Mode sombre

Le 22 janvier débutait pour les élèves de l'enseignement secondaire leur inscription sur ParcoursSup ainsi que sa ribambelle d’étapes préparatoires à la formulation de voeux: demandes d'établissements, de formations supérieures... En année sabbatique depuis septembre 2019 ( donc en tout début! ), ce fut donc hélas à mon tour de m’y atteler pour préparer ma rentrée 2020, parce que tout de même, flâner à l’aube de ses dix-huit ans, ça va un an mais pas deux!  

 

La nouveauté de la plateforme qui a pris de cours tout le monde, et qui m’a rappelé de mauvais souvenirs d’après-midi à rédiger moult lettres de motivation pour un pauvre inventaire par-ci, ou une nuit à l’usine par là, c’est l’écriture d’un projet de formation motivé à chaque voeu formulé. Mais pas de panique, en somme, on nous demande en 1500 caractères de nous mouler conformément à chaque expectative renseignée par l’établissement, tout en sachant que l’algorithme n’a que faire de nos écrits hasardeux calqués à un mot près sur ceux des autres candidats. Tout ce qui compte, c’est les pattes de mouche à l'encre rouge des profs griffonnées dans la marge de nos copies.

 

Bref, après avoir expliqué en quelques lignes mon projet de vie et mes projections sur l’avenir avec assurance et force motivation, tout cet abus de politiquement correct et de fausse profondeur m’a laissé un goût salé de simulacre et d’hypocrisie en bouche. Alors, pour en prendre le contre-pied, j'ai voulu (en 1500 caractères, ou presque) tout reprendre à zéro, pas de craques ni d’artifices, mais juste ma sobre errance, au possible...

 

 

“Je vais vous dire, l’année sabbatique c’est assez génial. En fait, je ne crois pas m’être déjà autant nourrie, par moi-même et par les autres. Plus de cadre scolaire, d’enseignement programmé! Une errance quotidienne au fil des rencontres qui me traversent, des personnages dont je retire toujours quelque chose, tant chaque parcours de vie à tout âge est riche. Une promenade de vie animée par un enchevêtrement de nouvelles réflexions, de chemins de traverse et de controverses, touchant au terreau brut humain et politique. Toutes ces joutes m’ont permis de toucher à la lutte sociale, mais aussi à une nouvelle urgence que paradoxalement mon temps m’a laissé apprécier: celle du naufrage écologique éminent. Et voyez-vous, c’est là que mes pensées me porteraient presque à un dilemme. Entre avoir le plaisir d’entamer des études supérieures tout en sachant pénétrer un univers disciplinaire, compétitif et citadin, et de l’autre côté, tenter de semer collectivement et localement les graines essentielles et fertiles à la dignité humaine, et à un renouement avec la terre, depuis longtemps expirée de ses entrailles. Par intuition et par entendement, je sais que l’énergie est à mettre dans la deuxième option. Mais me voilà. Dans l’errance, il y a aussi du bon en ce qu’elle ouvre des portes, et c’est avec fascination que j’ai ouvert celle de la pédagogie. Alors, je me dis qu’à défaut de créer un écovillage maintenant, me former pour l’instant aux enjeux éducatifs et sociaux porte finalement un sens, tant de telles connaissances peuvent servir l’accompagnement des enfants entrant dans cette époque, mais aussi soutenir toutes les formes d’entraide et

d’éducation populaire possibles. En bref, je vois dans les sillons de l’éducation tant de lucioles dans l’obscurité, comme tant de faisceaux de contre-pouvoir dans le noir. "


M.B

 

 


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À propos de l'auteur(e) :

Margot Barthélémy

Biographie en cours de rédaction.


Flâneuse dilettante

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