Une moisson de médailles pour la France
Déjà trois médailles ont été attribuées dans le précédent numéro des Commères (NDLR: cet article est paru dans le numéro d'avril) et j’avais craint de ne pas pouvoir tenir au-delà dans cette distribution de breloques qui, si elles sont en chocolat ou autre matière incongrue, n’en sont pas moins méritées. Et j’avais tort parce que pour cette nouvelle livraison, j’avais l’embarras du choix. Quelle belle formule, l’embarras du choix… elle dit bien mon embarras face à l’absurdité et l’anachronisme de cette manifestation hors sol.
A tout seigneur, tout honneur, et la première médaille revient à Tony Estanguet, président du COJO, entendez « Comité d’organisation des Jeux olympiques ». Tony Estanguet souhaite que les Jeux olympiques soient une trêve. La trêve olympique dans la Grèce antique voulait que les cités participantes déposent les armes et cessent de se chamailler le temps de s’affronter sur les stades, et aussitôt la flamme éteinte, hop les athlètes reprenaient épées et lances, enfilaient casques et poitrails et retournaient à la guerre. Il est même allé au siège de l’ONU pour proposer une résolution qui impose cette trêve de manière à ce que Russes et Ukrainiens, Israéliens et Palestiniens puissent participer (et pour le baron Pierre de Coubertin, c’est plus important que gagner) avant de se mettre à nouveau sur la tronche à coups de missiles et de balles explosives. Il va même plus loin, le président du COJO, ou plus près si on veut puisque cette fois c’est en France, il propose une trêve sociale, c’est-à-dire que les revendications sociales n’empêchent pas la « fête » de se tenir dans des conditions optimales. Le gouvernement a immédiatement salué cette belle initiative en annonçant de nouvelles pressions sur l’indemnisation des chômeurs qui vont sans aucun doute respecter la trêve et attendre septembre prochain pour manifester leur contrariété. Des idées hors sol, alors que notre Guide suprême est lui-même hors sol depuis 7 ans, cela mérite une médaille de fumée.
Une médaille en papier est réservée à l’hebdomadaire l’Express, mais j’hésite entre papier journal et papier cul. Derrière de grandes enquêtes sur le « coût caché des jeux olympiques » ou les « trois plaies des JO », façon Mediapart de droite, se cachent ce que certains appellent des informations alors qu’elles dégagent une odeur nauséabonde. Car c’est l’Express qui a “révélé“, je cite, « Aya Nakamura chantant Piaf : les exigences secrètes d'Emmanuel Macron pour les JO 2024 », ce dont s’est emparé tout ce que la droite et l’extrême droite compte de plus rance et de plus raciste. C’est aussi l’Express qui a lancé la polémique sur la piscine de Saint-Denis qui sera trop petite pour les courses en ligne et qui nécessitera une piscine démontable dans un stade de rugby. Pour l’heure je ne sais pas si le COJO improvise ou si une piscine gonflable dans un stade est une idée révolutionnaire prévue depuis longtemps. On va donc attendre pour définir la nature du papier de la médaille, mais je penche déjà pour… bon on verra, pas de procès d’intention.
Je parlais d’embarras du choix et je cite rapidement une entreprise au marketing audacieux qui vend des mugs sérigraphiés « Viens tirer un coup à Châteauroux » pour célébrer la ville qui va accueillir les épreuves de tir ; les rochers apparus mystérieusement en bord de Seine qui ne sont pas là pour empêcher les clochards, drogués ou autres indésirables de s’y installer mais qui vont fort opportunément quand même jouer ce rôle ; la référence pleine d’avenir citée par le Guide suprême qui veut que les Jeux olympiques soient aussi importants que l’exposition universelle de 1889 poussant le symbole jusqu’à mettre un bout de ferraille de la tour Eiffel au centre des médailles, entendez celles distribuées par le COJO.
Mais j’ai choisi Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques pour la troisième médaille du jour. En effet, la ministre est sous le coup d’une plainte pour diffamation déposée par Noël le Graët qu’elle avait accusé de harcèlement alors que cette affaire est toujours en cours d’instruction. L’ancienne directrice de la Fédération française de tennis, visée par un rapport sur son salaire exagérément élevé, qui s’en prend à l’ancien président de la Fédération française de football visé par un rapport qui l’accuse de harcèlement, c’est à mourir de rire. Attention, chères lectrices et chers lecteurs, ils sont l’une et l’autre mis en examen dans des affaires différentes, et sont présumés innocents, me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit… Comme on est en pleine franchouillardise et que ses initiales sont AOC, Amélie Oudéa-Castéra recevra une médaille de camembert.
Au train où ça va, je crois qu’il y aura de quoi distribuer bien d’autres médailles avant le mois d’août, et peut-être même au-delà.
En attendant les dieux du stade, gloire à notre Guide suprême et à ses caprices Ò (des dieux).
À propos de l'auteur(e) :
Jean-Luc Becquaert
Né dans une famille aimante et néanmoins de droite, j'étais destiné à une (brillante) carrière de DRH ou de responsable qualité dans la grande distribution. Ma rencontre à 18 ans avec l’éducation populaire dans une cave du XVIIIème (siècle) transformée en théâtre m’a définitivement détourné du libéralisme. Aujourd’hui, mon seul point commun avec Jacques Chirac, c’est le goût de la bière et de la tête de veau.
Anarchiste touche à tout et promeneur solidaire.
Retrouvez tous les articles de Jean-Luc Becquaert