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Le conflit russo-ukrainien vu par un ex-directeur de la DST

Publié le 17/09/2024 à 17:47 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 05m56s

Je n’ai pas l’habitude de relayer les écrits de nos ennemis politiques. Il faudrait être un peu con et franchement masochiste pour répéter en intégralité les mensonges imbéciles d’un Bruno Le Maire sur le départ ou d’un Laurent Wauquiez qui fait sa rentrée. Mais je suis tombé tout récemment sur une note d’Yves Bonnet, publiée dans Cf2R, le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. C’est pas des rigolos et Bonnet n’est pas un plaisantin. Il a été à la tête de la DST sous Mitterrand entre 1982 et 1985 et après avoir longtemps fréquenté l’UDF, il est passé au RN. Si vous vouliez donc tirer sur le messager, c’est trop tard. C’est fait. 

La note est consultation libre et en téléchargement gratuit sur Cf2R. Mais je vous en livre les meilleurs morceaux au cas où. Bonnet commence par retracer l’histoire des relations entre l’Ukraine et la Russie, et surtout la duplicité américaine: « à partir de 2014, les provocations se multiplient dont la première et la plus grave est le coup d’État de Maïdan financé par Washington, comme l’ambassadrice Victoria Nuland s’en vantera - avançant le chiffre de cinq milliards de dollars pour son financement -, avec la complicité de la National Endowment for Democracy (NED) ; la seconde, qui passe inaperçue est le blocage de Southstream au niveau de la Bulgarie. Il s’y ajoute l’interdiction provocatrice de la langue russe dans les provinces de l’est de l’Ukraine. » 

Les USA n’ont de cesse de fomenter des révoltes contres tous les régimes arabes favorables aux Russes (Irak, Libye, Syrie). Poutine sauve la mise « Bachar el Assad, dernier bastion contre l’État islamique ». 

Plus loin:  « En fait, deux faits importants se font jour qui vont apporter un éclairage nouveau aux désordres qui commencent dans la péninsule : les Etats-Unis comme l’Allemagne et la France feignent d’ignorer que les désertions sont nombreuses au sein de l’armée ukrainienne, peu disposée à participer à des opérations de maintien de l’ordre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement issu du coup d’état de Maïdan fait appel à des milices - dont certaines ouvertement néo-nazies - pour réprimer les désordres. Des massacres sont perpétrés sur lesquels les médias occidentaux font silence comme ils l‘ont fait en Bosnie vingt ans plus tôt. 

Pour sanctionner la sécession de la Crimée, l’Occident réagit comme il sait le faire, par une recette éculée : l’embargo. Appliquée à Haïti, à l’Irak, à l’Iran, cette ignominie n’a d’autre conséquence que de multiplier les victimes de toutes sortes. A Bagdad, ce sont un million de d’Irakiens, femmes et enfants en premier, qui meurent au nom d’une morale plus que contestable, en fait le droit du plus fort. » Vlan! Je vous rappelle que c’est un ancien haut cadre du contre-espionnage français qui écrit. Mais il y a mieux.

