Mode sombre

Mardi soir, un peu après l’heure de l’apéro, je me suis rendu à l’invitation du p’tiot Gagnoux à la salle des fêtes de la Commanderie à la présentation de la liste de la majorité municipale. Je ne vous dis pas tout ça de tête mais parce que j’ai gardé le beau carton d’invitation qu’il a pris soin de venir déposer jusque dans ma boite. C’est gentil de sa part de s’être déplacé mais j’aurais pas été contre une petite enveloppe plus personnalisée. Et puis il aurait pu sonner et on aurait causé du dernier show-meeting à la RPR que Jean-Marie nous avait concocté en 2014 pour être bien sûr qu’il fasse pareil tellement c’était bien. De la musique qui swingue, des chaises pour s’asseoir, des spotlights de partout et tout le bazar!  On en avait pris plein les mirettes et Jean-Claude Wambst plein les bronches. Pensez donc 29 élus du premier tour. Même pas deux dates! De belles économies de services publics dès le départ! Rhôôô! 

Toute cette organisation avait l’air très professionnelle. A la Commanderie, ils font toujours bien les choses. Question spotlights, on se serait crû au stade du Barça avec un joli mélange de bleu et de fuchsia. Une petite musique moderne pour l’ambiance comme ils savent y faire au café Charles pour les après-midi des dimanches dansants. Un moment, ils ont même mis des fumigènes: on se serait crû en manif pour les retraites avec le gars Rémi de Brut et sa go-Pro sur la tête. La classe internationale.

Je suis arrivé juste à l’heure et il n’y avait plus une place assise de libre. Pas étonnant vu qu’on était plus de 600, enfin… c’est ce qu’a dit après le jeune Gagnoux sur son hashtague, car un rapide calcul dans ma tête me dit que des rangées de 20 sièges, il en faut une bonne trentaine pour faire le 600. Et on n’était tout de même pas 200 à s’entasser à l’arrière du bus. Heureusement le type des RG a été me chercher une chaise, bien aimable, ce garçon!

A peine assis, voilà-t-y pas, que le Jean-Baptiste jaillit comme une panthère de derrière les fagots et qu’il me serre la pince comme s’il savait qui j’étais alors qu’on s’est jamais vraiment vus entre quat’z’yeux. Il a remonté l’allée tout comme ça. Une bise à droite, un coup de paluche à gauche, rebise à droite, accolade, main sur l’épaule, de la vraie chaleur humaine. Très à l’aise dans son complet sombre de VRP multicartes. A croire qu’il avait invité que des copains et des copines! M’enfin! M’étonnerait tout de même qu’il fréquente que des vieux comme moi à son âge. 

Sur le grand écran du fond, on a revu ce formidable court-métrage qu’il a réalisé avec ses copains. Un truc de promotion où on le voit très à son avantage. Pour la soirée aussi, il s’est montré très à son avantage. En même temps, c’est un peu fait pour ça une campagne aux urnes. En fait, y a presque que lui qui a parlé et quand Jean-Marie et le comptable Jean-Fiscal dont je trouve plus le nom ont pris la parole ils nous ont parlé que de lui. Comme c’est un brave garçon, avec les compétences qu’il faut pour faire un bon maire avec de la poigne. On le voit bien qu’il passe son temps à serrer des paluches dans la rue. D’ailleurs ils ont bien dit qu’ils allaient y aller les deux, Jean-Marie et le p’tiot, place Beauvau, chez le ministre de la police. Ils ont pas dit son nom mais moi, j’ai bien deviné qu’ils parlait de Christian Castagner et son collègue avec le képi trois fois sa taille. Et tout ça rapport à la BAC qui a fermé chez nous et parce qu’il y a plus assez de schmittes dans le commico de la Nationale. Je traduis un peu à la va-vite parce que je sais pas si c’est mon sonotone qui s’est mis à foirer ou quoi mais le son des voix, il s’est mis à monter dans les nasillards, puis deux secondes plus tard à s’étouffer comme si on leur avait mis un mouchoir dans la bouche. Ça n’a pas arrêté de jouer au yoyo sonore. Et donc j’ai peut-être pas tout capté mais pour la BAC et la vidéo-surveillance, ça j’en suis sûr. Il est pour le retour des cowboys. Et c’est bien, ça, les caméras. Parce qu’imaginez une minute que je tombe dans la rue et que personne n’ait le temps de me remettre sur pattes, hé ben… par les caméras, ils me localisent à l’état-major municipal de l’espace santé, Allô Mairie Senior en détresse appelle le SMUR à Besançon et en moins de six heures, ils me rapatrient chez moi en hélicoptère grâce à la chirurgie ambulatoire qui me permet de pas rater la météo des neiges en rentrant pour dormir dans mon fauteuil avec la webcam branchée si y avait quoi que ce soit. C’est la solidarité transgénérationnelle 2.0.

