UNE PLONGÉE DE 4 MINUTE 33 SECONDES EN APNÉE AU CŒUR DE LA GRÈVE.

Mode sombre

Avant toute chose on respire, ce n'est qu'une image, je t’invite avec moi sur l'action qui se déroulait ce mercredi 29 Janvier à Dole.

J'étais à 10h30 à la sous-préfecture pour collecter du visuel pour les Brigades d'Action Cinéma. La foule était bigarrée, de tout âge, de toute obédience syndicaliste, gilets jaunes, citoyens, ou juste humains. Au milieu à côté de la voiture de la C.G.T, se détache un groupe bien animé de femmes avec comme uniforme des bleus de travail.

Une personne des Gilets Jaunes vient me voir pour me dire que la baraque de Parcey a été détruite hier. Les défenseurs des inégalités sociales sont venus en force pour empêcher toute résistance.

Peu de temps après, je filme la manchette devant le bureau tabac du centre "Mardi Noir Pour les Gilets Jaunes" avec les nombreux manifestants qui passent devant. Je t'invite à lire l'article sur cette cabane (Cf: Cachez cette cabane que je ne saurais voir), à voir "Je veux du soleil", si tu ne l'as pas encore vu. Je suis choqué par cette nouvelle terrible. Je ne sais pas qui est responsable, préfet, maire, état, ce qui m’écœure c'est cette triste réalité, l’inéluctable guerre à la vie: quelques soient nos initiatives pour redonner un sens à cette vie, ce n'est qu'une question de temps, pour qu'elles soient détruites, ce système toxique ne supporte pas d'alternatives. Ce qui n'est ni marchand, ni institutionnel est un danger pour les politiciens. Car cela montre que nous n'avons pas besoin d'eux. Bien au contraire, le monde serait meilleur sans ces parasites. En 2009, c'était déjà la grève contre la réforme des retraites, j'étais à ST-Nazaire, je venais de prendre une année sabbatique pour écrire un livre, au lieu de cela, j'ai été participer à la vie du squat le radeau des Sorcières. Un jour le directeur du C.C.A.S est venu discuter avec nous. Et il a fait les louanges de ce qu'il s'y passait, disant qu'il ferait de même, s'il n'y avait pas la mairie pour l'empêcher. Évidement à plusieurs c'est plus facile de s'en sortir. Tout le monde sait, que nous avons besoin d'espaces collectifs pour ne pas être de simples rouages numérotés, de simples consommateurs, de simples électeurs sacrifiés sur l'autel du profit.

C'est bien pour cela que ce squat a été muré, puis rasé, car il était devenu l'exemple flagrant qu'avec de la bonne volonté, nous pouvons plus que les millions qu'ils gaspillent pour entretenir leurs réseaux mafieux.

Une équipe de télé régionale est présente, je vois aussi une personne en pleine entrevue avec une des femmes du flash-mob en train de la filmer. Je l'apostrophe pour proposer mon aide, demander s'il a besoin d'images, il me dit que non, qu'il fait juste ça pour le Progrès. Non, sans m'avoir empêché, entre temps, de me faire rouler dessus, par une voiture qui voulait quitter son stationnement. Sympathique.

Je quitte le point de ralliement pour aller en roller filmer ce qui se passe dans la ville. Je croise une amie avec ses enfants; quand je lui dis que je compte illustrer le slogan "Travaille, Consomme, Crève" à une lettre près. Et que pour ce faire, je filme les gens qui travaillent et ceux qui consomment, pendant que d'autres manifestent pour les retraites de tous... Elle juge bon de me préciser qu'elle ne « consomme » pas et va poster un colis... Je la rassure: je n'ai rien d'un fixiste. C'est d'ailleurs pour ça que je n'interroge personne dans les commerces. Il ne s'agit pas de faire culpabiliser. Plutôt de montrer que nos choix ont des conséquences.

Hier, j'avais été voir le clip d'origine, j'ai eu le cœur serré quand je l'ai entendu. En fait, question forme, je pourrais balayer devant ma porte, car « Obéir tue » qui a été retenu pour le film précédent des BAC (NDLR: Brigades Action Cinéma) est le morceau de l’album dont la musique est la moins expérimentale. 

Alors je n'attendais pas de révolution, je sais que plutôt que montrer l'exemple, en refusant la soupe musicale et en inventant quelque chose à nous, on s'imagine que ça fera plus le buzz si c'est dans les normes spectaculaires. Au moins, un détournement, c'est un acte de piratage, qu'on en soit conscient ou non. Alors si ça facilite le partage... tant mieux! C'est le propos qui m'a blessé: c'est la faute à Macron. Sérieusement? L'usage du bouc émissaire, pour fédérer les foules. L'apologie de la manipulation politique? Alors que la vidéo vienne d'Attac, ça me désole, habitué à une certaine éthique. Pas surprenant après, que j'aie entendu à un moment où Macron est à terre roué de coup par ses victimes une personne crier: à mort! Autant la mise en scène est excellente, avec la face de Macro masqué qui sort du drapeau noir du fond Black Rock. Si on était fou, on pourrait même faire un pastiche, avec un masque de Louise Michelle qui sort de dessous le drapeau des Black Block avec les CRS qui lui envoient des grenades, des balles d'attaque, qui continue de s'acharner sur le corps que l'on devine mutilé sous le drapeau, et le sang qui s'écoule tristement. La lutte sans y mettre la forme, c'est pas très ragoutant. Dans le genre, j’ai nettement préféré les paroles de ce détournement Cf: La musique contre le rouleau-compresseur gouvernemental

Par contre à force d'aller aux manifs, je me rends compte que tout le monde commence à connaître tout le monde. Je suis saisi par cette foule où quasiment chaque personne discute avec d'autres, c'est très différent d'il y a quelques années et ça, c'est de la dynamite ! Après nous être laissé enfermer derrière nos écrans, depuis le début de la crise des Gilets jaunes, les gens se rencontrent, construisent des passerelles, en faisant fi de leurs différences. Après, quand un état fait la guerre à sa population, c'est normal que les gens se serrent les coudes et lèvent le poing, ils savent d'où viennent les coups. Et se réunir, se rencontrer, ça change tout.

Alors la critique quant au propos de la chanson... c'est une démonstration d'intégrité journalistique ?

On s'en fout, ce qui compte, c'est comme c'est bon de voir, tout un chacun oser dépasser ses limites, des femmes qui chantent et dansent. Qui se moquent des sinistres qui veulent notre misère.

Alors merci à elles, merci à celles et ceux qui ont répondu présent, et toi, si tu aimes la vie vient la goûter ici la prochaine fois, au moins une fois, pour te faire ton propre avis.

Cet article a été écrit par Robot Meyrat. Dole le 29 janvier 2020.
Article diffusé sous licence libre https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr
Reproduction encouragée avec source et sans modification.

(Cet article n'est donc pas régi par les règles habituelles de diffusion consultable ici.)

Partage :

Article mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.