« Des pourparlers s’engagent à Minsk sous l’égide de l’Allemagne et de la France qui aboutissent à des accords garantis par les deux pays « neutres ». Confirmation en sera donnée en 2022 par l’ex-chancelière Merkel et l’ancien président Hollande qui précisent que la signature des deux pays européens n’était qu’une ruse de guerre destinée à donner à l’Ukraine les délais nécessaires à son réarmement. Un tel aveu pèse très lourd car il vient écorner l’idée reçue d’une agression gratuite de la Russie en 2022. De même, le 17 février 2022, Kiev déclenche une action militaire afin de reconquérir les républiques de Donetsk et de Lougansk, sachant pertinemment que Moscou ne peut rester sans réagir. Cela s’appelle un piège. Cela est machiavélique dans la mesure où, d’octobre 2021 à février 2022 la Russie a pris garde à ne provoquer aucun incident en dépit de la multiplication des vols et des patrouilles maritimes à proximité immédiate de leur territoire.  Les bombardements s’intensifient sur les provinces orientales de Donetsk et de Lougansk qui se sont érigées en républiques autonomes (16 000 morts en sept années de 2015 à 2022). Il faut également se référer à la déclaration de l’ambassadeur de Russie auprès de l’ONU du 11 novembre 2021 aux termes de laquelle la « Russie n’a jamais planifié l’invasion de l’Ukraine et que cela ne se réalisera jamais à moins que nous ne soyons provoqués par l’Ukraine ou par quelqu’un d’autre et que la souveraineté nationale de la Russie ne soit menacée ». Pour sa part, Serguei Lavrov, chef de la diplomatie, n’exclut pas que Kiev se lance dans une aventure militaire dans le Donbass. Ce sont des faits passés sous silence par une presse occidentale qui a décidé d’accuser son chien de la rage pour le tuer. Logiques jusqu’au bout, les Etats-Unis vont saboter le gazoduc NordStream afin de rendre définitive la rupture de la relation de l’Europe et singulièrement de l’Allemagne avec la Russie, puis organiser le soutien logistique, militaire et financier à l‘Ukraine. Ils vont jeter sur un plateau de la balance le formidable instrument de propagande que sont leurs médias. Les similitudes sont nombreuses entre la crise ukrainienne et la préparation de l’invasion de l’Irak en 2003 sur laquelle les médias passent sans honte : les Américains ont construit une menace qui n’existait pas avec les conséquences que l’on connaît. » 

Bonnet prend bien soin d’insister sur le 17 février: « Le 17 février 2022, Kiev déclenche une action militaire afin de reconquérir les républiques de Donetsk et de Lougansk. Cette attaque est lancée avec le soutien de l’OTAN. Les médias occidentaux n’en soufflent mot et attendent sans doute une réaction de la part de Moscou. Ils ne sont pas déçus. Le président Poutine qui, sans doute, n’attendait que cela pour satisfaire au devoir d’assistance des provinces oubliées de l’est ukrainien, franchît le Rubicon, en l’occurrence le Dniepr, et s’enfonce en territoire ukrainien. Il devient l’agresseur, aux yeux du monde entier : ses justifications n’y changent rien, surtout quand elles s’adressent à une opinion occidentale prémunie. Les Américains ont gagné la première manche. » Vous avez bien lu : l’Ukraine engage une action militaire d’envergure 5 jours avant la riposte russe. 

J’espère que ça vous a donné envie de lire la note dans son intégralité: ça se lit comme un récit d’aventure. Bonnet a la plume captivante. Je ne résiste cependant pas à la tentation de vous livrer sa conclusion: « S’il fallait vraiment prendre la direction de la paix, la route en serait quasi impossible : dissolution de l’OTAN, rétablissement de la relation gazière, prise de distances avec les États- Unis. Qui y serait prêt ? Sûrement pas ceux qui ont la mémoire courte, oublient ou minimisent leurs propres turpitudes, se montrent méprisants dans la victoire, incapables dans la défaite. Et, par-dessus tout, injustes au regard de l’Histoire. 

Deux rappels à cet égard :

- Le général Schmitt, chef de l’état-major des armées (CEAM) me confiait un jour durant la guerre de Yougoslavie, quand il était de bon ton d’accuser la Serbie de tous les crimes et d’absoudre les troupes d’Izetbegovic’ de toute exaction, que « dans les guerres civiles, les responsabilités et les forfaits se répartissent équitablement ».

- Nulle nation, nulle organisation internationale n’est qualifiée pour administrer des leçons de morale ; quand on s’indigne du sort de M. Navalny, on ferme les yeux sur celui de M. Assange. A la vérité, la seule règle qui prévale est celle du droit du plus fort. Les Américains le savent mieux que tous autres. »

Le texte date de mars et aux dernières nouvelles Bonnet est toujours en vie. Je vous remets le lien et dorénavant, je ne parlerai plus du conflit ukrainien ou de Poutine avec quiconque qui n’aurait pas lu cet article.  




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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