Valse sans Bachar
Bachar Al-Assad s’est réfugié à Moscou: fidèle à ses engagements, la Russie lui accorde l’asile politique. Le régime autoritaire syrien qui tenait bon an mal an depuis 50 ans s’est écroulé en quelques jours sans vraiment se défendre. C’est à croire que le grand escogriffe s’était préparé à son rôle de dictateur en exil. Le peuple de Damas est en liesse et on le comprend. Les gros médias occidentaux exultent autant que lors de la capture de Saddam Hussein et celle de Mouammar Khadafi. Ça devrait nous mettre la puce à l’oreille car à chaque fois, la suite nous a réservé de très désagréables surprises : la sacro-sainte démocratie ne s’est pas abattue sur l’Irak et la Libye comme une pluie de pétales de roses.
Il faut d’autant plus s’inquiéter que les rebelles de HTC (Hayat Tahrir Al-Cham) étaient encore des terroristes barbus et des assassins radicaux il y a quelques mois. Les gros médias à la mémoire courte les taxent aujourd’hui d’islamistes modérés, pour ne pas dire modernes, pour ne pas dire modèles. On aimerait croire à cette rédemption surprise.
Plus inquiétant sans doute, une autre composante des « libérateurs », l’Armée nationale syrienne, soutenue par la Turquie d’Erdoggan, est elle aussi très hostile aux Kurdes.
Ah les Kurdes ! Ce peuple qui m’est cher et pas seulement parce qu’il porte d’invraisemblables pantalons bouffants à côté desquels les baggy trousers de Madness font figure de fuseaux pour le ski. Leur tenue folklorique ne les empêche nullement d’être à cheval sur quatre pays (voir notre document cartographique) dont les États ne leur ont jamais accordé le statut d’exception qu’ils réclamaient.
Alors quand le régime de Bachar Al-Assad a montré des signes de faiblesses, les Kurdes en ont profité pour monter leur petite entreprise démocratique, non sans avoir filé une bonne roustée aux sbires de Daesh.
Ils l’ont baptisée Rojava, et ce modèle communaliste est nettement plus novateur, laïque et indépendant que ceux que proposent toutes les autres milices du coin, sans parler des États de la région.
Mais à part Bernard-Henri Lévy qui a tourné avec eux un épisode de « Faisons le cake post-colonial en terre inconnue » pour ARTE, les Kurdes n’ont pas bonne presse en Occident. Au mieux, on les ignore. Au pire, on les menace de leur confier BHL pour un deuxième épisode.
Ce sont pourtant les Kurdes du Rojava qu’il faudra soutenir dans les prochaines semaines, au moins en les faisant connaitre, sans oublier les Palestiniens pour qui la fuite de Bachar Al-Assad n’augure que du flou.
À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.
Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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