Pour en revenir à mardi, les compliments ont défilé pendant deux bonnes heures, avec toutes les trois minutes un jingle bien tonique comme à la télé pour pas qu’on s’endorme. En même temps, ils ont fait de bonnes choses à la mairie depuis qu’ils ont vengé ce pauvre Gilbert. Ça avait quand même été une sacrée déconfiture. C’est comme les pharaons, on se demande comment ils sont plus là. Pour faire table rase, ils ont supprimé les bus qui tournaient sans personne dedans tellement ils les mettaient aux mauvaises heures. Ils ont rasé c’te Maison du Jeûn et de la Culture qui passait que des films avec des sous-titres qu’on arrive pas à lire pour y construire à la place un grand complexe aquaçasert… non, je déconne… une grande piscine en plein centre-ville pour que les gamins des Mesnils et du Poiset, ils y réfléchissent à deux fois avant de venir à pied pour dépenser leur billet de dix.

Bon pour en venir à l’équipe parce que faudrait pas croire que Jean-Baptiste y va tout seul au charbon, je connais presque tout le monde et j’étais content de savoir que mon vieux pharmacien Jean Bordat va continuer à récurer les fontaines et que Daniel Germond va nous organiser une étape du Tour de France du tonnerre. Et aussi que le président du club de foot Mohamed Mbitel a le crâne aussi luisant que celui de Jean-Philippe Lefèvre qui va pouvoir continuer à faire rayonner la Collégiale du feu de Dieu à travers toute la Franche-Comté de Dijon jusqu’à Strasbourg. 

En 2014, je me souviens que l’Alexandre Douzenel était alors tout nouveau dans la bande. Il était pas vraiment prévu à ce qui se dit. Le benjamin de la liste, cette fois-ci, c’est Justin Bournier, 21 ans, un marcheur avant l’heure que j’ai eu en classe de 3ème quand je suis venu faire quelques heures de dépannage en français-latin-grec au collège de l’Arc. Il quittait mon cours du mercredi en avance pour aller s’entrainer, le champion. C’est bien de donner leur chance à des sportifs de haut niveau. Bon, là, j’ai vu qu’il avait contreperformé ce week-end mais il va se reprendre. D’autant qu’avec le dossard 21, il va falloir qu’il crapahute s’il veut entrer au conseil, le marcheur. « Maintenant on avance avec une ville qui marche bien», ça lui va donc comme un gant à Justin. Ah, c’est « une ville qui avance avec vous » maintenant?! Bon, c’est pas mal non plus.

J’aurais bien vu le Bilel Latreche sur la liste, ça aurait donné du punch à c’t’équipe. Et puis aussi des soutiens de la première heure comme Roni Idan, pas avare de pouces bleus sur Facebook.

Enfin l’essentiel, c’est qu’ils aient gardé ma petite Justine sur la liste. Justine Gruet, ma kiné, la princesse de l’arthrose, la gentillesse même cette p’tiote. Toujours le sourire et le mot qu’il faut pour mes vieux os. 

J’ai pas capté toute la liste ni tout le programme mais c’est une affaire qui roule, cette campagne! Pourtant Jean-Marie nous a bien mis en garde de nous méfier de cette petite musique qui que quoi et patata. Tu parles, Charles! Le député qui connait le p’tiot comme s’il l’avait porté sur les fonds baptismaux nous a pas rappelé que Jean-Baptiste était toujours un fidèle du président Sarkozy pour nous dire de faire profil bas. Non, non, non! On nous la fait pas. On va gagner, les doigts dans l’nez! On a Gagnoux! On a Gagnoux!

 

Prosper Sifflard


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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