Comme un phare dans la nuit européenne
L'une des seules conséquences positives des mesures de rétorsion économique des États-Unis contre l'UE, c'est sans conteste l'embarras savoureux dans lequel se retrouve plongé Dominique Seux. Le bougre est éditorialiste aux « Échos » de Bernard Arnault, son seigneur et maître, mais il officie aussi sur France Inter (où il sert de têt-à-claques à Thomas Porcher) et à la une de Ouest France, un quotidien très engagé dans l'impasse de l'humaniste catholique et conservateur. Alors que le journal titre : « Droits de douane : tant d'entreprises dans le flou », Dominique Seux lâche tranquillement qu'il s'agit d'un accord « dont la première vertu est de mettre fin à l’incertitude qui paralysait les acteurs économiques ». Les libéraux ne sont plus à une contradiction près et les lecteurs d'OF sont habitués à ces éditos vaseux qu'on lit comme on prend un bain de boue : ça n'apporte rien mais ça habitue à la terre du cimetière.
Ce qui me fait pouffer, c'est la manière dont Seux louvoie pour masquer la totale déconfiture européenne, un aplatissement qui par bien des aspects est également le sien. Le marché libre et non faussé, ça ne marche pas dans une économie dominé par la soif de profit, la corruption et la tricherie. Alors comment annoncer aux eurogagas que l'UE s'est encore pris un sacrée veste ? « Des droits de douane à 15 % pour entrer aux États-Unis sont-ils une catastrophe ? Politiquement, l’Europe avait au départ l’ambition de convaincre Washington d’en rester au statu quo antérieur (autour de 5 %). Échec. Puis, elle a proposé un deal autour de 10 %. Refus. Ce sera donc finalement 15 %, ce qui est moins que les 30 % dont elle était menacée, mais plus qu’espéré. » L'édito est en consultation libre sur le site d'OF. Seux y reconnaît à demi-mots que l'UE de Von Der Leyen se fait plumer mais il omet soigneusement d'évoquer les clauses les plus scandaleuses : la fourniture d'hydrocarbures et d'armements américains à des prix prohibitifs, la délocalisation forcée aux USA d'une partie de la production européenne. Que des mesures qui vont parfaitement à l'encontre de la philosophie économique libérale dont Seux a fait son gagne-pain de soi-disant expert depuis des décennies !
Et bien sûr, aucun mot sur la rouerie sans scrupules des Allemands : avec des amis comme ceux-là, pas besoin d'ennemi russe. Seux défend la pseudo unité européenne par un silence complice. Les européistes vont eux aussi avoir des comptes à rendre notamment à ceux qu'ils font taire depuis si longtemps. « Fallait-il que l’Europe refuse ce compromis et montre ses muscles – ce qu’elle a refusé de faire et ce que recommandait la France, qui de ce fait a perdu ? Peut-être. Parce que le résultat est que l’accord à vingt-sept est moins favorable que celui obtenu par le seul Royaume-Uni, comme le voulait l’eurosceptique Donald Trump. La force ne s’use que si on ne s’en sert pas, dit l’adage. L’Europe ne s’est pas mise en position de l’imposer. » Et voilà, on n'est pas en mesure de contrebalancer le jeu du despote pervers Trumpepstein et de son régime extractiviste, productiviste, consumériste et impérialiste, alors on s'écrase en criant victoire et on perd encore un peu plus de dignité jusqu'à la prochaine fois car les États-Unis sombrent et nous le feront payer. C'est le problème avec les salauds : ils font payer au cercle domestique les frustrations du monde extérieur. Et personne ne moufte parce que ça se passe en famille.
En conclusion, même s'il mérite de terminer sa carrière à jouer du pipeau en Argentine, Dominique Seux reste un sémaphore dans la nuit médiatique. Là où il prêche, ça cloche, y a des récifs et ça manque de fond. Comme il sert les intérêts des gros, il suffit de faire demi-tour pour que ça aille mieux. Seux est un repoussoir et comme il est constant dans l'erreur, il finit par être un point de repère.
Post-scriptum : au passage observez bien comment la grosse paluche de Trump enserre la mimine crochue de Von Der Leyen. Tout est dans le geste.

À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.