Un festival du film palestinien en 2024 ? Chapeau, Mesdames !
Ce jeudi 17 octobre, à 19h30, au cinéma Majestic, on inaugure Palestine au coeur, le 22ème festival du film palestinien de Dole. Les organisatrices ont réussi non sans mal à dénicher deux films et à organiser une exposition. Un vrai tour de force par les temps qui courrent. Libres Commères est allé leur demander comment elles s’y prennent. Le festival Palestine au Coeur est conjointement organisé par le Réseau pour une paix juste au Proche Orient et par la MJC, une tâche pas vraiment facile à assurer d’autant que depuis un an les choses se sont sérieusement corsées avec la détérioration de la situation géopolitique. « Il y a eu tout de même au cours de l’année plusieurs sorties de films palestiniens, que je consigne pour les proposer au réseau, explique Marianne Geslin, la programmatrice à la MJC, la plupart bien sûr produits avant le 7 octobre 2023. Nous regardons également la programmation dans d’autres coins de France qui proposent des événements autour du cinéma palestinien. Nous nous réunissons fin juin pour en parler. Nous avons donc regardé plusieurs films avant d’arrêter notre choix. Le projet « From Ground Zero » s’est imposé d’emblée : cela force le respect de parvenir à réaliser des courts métrages alors qu’on lutte tous les jours pour sa survie. Ce projet qui rassemble 22 courts métrages en deux parties d’une heure nous permet de prendre conscience du quotidien infernal des Gazaouis depuis un an. C’est une véritable journal de bord en temps de guerre. Et c’est le point de vue de civils ordinaires mais pour qui le cinéma est un moyen de survie aussi : pouvoir s’exprimer à travers les images et les sons, donner son point de vue, permettre que leur réalité nous parvienne à nous, occidentaux, mais surtout créer envers et contre tout, c’est aussi un acte de résistance, d’accomplissement. On vous recommande chaleureusement de venir voir ces films qui malgré la dureté n’oublient jamais la poésie, et même parfois l’humour et nous éloignent des informations spectaculaires. » Dimanche 20 octobre, entre les deux parties du documentaire le cinéaste Rasmi Damo sera présent. « La production du film From Ground Zéro l'a sollicité car il assure également la promotion du film, précise Laurence Bernier, présidente du Réseau, il était la semaine dernière au festival du film arabe en Algérie. Il travaille en lien avec le réalisateur-producteur Rashid Masharawi dont nous avions projeté plusieurs films notamment "L'anniversaire de Leila", « Attente". Et nous connaissions Rasmi, qui avait été invité à notre festival de 2018 à son arrivée de Gaza en Franche Comté. Il est ravi de revenir au Festival de Dole et vit actuellement à Besançon. » La Palestine étant coupée en deux, la programmation de Palestine au Coeur s’efforce d’assurer l’équilibre. Gaza d’un côté, la Cisjordanie de l’autre. « Le film « No Other Land », ajoute Marianne Geslin, que nous présentons en avant-première, le film sortira le 13 novembre, est aussi un tour de force : il a été tourné pendant 5 ans et est le fruit d’un collectif de jeunes activistes palestiniens ET israéliens. Cela permet de mieux comprendre la situation insupportable que vivent aussi les Palestiniens de Cisjordanie, les humiliations quotidiennes, l’arrogance des soldats israéliens, la violence et menace omniprésentes. Et ce, depuis de trop nombreuses années ; cela permet pour nous de rappeler que le conflit était déjà très féroce avant le 7 octobre. » Le film a reçu le prix du meilleur documentaire lors de la cérémonie de remise des prix du 74e Festival international du film de la Berlinale, à Berlin, le 24 février 2024. « Dans son discours de remerciement, souligne Laurence Bernier, Yuval Abraham, a sévèrement critiqué le régime israélien en Cisjordanie.« Nous nous tenons devant vous, Basel et moi avons le même âge. Je suis israélien, Basel est palestinien. Dans deux jours, nous retournerons sur une terre où nous ne sommes pas égaux, a déclaré Abraham, je vis sous une loi civile et Basel sous une loi militaire. Nous vivons à 30 minutes l’un de l’autre, mais j’ai le droit de vote. Basel n’a pas le droit de vote. Je suis libre de me déplacer où je veux dans ce pays. Basel est, comme des millions de Palestiniens, enfermé dans la Cisjordanie occupée, a-t-il poursuivi, cette situation d’apartheid entre nous, cette inégalité, doit cesser. » Le festival présente également une exposition : « En ce qui concerne Malak Mattar, raconte Laurence Bernier, nous avions utilisé une de ses toiles pour nos manifestations du 8 mars, image qu'elle dédiait à cette occasion aux femmes du monde. Je l'ai recontactée par Facebook et elle m'a aussitôt autorisée à utiliser ses images pour Palestine au Coeur. Elle vit actuellement en Angleterre (après un passage par la Turquie). Elle est originaire de Gaza qu'elle a quitté le 6 octobre 2023 (ça ne s'invente pas !!!) pour aller étudier à l'étranger suite à l'obtention d'une bourse. Toute sa famille est restée à Gaza et elle vit dans l'angoisse pour eux. » On laisse le mot de la fin à Marianne: « Ce sera sans doute encore plus dur l’an prochain de trouver des films. Evidemment la production locale est totalement freinée. »
Retrouvez la programmation complète, les horaires et les bandes annonces sur https://www.mjcdole.com/index.php/cinema
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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