Sept heures de trop
Lorsque j’ai entendu parler de la proposition du Sénat (1) pour faire travailler davantage les salariés, sans rémunération, afin de « financer les politiques du grand âge », j’ai tout de suite pensé à Clément Pernot, un des deux sénateurs du Jura, enflé comme une tique et confit de suffisance (notre document iconographique). Je le voyais appuyer sur le bouton afin d’approuver cette énième manifestation du mépris de ces parlementaires superfétatoires du Palais du Luxe pour ceux qui triment pour des salaires 4 à 5 fois moins élevés que leurs indemnités qui ne seraient bien sûr pas touchées par cette mesure inique.
Heureusement, dans le même temps, m’est revenue en mémoire l’image de cette poignée de jeunes enthousiastes qui ont offert une journée de travail très physique à Anne et Vincent Perrin pour sauver la paille de leur élevage sinistré par une montée des eaux. Le triste sire Pernot ne faisait bien évidemment pas partie de la joyeuse bande.
Tout est là dans ce contraste. D’un côté, les sénateurs qui soulèvent le tollé chez ceux qui n’en peuvent plus d’aller produire ce qui ne fait qu’engraisser le capital sans qu’on se pose la question de savoir si c’est bon ou pas pourvu que ça se vende. De l’autre, des gens qui spontanément et de leur propre initiative sont allés déplacer des centaines de bottes de paille à la sueur de leur front, au risque de choper le rhume des foins et des courbatures, mais avec la conviction d’accomplir une tâche utile parce que le travail de Vincent est reconnu comme étant de qualité, indispensable et respectueux de la nature.
Si le plan des sénateurs voit le jour (2), des millions de travailleurs iront au boulot à reculons, fabriqueront sans entrain ce que d’autres leur auront ordonner de faire ou accompliront les tâches avec d’autant plus de réticence qu’elles ne seront ni décidées par eux ni pour le coup rémunérées. Personne ne croit à la solidarité quand ce sont des parasites qui y appellent. Que les sénateurs abandonnent la moitié des 6000 balles qu’ils encaissent chaque mois et on reparlera de leur mesure ! Que le travail soit collectivement organisé et décidé et l’absentéisme chutera comme par miracle ! On tente d’échapper à ce qui ne dépend pas de nous ou nous opprime et on est plus porté vers la responsabilité lorsqu’on est intégré au processus décisionnel. Sept heures de travail subi en plus seraient un échec de la productivité.
Et pourquoi devrait-on payer pour les erreurs budgétaires des incompétents qui prétendent nous diriger? Que Bruno Le Maire, Gérard Larcher et Clément Pernot travaillent gratuitement pendant sept ans après s’être gavés, pendant au moins autant, des subsides publiques, quand ce n’est pas depuis toujours ! Après, sortis de leur bocal, je me demande bien à quoi ces ectoplasmes institutionnels pourraient bien servir.
S’il faut être solidaire avec le grand âge, c’est au niveau des actionnaires des EHPAD, des cliniques, des laboratoires médicaux et de Big Pharma qu’il faut aller pomper le fric !
Travailler n’est pas un problème tant que ça sert à quelque chose de vertueux. Nous faire bosser gratis pour un système corrompu, c’est niet !
- Cette proposition scélérate a finalement été abandonnée le mercredi 27 novembre, sur la version final du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
- C’est abrogé pour l’instant mais il y aura bien un de ces vieux revanchards à remettre ça sur le tapis un de ces jours.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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