Culture

En léger différé de FaisTonCinoche-sur-le-Doubs

Publié le 28 avr. 2025 à 09:45 | Écrit par
Christophe Martin
| Temps de lecture : 03m33s

Ceci est l'édito du numéro papier d'avril dont il traine encore quelques exemplaires collectors en ville.

Je vais persiffler mais je n’en mène pas large. Qu’ai-je en effet à faire dans un univers où Calogero refuse du monde ? Ne ferais-je pas mieux de me réjouir avec Jean-Baptiste Gagnoux, le maire de Dole, du fait que le chanteur populaire a dû rajouter une date en fin d’année à la Commanderie pour faire asseoir tout son fan club jurassien ?

Comment ne pas penser dans le sens du vent ? Comment ne pas être en apesanteur en oyant Calo sur mon Teppaz ? Comment, comment comment ?

Eh bien prenez, Jean-Claude Tupin, le PDG du groupe Majestic Cinémas, qu’on prendrait à tort pour un marchand de pop-corn et de navets américains âpre au gain, eh bien, il a tenu à ce que « Lumière, l’aventure continue ! » de Thierry Frémaux soit à l’affiche le jour même de sa sortie le jour même de l’ouverture du nouveau gigacomplexe rive gauche, entre la nouvelle version de Captain America et Les Bodin’s partent en vrille. Quel beau geste !

Et si le hall de la mégastructure est baptisé Jacques Duhamel de manière assez convenue, l’entrée sud s’appelle comme le général Antoine Béthouart parce que Jean-Claude Tupin en a décidé ainsi. Une formidable preuve de gaullisme à deux balles pour un cinéma qui fera forcément la part belle aux blockbusters hollywoodiens… mais passons ! Comme Jean-Claude Tupin l’a si élégamment et récemment déclaré à la Voix du Jura : « Entre ce con*ard de Trump, cet en*ulé de Poutine et les bruits de bottes qu’on entend ces temps-ci, je pense qu’on doit rappeler certains messages ». Encore une magnifique preuve d’indépendance sans discernement, le fruit bien mûr d’une pensée aveugle qui n’a pas froid aux yeux. Et ça prouve qu’à Dole, on peut se prénommer Jean-Claude sans être inscrit au PS. 

Mais devant un tel déballage de luxe d’genre aéroport international sans les avions, comment ne pas résilier dans l’heure son forfait Netflix Premium à 19,99 euros ? Pour trois euros de moins, vous vous immergerez dans l’expérience Imax de votre vie vautré dans un siège 4.0 en classe affaires. Comment après une telle séance d’aventure extrême du fauteuil à bascule ne pas avoir envie d’adhérer à Dole 2030 pour manger de la raclette entre boomers ? Comment, comment, comment ?

Comment ne pas nager avec le banc de thons qui foncent vers l’Ukraine en chantant comme en 14 ? Comment résister à l’envie d’en découdre avec les Popovs et les Niakoués dans la gadoue comme Rambo (notre illustration) ? Comment, comment, comment ?

Eh bien, reprenez Jean-Baptiste Gagnoux qui, non content de faire tout ce cirque en fanfare au conseil municipal, fait son cinéma à longueur de journaux et pas simplement dans Libres Commères. Il y a tout juste un an, il posait le premier parpaing avec sa petite truelle alors qu’on n’était même pas sûr que le cinématographe sur grand écran avait encore un avenir face à Amazon Prime Video et au smartphone (on n’en est toujours pas très sûr d’ailleurs). Le maire sortant a encouragé les ouvriers chaque semaine, soutenu à bout de bras ce chantier pharaonique et je le soupçonne d’être allé lui-même en catimini prêter main forte aux forçats du boulon pour fixer les 1580 fauteuils, accrocher le portrait de Duhamel dans un coin du hangar d’entrée et passer un dernier coup d’aspirateur avant l’ouverture.

Et maintenant, le locataire de l’hôtel de ville a un sunset boulevard devant lui parce que d’ici l’année prochaine, son public n’aura pas encore eu le temps de se rendre compte que le luxueux multiplexe est SURDIMENSIONNÉ, que les tarifs de l’espace Taille-trop-Grand sont dignes du Jockey Club, que les loyers dolois n’attirent pas les étudiants, pas plus que le prix des billets à la Commanderie qui ont rejoint ceux du banquet des chefs étoilés, qu’on ne peut pas être au bowling et au laser game le week-end, puis aux restos du coeur le lundi, que l’hubris ne touche pas que Macron, Trump et Musk mais fait également des ravages chez les potentats du coin.

Comment ne pas se laisser emporter par la foule qui nous grise et nous chavire dans cette grande farandole ? Comment ne pas péter plus haut que le mont Poupet quand on se sent pousser des ailes et attiré par le soleil ? Comment, comment, comment ?

Eh bien, en lisant ce numéro d’avril, cousu main, très illustré et écrit à la sueur de nos intelligences tout ce qu’il y a de plus naturelles. Vous y trouverez quelques petites choses qui vous donneront sans doute envie de sourire et de ne pas marcher au pas cadencé vers le désastre.



À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.

Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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