Politique

Encore un honnête homme jeté en prison

Publié le 05 nov. 2025 à 19:12 | Écrit par
Christophe Martin
| Temps de lecture : 06m00s

Il y a une vingtaine d’années circulait une blague dont la morale était qu’il était impossible d’être à la fois intelligent, honnête et sarkozyste, n’importe lequel des trois termes étant incompatible avec les deux autres ensemble. L’actualité récente montre que ce postulat n’a pas pris une ride.

La récente condamnation de Nicolas Sarkozy (NS) à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs donne lieu depuis quelques jours à un tsunami de commentaires qui sont autant d’insultes à la décence, à la probité, à la raison et à la démocratie. [1]

L’une des caractéristiques les plus stupéfiantes de la droite, c’est sa capacité à hurler au laxisme judiciaire en permanence… Sauf  ! Quand c’est la droite qui est sanctionnée par la justice. Là, tout au contraire, on crie au scandale, à l’injustice, au complot politique, etc. [2]

La droite est la championne du deux poids deux mesures. Simple mauvaise foi partisane presque universellement partagée pourrait-on objecter. Non, non, pour la droite, ça va bien au-delà. Et c’est parfaitement logique. Puisqu’au cœur de sa mentalité, de sa vision du monde, se trouve l’inébranlable croyance en l’inégalité, pratiquement érigée en principe politique fondamental. Une justice impitoyable ? Oui, avec les pauvres, les arabes et les gauchistes. Non pas avec les bourgeois, les racistes et les “honnêtes gens” de droite.

Ah ! “La France des honnêtes gens”… La trouvaille du parti Les Républicains et de son président le presqu’ouvertement fasciste Retailleau, a fait beaucoup rire à gauche et au-delà tant le nombre de politicards de droite (dont une bonne part de sarkozystes) épinglés par la justice est effarant.

Mais il faut prendre le slogan au sérieux en le regardant avec un œil de droite pour le comprendre véritablement. Les “honnêtes gens” de la droite, ce ne sont pas des gens qui se distinguent par une moralité en titane et un respect des lois exemplaire. Ce sont les gens de droite qui soutiennent inconditionnellement les politiciens de droite. Appartenir aux ”honnêtes gens”, c’est déclarer sa loyauté aveugle au pouvoir de droite, comme dans la mafia [3]. Appartenir aux “honnêtes gens”, c’est une pétition de principe [4] : les gens de droite sont des honnêtes gens puisqu’ils sont de droite et que la droite c’est le camp des honnêtes gens. CQFD PQEDD [5].

Attention ! Ce que l’on pourrait prendre pour une aimable plaisanterie est éclairé d’un jour inquiétant par le cas NS. Partant du principe irréfragable [6] que NS est “honnête” (car de droite, et même grand (!) chef de droite), ses soutiens ne peuvent tirer qu’une seule conclusion de sa condamnation : les juges sont pourris, malfaisants, partisans, haineux… En un mot : gauchistes. Et nous revoilà embarqué dans le train fantôme de la prétendue “dictature des juges” – comme à chaque fois qu’une vedette de la droite est condamnée [7].

Où le deux poids deux mesures de la droite révèle toute sa perversité et son potentiel fasciste : NS et la droite hurlent au viol de l’État de droit et de la Démocratie en accusant les juges de haine et de partialité, en appellent donc implicitement ou explicitement à la neutralisation des juges, et mettent de facto à l’agenda la suppression de l’indépendance du pouvoir judiciaire, donc de l’État de droit, donc de la Démocratie.

“Oulala ! Faut pas parler de fascisme comme ça à la légère !” bêlent en chœur les petits bourgeois qui pensent pouvoir s’en tirer avec leurs postures morales avantageuses et leur barrage républicain en papier. On leur signalera que c’est précisément en s’en prenant aux juges que l’Italie de la crapule Berlusconi a tranquillement glissé vers le post-fascisme bon teint de Meloni. Et que c’est au nom de la défense de la Démocratie contre les juges que les hordes trumpistes ont envahi le Capitole le 6 janvier 2021, puis à nouveau porté à la Maison blanche leur héros, dont même les plus timorés reconnaissent qu’il applique une politique fasciste.

