Culture, Politique, Humeur

Est-ce que le partage, c’est la liberté qui nous rend égaux ?

Publié le 03/12/2024 à 11:17 | Écrit par Robot Meyrat | Temps de lecture : 04m43s

Profitant d’un jour d’apocalypse climatique où le ciel ne nous noyait pas sous ses larmes, j'étais vautré dans l'herbe tel un mal voyant palpant le sol à la recherche de la forme ronde des noix. Je m'appliquais à laisser 30% de la récolte pour les lutins qui appréciaient cette manne tombée du ciel.
Dans ma tête je pensais au partage. L'Internet Archive était tombé depuis quelques jours, j’ai dû avoir cet air pénétré qu’arbore la version d'Isaac Newton dessinée par Gotlib, l’espace de l’instant où j’ai compris l'importance capitale dans l'équation du partage de la définition de la communauté concernée. Se limitait-elle à la simple cellule familiale ? 

Dois je préciser que c'est ce moment que le téléphone choisit pour sonner, ma mère était à l'appareil, façon de me rappeler de ne pas oublier qui nous a mis au monde  ? Faudrait-il étendre le réseau au-delà, inclure les amis... et leurs amis aussi  ? Le limiter géographiquement au quartier, à la ville, à la nation  ? Ha ha, la nation  : Si quand on te demande d’où tu viens tu ne réponds pas que tu es terrien, tu n'as rien compris au concours de la plus longue bite. Les gens qui portent des drapeaux sont sans doute incapables de montrer ce qu'ils sont réellement par leurs actes. Une limite thématique  : les gentils et les mécréants  ? Si je suis souverainiste dois-je partager avec mes voisins ? Le plan limpide se décompose. J’en ai lourd sur la patate le national socialisme est de nouveau à la mode. La flânerie me manque. Tout ce qui nous entoure est un tissu de mensonges, construit autour de mécanismes aussi démoralisant que l'accumulation du profit, du pouvoir, etc. Seul le fou peut-être ne finit pas par croire aux histoires qu’il raconte. 

Quand tu lis un article, n'oublie pas de te poser la question  : celle ou celui qui t'écrit veut-il faire de toi un sympathisant  ? Veut-il te réconforter dans tes certitudes, attiser la flamme de ta colère ou te distraire  ? Pourquoi quelqu'un s'est glissé entre ces pages pour te parler ? Se sentir moins seul ? Je suis un mouton noir qui aime les arcs-en-ciel, je suis curieux de t'entendre me dire ce que tu penses, pas l'histoire que tu t'inventes, mais celle que tu pourrais deviner cachée derrière. Sur la table de dissection je laisse traîner le scalpel. C'est une invitation, tu le sais bien, quand nous serons toutes et tous répandus sur la surface froide, je me sentirai moins écorché, j'aurai moins peur de te faire peur avec mon cabinet des horreurs. 

De visite à la Chapelle des carmélites lors du dernier Festival d'Encre et de Papier, à moins que quelqu'un n'aide l'organisateur à porter son rêve de faire exister un peu d'alternativité dans cette drôle de ville, je revois comme à chaque fois Boris. Après m’avoir tuyauté pour diffuser la Radio Free Albemuth o r s n o r m e, pour rebondir sur mon histoire de noix, il me donne l'exemple des croqueurs de poèmes qui lui permettent de façon un peu magique de transformer sa poésie en livres. Il retient surtout le gaspillage des ressources quand des pommes pourrissent aux pieds des arbres alors que les gens les achètent dans des supermarchés. Alors il m’informe de la possibilité de nourrir les banques alimentaires. C'est pas bête, du coup, j'ai plus besoin de me questionner sur l'étendue de la communauté. 

Normalement, j’étais censé faire une chronique ce mois-ci. Ça tombe bien, j'ai la compilation libre Feng Po Po du Camembert Électrique sur les oreilles et cela boucle un peu la boucle... Vu que c'est le nom d’une déesse du vent et que pour ma récolte l’apesanteur a été bien aidée par une de ces violentes tempêtes jadis tropicales, dont il me semble que l'on doive accepter l’errance géographique aussi placidement que la dictature du marché du bon roi Macron est acceptée. Par contre elle ne sera sur le blog que le 23 du mois prochain, donc ça fout en l'air un peu tous les repères que j'avais mis en place pour te donner une impression de continuité, te rassurer que tu te délectes bien d’un canard et non d’un grand n'importe quoi. 

Sauf, que j'aime bien le chaos, autant que le café, enfin... un certain café  : Je l'aime bien décalé et... subtil, presque imperceptible. La continuité  ? Tu l'auras bien assez si tu relis mes anciens articles, tu verras que je radote, plus ou moins, de toute façon on ne fait que ça, des cycles, des vagues qui nous polissent et finissent par nous emporter. Et je préfère semer le chaos, ce chemin qui n'est pas tout tracé, ce trou dans la page, quasi cut-up, qui invente un nouveau message, selon comment on la plie, selon si on se penche dessus, ou si on la regarde de la périphérie de la vision. Bref, tu viens de te faire refourguer un peu de vide. Dans ce trop plein de propos que finit par devenir tout journal, s’il tente d'abreuver la soif de ses lecteurs au lieu de leur apprendre à ne plus boire. 

Le côté positif, c'est qu'on est tous d'accord que cela aura été une belle démonstration d'à quel point ce dernier espace d'Internet non marchand est indispensable. Alors, après qu’est-ce que cela change, que les responsables soient des pirates russes payés par le gars qui a racheté les éditions Hachette histoire de fêter sa victoire d'interdire le prêt de 1984 et de 4999 999 autres livres ou une opération pour influer sur l’élection présidentielles américaine ou vraiment des pro palestiniens qui auraient cru s'attaquer à l'impérialisme ricain, alors que le site héberge entre autres les blogs des journalistes de Gaza qui survivent encore, ce que personne ne croit ou ne pourrait vraiment croire, mais n'est pourtant pas complètement impossible, peu importe. Ce qui compte, c'est qu'il reste des gens pour s'intéresser à la culture libre, des gens pour lire des journaux alternatifs, alors il reste de l'espoir. Un jour, nous boycotterons toutes et tous le capitalisme, comme nous boycottons déjà les produits israéliens, Amazon, les SUV et désormais Hachette ou toute autre tentacule de Bolloré.  

En bonus : un album gratuit fait pour célébrer le retour de l'Internet Archive https://yoshiwaku.bandcamp.com/album/escaping-the-memory-hole

Robot Meyrat. 




À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


Oracle Non-Apophantique

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