Politique

Mais c’est pas bientôt fini ?

Publié le 01 févr. 2025 à 15:19 | Écrit par
Stéphane Haslé
| Temps de lecture : 04m16s

Ce matin, Louis a trouvé, au fond de la corbeille de fruits, une orange, oubliée là depuis des semaines, en train de pourrir lentement. Quand il l’a prise entre ses doigts, elle s’est immédiatement décomposée en poussière grisâtre. Une question lui est alors venue à l’esprit, comment se fait-il que le macronisme n’ait pas encore complètement disparu de la vie politique, de la vie tout court ? Comment se fait-il qu’il se maintienne encore, quand il n’est plus qu’une coquille vide, qu’un spectacle d’ombres, qu’un fruit nécrosé ? Les vœux du président de la République pour 2025 avaient pourtant toutes les apparences de la normalité, de la routine, de la réalité ; cependant, ils étaient crépusculaires et mécaniques. En écoutant et regardant Macron, ce 31 décembre, Louis avait l’impression d’entendre un texte  écrit par une Intelligence Artificielle. Tout était là : bilan de l’année, perspectives, foi en l’avenir, etc., la composition était bonne, l’image nette, l’élocution facile, mais rien n’était dit, les paroles sortaient d’un « corps sans organes », pour paraphraser, de loin, Gilles Deleuze, c’était ce que l’on appelle un discours sans âme. EM est un produit parfait de la société du spectacle, en le regardant à la télévision, Louis a toujours eu l’impression de voir un être à deux dimensions, comme toujours sur les écrans, mais qui, là, correspondait à la vérité du personnage, à son absence de profondeur. C’est la puissance de la télévision, elle nous montre le monde tel qu’il apparaît à nos yeux en donnant l’illusion de la profondeur, de la troisième dimension. 

Marx, au milieu du XIXe, disait de la religion qu’elle était « l’âme d’un monde sans âme ». Elle était la consolation, factice, mais utile quand même, que requéraient la brutalité et l’inhumanité du capitalisme industriel. Nous pourrions dire la même chose de la télévision et des écrans en général, dans ce premier quart du XXIe. Le capitalisme a évolué, (pas tant que ça d’ailleurs), dans sa matérialité, dans ses modalités d’emprise, mais brutalité et inhumanité sont toujours omniprésentes. Le capitalisme n’a pas d’âme, il n’a pas de troisième dimension, il n’en a que deux, les corps et leur mise en ordre dans l’espace social et économique pour démultiplier le profit. Cessons de reprendre les lieux communs d’aujourd’hui : la vie n’a pas de sens, partout règne la confusion généralisée, la situation est incompréhensible. Non, la réalité est très simple : la finalité qui sature le réel est la production renouvelée des marchandises pour satisfaire la pulsion de l’accumulation dont le capital  vit, parce que c’est cela qu’il est, et rien d’autre. En conséquence, le réel est injustices, inégalités et destruction de la nature ; voilà sur quoi les vies humaines butent depuis deux siècles. Dans son allocution du 31, EM n’a jamais parlé d’inégalités, d’injustices ou de destruction de la nature, il n’a jamais parlé du peuple, qui est le nom ce ceux qui vivent, dans leurs corps, cette réalité-là, il n’a donc parlé de rien, comme la religion au temps de Marx qui parlait de mondes qui n’existent pas, de représentations qui ne sont que fumée, d’espérances sans effets ici-bas.

Les régimes dictatoriaux ne tiennent que par la force et la violence qu’ils exercent à l’encontre de leur peuple. Lorsque la force disparaît, ils s’écroulent en quelques jours, souvenons-nous de la chute de Ceausescu, de Kadhafi ou, récemment, de Bashar al -Assad. Ces régimes n’ont pas d’âme, ils n’ont pas et ne prétendent pas avoir d’autre dimension que la domination sur les corps, cela leur suffit, tant qu’ils ont les moyens physiques de l’imposer. Les démocraties, en revanche, revendiquent autre chose (elles ne renoncent évidemment pas à l’usage de la force), autre chose qu’elles désignent comme des valeurs, des idéaux, des attentes morales, autour desquels les citoyens sont censés s’unir et se reconnaître collectivement. En théorie, la politique est le lieu privilégié où le peuple et ses représentants débattent de telles questions, où valeurs et idéaux s’élaborent et se transforment, où sont créées les institutions qui doivent les faire vivre. Le problème est que ces objets : Justice, Liberté, Égalité, Fraternité, n’existent pas, ne se présentent jamais à nous in concreto. Qui a déjà croisé la Justice, ou la Liberté, ou l’Égalité, ou la Fraternité ? En revanche, la force existe, elle est visible, tangible, comme le montrent les répressions dans les dictatures (et ailleurs). Les valeurs démocratiques n’existent que si nous y croyons, que si nous nous en emparons. Cependant, elles ne sont pas du même ordre que les croyances religieuses. Celles-ci renvoient à un autre monde, supposé supérieur au monde humain, au-delà, celles-là sont produites par celles et ceux qui œuvrent  et travaillent ici-bas, elles ne dérivent pas d’un ou de Dieux surhumains, elles sont secrétées par les citoyens eux-mêmes. La politique devrait être ce qui nous aide à croire en elles, ce qui nous donne envie d’y croire et surtout, ce qui nous permet de participer à leur mise en forme et en action. Qui peut penser que les gouvernements Barnier ou Bayrou pourraient redonner quelque consistance à un tel objectif ? Ils ne défendent pas des valeurs, mais des intérêts, ceux de leur caste, ceux de leur classe, comme l’a fait Macron depuis le début. Désormais, cela saute aux yeux, même à la télévision.



À propos de l'auteur(e) :

Stéphane Haslé

Convaincu que l’universalisme est une particularité nationale, je me considère comme un citoyen français du monde (intellectuel), définition possible du philosophe. Agressé chaque jour par les broyeurs à idées qui nous environnent, je pense que la résistance, même désespérée, ne doit pas être désespérante.

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