jardin. Est-ce que vieillir nous fait remettre en perspective nos convictions?

Oui, c’est vrai, j’ai un nain désormais. Il m’a été offert. Je vis en appartement mais il est installé dans ma petite jardinière extérieure. Il a permis de faire pousser des pieds de tomate spontanément sans intervention humaine: une sorte de chamane nain. Ce nain, nous apporte beaucoup de bonheur. Je discute avec lui, ce n’est pas sa place ici, il me l’a dit mais je lui ai demandé s'il voulait retourner dans la forêt et pour l’instant il ne le souhaite pas. (NDLR: Le fameux syndrome de Stockholm! On y est encore, ;-)) On a alors un pacte tous les deux et dès qu’il le souhaite, il retrouve son milieu naturel.

Ne pensez-vous pas qu’ils ont été détrônés par les bonhommes pot de fleurs?

Oui, c’est probable avec les rennes de Noël mais bon, cette espèce est dans son milieu naturel. Ses représentants semblent tellement niais. Il n’y a selon moi aucun intérêt ni sociétal ni écologique de sauver le bonhomme pot de fleurs. En revanche, je trouve qu’il y a une grande prise de conscience écologique de l’humain de réduire le nombre de nains de jardins, on ne pouvait plus maltraiter comme ça ces petits êtres.

Phanthom.

* C’est lors d’un footing que le maire de Conches est tombé par hasard sur cette installation sauvage. Il en a profité pour libérer son propre nain. Il a alors impulsé une politique volontariste de libération de nains dans la vallée du rouloir. Pour préserver leur tranquillité, le lieu précis n’est pas trouvable sur les GPS ni à l’office du tourisme du village mais existe bel et bien.




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