Pour revenir en France, on rappellera quelques-uns des autres méfaits de NS : banalisation des idées racistes et autoritaires de l’extrême-droite dès son arrivée place Beauvau ; suppression de la police de proximité et renforcement des brigades anti-criminalités (BAC) qui ont attisé la conflictualité dans les quartiers pauvres et les violences policières ; rupture de la politique étrangère française et alignement sur Washington notamment par le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN ; annulation du résultat du référendum de 2005 qui avait permis au peuple français de rejeter le Traité constitutionnel européen dont on ressent chaque jour la toxicité pour la souveraineté populaire, les droits sociaux et le niveau de vie des français ; suppression de la possibilité constitutionnelle de condamnation pénale du Président de la République pour haute trahison commuée en simple destitution pour manquement à ses devoirs ; sans parler de la poursuite de la destruction de l’État social et des services publics “as usual” depuis le milieu des années 1980.

On rappelle tout cela à l’attention des castoridés qui en appellent au “barrage républicain” par réflexe pavlovien et continuent à sauver les meubles de la droite quand ils ne peuvent gagner une élection. La droite reste la droite. La droite est sans foi ni loi. La droite a un besoin vital de mentir et de manipuler pour diviser les classes populaires. La droite se contrefout de la démocratie. La droite ne se soucie que de ses intérêts, de ses privilèges, de son pouvoir – aussi minable et insignifiant soit-il. La droite n’a aucun problème avec l’avénement du fascisme. La droite ne présente pas (ou plus) de différence significative avec ce que l’on appelle encore communément l’extrême-droite.

Quand on fait gagner une position de pouvoir à une personne de droite – ait-elle la figure innocente et juvénile d’une brave grenouille de bénitier ou le visage joufflu et un peu niais d’un gros kiki velu – on affaiblit le camp de l’Égalité et donc la perspective d’une vraie Démocratie. A fortiori quand on s’en retourne somnoler dans son canapé avec le sentiment repu et satisfait du devoir accompli jusqu’à la prochaine foire électorale.

Alors ? Ne sous-estimons pas nos adversaires ni leur dangerosité. Extirpons-nous du vulgaire commentariat indigné. Examinons soigneusement les armes du camp d’en face. Forgeons les nôtres. Tâchons d’éclairer la pente fasciste des “honnêtes gens” aveuglés par la démagogie pour tenter de les ravoyer. Et mettons-nous au travail sans délai pour bâtir une vraie Démocratie – enfin.

**************

[1] On laisse la responsabilité au lecteur d’aller s’exposer à l’abjection sarkolâtre dans à peu près n’importe quel média, et aux explications des raisons de la condamnation de NS auprès de gens sérieux comme Fabrice Arfi ou Clément Viktorovitch par exemple.

[2] Nous n’illustrerons pas ici le phénomène, comptant sur le fait qu’il se trouvera en France quelques courageux ou facétieux pour compiler toutes les déclarations de NS sur la nécessité d’une justice impitoyable avec les délinquants et ses chouineries actuelles sur les méchants juges qui veulent engeôler et humilier le brave petit innocent qu’il serait.

[3] Rappelons que NS se fait surnommer le “parrain”, qu’il a été formé notamment par l’interlope Charles Pasqua, et qu’il continue à être consulté par nombre de politiciens de droite, comme le dernier ministre Lecornu.

[4] La pétition de principe est un raisonnement fallacieux dans lequel on suppose vrai ce qu’il s’agit de démontrer.

[5] CQFD PQEDD : ce qu’il fallait démontrer pour qui est de droite.

[6] En droit, une présomption irréfragable interdit au défendeur d’apporter la preuve contraire. Autrement dit, par principe, ce qui est irréfragable ne peut pas être contredit. Exemple  : “nul n’est censé ignorer la loi”  ; impossibilité matérielle mais vérité incontestable pour le système judiciaire.

[7] Voir le cas de Marine Le Pen condamnée pour détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants européens il y a quelques mois ; Marine Le Pen qui a d’ailleurs immédiatement et spontanément affiché son soutien à NS.



À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.

Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès
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