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Que Navalny repose en paix, et que vive Assange !

Publié le 18/02/2024 à 16:48 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 05m02s

Si on ne peut que déplorer la mort d’Alexeï Navalny, ne serait-ce que parce que c’était un être humain encore jeune, un fils, un époux et un père, je m’étonne de ne pas voir et entendre la gent politique occidentale et les médias mainstream dépenser autant d’énergie pour réclamer la libération de Julian Assange à peine plus âgé et aussi injustement emprisonné que l’avocat russe. L’empressement avec lequel certains accusent sans preuve irréfutable Vladimir Poutine de s’être définitivement débarrassé de celui que ces mêmes observateurs atlantistes aimaient à voir en rival du président russe autoritaire prouve une fois de plus le manque de recul, d'objectivité, de lucidité, de sérieux d’une bonne partie de tous ces journalistes victimes de la bêtise, l'inculture, la paresse intellectuelle et le conformisme ambiants. Cet empressement pavlovien à dénoncer sans attendre d'avoir davantage d'éléments factuels est symptomatique d'un manque de rigueur dans la mission des journalistes de fournir des informations aussi fiables (et neutres) que possible pour que les citoyens puissent se faire leur propre opinion, et qui confine à la propagande.

Si on ne peut que comprendre la réaction émue de Yulia Navalnaya qui estime que Poutine doit être « tenu personnellement responsable » et « puni » pour les atrocités commises contre son époux, on peut s’interroger sur l’intérêt qu’aurait eu le président russe à liquider Navalny (comme le prétend l’intarissable et onéreux Volodymyr Zelensky) qu’il pouvait s’il le voulait réduire totalement au silence comme le Royaume-Uni le fait si bien avec Julian Assange, d’autant que la récente interview avec Tucker Carlson avait bigrement joué en faveur du maitre du Kremlin qui sait mieux que quiconque que les médias de masse occidentaux se lassent très vite de tout, surtout si les victimes n’appartiennent pas au bon camp : Navalny aurait disparu des radars médiatiques à la faveur des élections américaines, d’un ouragan nommé Désiré(e) ou d’une vague de grippe avant la fin de l’hiver. Les conditions de détention de Navalny ne sont sûrement pas étrangères à la mort définitivement suspecte de l’opposant. C’est clair. Mais la presse du « monde libre » se montre beaucoup moins tatillonne sur les conditions de détention de Julian Assange ou la fermeture du centre américain de Guantánamo. 

A qui aurait bien pu profiter ce crime si crime il y avait ? 

Visiblement, la mort de Navalny embarrasse les autorités russes qui cafouillent un peu sur ce coup-là. Peut-être n’étaient-elles simplement pas prêtes à cette morte subite et vraisemblablement pas planifiée. En revanche, je salue ici l’incroyable réactivité de Laurent Marchand, un éditorialiste de Ouest-France (édito publié le 16 février 2024 dès 17h28) que j’ai connu plus critique dans ses jeunes années universitaires: « L’incroyable résistance morale et physique de cet homme (NDLR: Navalny, pas Assange, faut pas rêver), même dans les pires conditions de détention dans le camp en Sibérie où il avait été transféré, en faisait le symbole ultime de la résistance à la dictature. Sa mort est un choc. Elle nous dit que l’espace de résistance possible dans la société russe est désormais proche du néant. Où placer le curseur de l’autoritarisme de Poutine ? “ Quelque part entre Brejnev et Staline ”, nous dit un opposant. C’est-à-dire entre la répression systématique et la terreur absolue. Poutine est sur une voie sans retour et ses complices un peu partout, en France aussi, nous ont beaucoup nui. Difficile, dans ce contexte, d’aider la société civile russe qui rêve de liberté, mais à l’aune de cette dérive, c’est la résistance ukrainienne qu’il faut soutenir. Sans ambiguïtés. » Et voilà le travail! Qui n’est pas avec nous est contre nous! Qui ne condamne pas en bloc l’odieuse agression russe et le totalitarisme poutinien en est le complice ! Qui n’invoque pas la sacro-sainte universalité des Droits de l’Homme à tout bout de champ appartient au camp du mal et de l’oppression! Qui ne prône pas l’ingérence au nom de la morale est un traitre! Bref, ce courageux Laurent Marchand qui doit avoir un an de plus que moi et qui n’a donc aucune chance (ni le physique si j’ai bonne mémoire) d’aller mourir au front est prêt à sacrifier encore un peu plus la jeunesse ukrainienne, et sans doute bientôt celle de nos soldats, au nom d’une résistance à la dictature du Popov suprême et d’un idéal de liberté « forcément partagé par tous les citoyens du monde ». 

Non, décidément, on a vraiment besoin que tous ces va-t-en-guerre de salon ferment définitivement leur gueule et arrêtent de défendre les intérêts des marchands d’armes, que les vrais diplomates français soucieux de leur pays enferment Séjourné dans les toilettes et Macron dans l’armoire à pharmacie de Von der Leyen et retrouvent le chemin de la table des négociations internationales. Poutine n’est ni un saint ni le diable, ni un démocrate ni un stal, ni un crétin ni un dingue. Poutine est un homme d'État avisé qui défend les intérêts de la nation russe et veut lui redonner un poids international, chose qui peut sembler tout à fait étrange et baroque dans un pays dirigé par un macron eurolâtre. C’est donc un interlocuteur valable quoi qu’on en pense et s’il défend des positions contestables, ce n’est pas en lui prêtant des projets d’invasion délirants qu’on arrêtera la guerre.

La population actuelle de la Russie est de 144,1 millions habitants avec un taux de croissance annuel négatif de -0,33 % et un immense territoire. Les pays de l’UE, c’est 448,4 millions d’habitants (plus de trois fois plus), avec des dirigeants certes incapables de s’entendre sur la taille des écrous de Meccano mais qui ne demanderaient qu’à faire vibrer la fibre patriotique contre les barbares venus de l’Est. Quant à l’Otan, c’est tout de même 952,7 millions de personnes et l’armada la plus puissante du monde. 

Il nous reste donc à réclamer inlassablement la paix et à exiger de ceux qui nous servent de dirigeants d’arrêter de faire les pitres à Munich. Il est un peu tard pour jouer les gros bras. Les États-Unis, l’OTAN et l’UE ne détiennent plus aucune solution-miracle. Le monde unipolaire est mort. Il faut maintenant accepter que tout ce qui ne nous ressemble pas n’est pas nécessairement diabolique et animé des pires intentions à notre égard. Et il faut surtout admettre au plus vite que les faux-amis de la France, américains, britanniques ou allemands sont plus fourbes et prêts à nous trahir que la plupart de nos prétendus ennemis. Julian Assange est en prison pour l’avoir révélé.




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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