La France rétrécit sans gosses
On se souvient que le dépistage de la baisse de la natalité avait permis à Emmanuel Todd d’annoncer dès le milieu des années 70 l’effondrement de l’Union soviétique : les ventres maternels ne trompent pas. Aujourd’hui, en France, avec un enfant-roi au pouvoir qui prône le « réarmement démographique » sans jamais avoir eu l’intention d’engendrer autre chose que le chaos, on approche d’une situation tout aussi critique.
Depuis plusieurs années, notre pays fait face à une baisse continue des naissances jusqu’à atteindre des niveaux historiquement bas. En 2024, selon l’INSEE, seulement 663 000 bébés ont vu le jour, soit une baisse de 2,2 % par rapport à 2023, mais une chute de plus de 21 % depuis le pic de 2010, selon l’Institut national des études démographiques.
En juin 2024, la France (métropolitaine et outremer) comptait en moyenne 1757 naissances par jour, soit une baisse de 7,9 % par rapport à juin 2023. Pourtant, avec un indicateur de fécondité de 1,62 enfant par femme (contre 2,01 en 2012), la France reste au-dessus de la moyenne européenne qui était de 1,46 en 2022. Elle affiche cependant un recul plus rapide que ses voisins. Pour conclure cette série de chiffres, on constatera que le nombre de naissances en 2024 est le plus bas enregistré depuis 1946. Ça donne à réfléchir.
Pour ce faire, Todd s’appuie sur un bouquin que l’économiste Maxime Sbaihi vient d’enfanter : « Les balançoires vides, le piège de la dénatalité » qui annonce tout de suite la couleur : « Loin de l’idée que le désir d’enfant s’éteigne, c’est la réalisation de ce désir qui devient de plus en plus difficile. » Autrement dit, les jeunes en âge de procréer renonce à avoir autant de mômes qu’ils le voudraient pour des raisons matérielles. La question de l’accès au logement, couplé à la précarisation de l’emploi, est au coeur de cette décision : comment envisager de faire 1, 2, voire 3 enfants dans un cagibi où on sera peut-être bien amené à faire du télétravail ? Ça incite à revoir ses aspirations et à calmer ses ardeurs printanières.
Si vous ajoutez à cela le manque de places en crèche et tout le toutim de la garde des mômes pour les employés, plus deux ou trois bricoles de l’ordre de l’angoisse environnementale et sociale, vous avez toutes les raisons de sombrer dans la grande déprime en revoyant « Treize à la douzaine » sur Disney Channel.
Avec ses six rejetons, Bayrou semblerait plus crédible qu’Attal pour lancer une vaste opération en faveur de la natalité. Mais il faudrait d’abord rétablir un climat de paix internationale, apaiser les tensions sociales, inverser les courbes du chômage et de la désindustrialisation, construire des tas de logements décents et en réhabiliter de plus anciens, injecter du fric dans l’Éducation nationale au lieu de fermer des classes, ouvrir des crèches plutôt que des parcs à thème et des cinémas multiplexes, bref arrêter d’être aussi mollement attentiste, autant dire que c’est au-dessus de ses forces. La Vème République agonise avec la bourgeoisie consanguine. Achevons-les !

À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.